À vive allure Ada Ernst se rendait chez les Mainemer lorsque l'averse détrempa route et bois. Ayant capoté la Kübelwagen, la météorologiste demeura au sec.

C'est à l'orée du bois que se produisit l'improbable rencontre. Un imposant chapeau conique émergea du brouillard. La paysanne portait une tunique à longues manches et pantalon d'un noir d'encre. Impassible, l'ombre ployait sous la charge de sacs maintenus en équilibre par un souple balancier posé sur son épaule.

Le soleil pourfendait les grands arbres quand le véhicule de l'armée allemande la dépassa. Maculée de boue, la paysanne jura. La Kübelwagen se rangea sur le bas-côté.

Ada Ernst prit pied sur l'herbe mouillée, tenta de déceler les traits dissimulés sous l'ombre de la vaste coiffe conique.

- Joli chapeau, complimenta t-elle.

- C'est un Non La, rectifia l'inconnue. C'est une coiffe traditionelle annamite.

Après consultation des données Satellit via son boîtier de poignet, Ada Ernst confirma les dires de la jeune eurasienne. Cette dernière cheminait depuis des kilomètres, avait traversé deux bourgs au nez et à la barbe des voltigeurs en tricycle BMW de la Wehrmacht.

La base de données des services de renseignements confirma son identité : Elle s'appellait Marguerite. Marguerite Thuault.

Les deux femmes chargèrent les sacs dans la Kübelwagen qui démarra en trombe. Marguerite Thuault piaffa de rage.

— Toute cette farine ! se réjouit Ada. Tout ce sucre ! Cela va en faire des crèpes!