Exfiltrée sans tambour ni trompette d'une europe exsangue, c'est sous une fausse identité que la diva berlinoise renaquit de ses cendres. Capturée dans la campagne bavaroise, elle fut l'unique survivante d'un aréopage de huit odalisques nazies. On annihila ses camarades d'infortune d'une balle dans le front — sous la lumière dure d'un soleil resplendissant.

Le massacre de sinistre mémoire devait hanter ses nuits et son esprit jusqu'à sa mort. En décembre 1945, les services secrets US l'expédièrent — encagée— sur la côte Ouest.

Son acclimatation fut des plus houleuse. L'égérie du Reich refusa tout contact avec son aînée Marlene Dietrich à qui elle vouait une insondable haine. Elle dédaigna l'apprentissage de l'anglais : on dut alors se résoudre à la fouetter.

En janvier 1962, l'impétueux vent de sa colère n'était plus qu'une molle brise. Dans le patio ombragé d'une villa de Beverly Hills, la rescapée fit en catimini, la connaissance de mademoiselle Mortenson. Pourquoi le Président avait-il eu cette idée ? Nul ne le sait.

La crème glacée au café fit son office et les deux blondes platine sympathisèrent, se tombant (presque) dans les bras l'une de l'autre. L'allemande avait quarante-trois ans ; sept de plus que sa cadette.

Dans les mois qui suivirent, le duo peroxydé mit sous pression la garde prétorienne du Président. À plusieurs reprises, ces hommes pourtant aguerris, confondirent les deux amies ; le bruit couru qu'elles se faisaient passer l'une pour l'autre... Ces méprises à répétitions devinrent le thème de prédilection des conversations mafieuses à travers tout le pays.

On ne sut jamais qui donna son blanc-seing pour cet ultime croisement des destins. Quoi qu'il en soit, en août de cette année-là, l'une des deux resta sur le carreau.