La porte en bois au vernis usé s'ouvre brusquement ; Giuseppe Verduzio suspend son geste. Annabell Graff s'efface et le pilote italien s'avance avec précaution dans le salon lilliputien où se sont retrouvées les trois allemandes pour attendre le jour. Annabell contemple l'aviateur de la Regia Aeronautica sur lequel un terrible piège vient de se refermer. Ada Ernst, allongée telle une panthère repue dans le canapé, se redresse prestement ; tentant de redonner contenance à sa face troublée par la surprise. Annabell dont le genou est doucement venu heurter celui de Guiseppe s'amuse beaucoup de son air penaud et de l'expression confuse du natif d'Adrano. Il est minuit quarante cinq, l'heure idéale pour une partie - de cartes. À quatre.

Mise en rogne par les tricheries éhontées de sa jeune camarade, Kiki Ketzler abandonne rapidement le jeu, regagne sa chambre en grommelant. « La vieille est fachée », ricane Annabell qui sursaute en entendant claquer la porte. Guiseppe et Ada tentent vainement de dissiper le malaise latent en abattant sêchement leurs cartes - comme si de rien n'était.

Les voix s'estompèrent peu à peu et Kiki Ketzler quitta sa chambre à pas de louve. Telle une ombre e derrièreles lignes ennemies, la quadragénaire traversa le vestibule, s'approcha de la porte, colla son oreille au bois murmurant. Dans la piaule d'Annabell, une âpre mêlée battait son plein : deux flamboyantes valkyries tentaient de s'emparer de la grondante colonne de Vril d'un centurion désemparé.