Nocturne infamie
Lassé par cette logorrhée lénifiante, Thimothy Hara cesse d'écouter son interlocutrice. Dans le canapé, leurs genoux se frôlent. Cette promiscuité lui donne le tournis. Tim se lève — fin du dialogue de sourd. Le pilote de ligne — américain d'origine japonaise — ne digère pas sa mise à pied par la compagnie. Il considère sa mise au placard comme étant des représailles suite à l'attaque menée à Hawaï par l'empire du Japon. Dehors, la pluie lamine les toits. Immobile dans la semi-obscurité du salon, Tim à les bras croisés et tourne le dos à Lauren.
Après l'humiliation subie par sa femme et sa fille dans les locaux de la compagnie, Tim n'apprécit guère la duplicité de Lauren. L'orage gronde. Le tonnerre redouble et secoue les flancs de la maison. La flamme âcre de la lampe à pétrole fait danser les silhouettes tel un frémissant ballet d'ombres chinoises. Tim Hara s'interroge sur les véritables motivations de son amie d'enfance. Il se garde bien de chercher une réponse dans le regard aimanté de sa collègue. Assise de biais sur le cuir, Lauren — épouse du meilleur ami de Tim— abandonne à son tour le canapé. Sa veste aux épaules renforcées masculinise sa silhouetet tout en sublimant sa taille de guêpe. Elle est au summum de sa beauté. Sans un regard pour la table dressée pour le dîner de la famille Hara, la grande brune se campe derrière Tim, se presse contre lui, enlace sa taille. Elle murmure tandis que la foudre s'abat non loin. Sa voix se brise. Elle écrase sa face larmoyante contre le dos de Tim. Le tonnerre gronde. Tim n'a pas entendu sa confession ; le frisson sera pour plus tard. La pluie chasse par la porte d'entrée béante. Le vent de la nuit halète. Sur la véranda détrempée, deux spectres les observent en silence. Tim se précipite, les enferme à l'extérieur — à double tour. De leurs poings serrés, les deux fantômes martèlent le bois — jusqu'au sang.
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