1 - L'Ermite et les Villageois
Qui ne craint la morsure profonde du froid, la caresse térébrante des flocons, attend ses invités devant la porte pour le plaisir immense de voir leurs silhouettes se dessiner au lointain.
Tel est ce vieil ermite isolé sur une montagne, celui que les villageois du val appellent, en se moquant, le faiseur de mots et qui, de visite, ne reçoit que celles des animaux de la forêt.
« Les seuls à l’écouter ! » plaisantent les villageois quand ils n’ont plus à égrener de vilaines rumeurs au fil des jours qui passent et qu’il faut donner à ce quotidien morne l’heureuse mesure d’une farce, pour porter leurs pas un peu plus loin, et se sentir vivant dans la chaleur inique d’un rire emporté.
Or, quand l’ermite descend au village, battant la douce mesure de son bâton, personne ne se moque de lui, jamais : ne se lisent, sur le parchemin des visages, que de l’admiration, une sympathie débonnaire ou bien une indifférence courtoise, des sourires brodés sur la soie terne des lèvres silencieuses.
Bien que ces farceurs ne soient point lettrés et se moquent bien des lettres au-delà de l’écriture, ils savent aux vents des paroles ce qu’il a accompli, en peu de mots, mais personne, non personne, ne comprend pourquoi il s’est isolé ainsi, au fait de sa renommée, au-delà des noires forêts d’une montagne au sommet blanc. Les prémisses, peut-être, d’une mort lente mais désirée ? Une lubie de vieux fou ?
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