C’était la première fois d’Irwin Swann. Il avait ressenti le besoin pressant d’étaler, là maintenant tout de suite, la fureur de son esprit. L’inspiration l’avait sailli comme ça dans la rue. Toute la débauche des mots devait être étalée immédiatement. Un rêve charnel trop fugace pour attendre. C’était un besoin ardent, reptilien. Les doigts galopaient sur le clavier comme les caresses fougueuses d’un amant impétueux. Ce n’est qu’après avoir écrit une vingtaine de pages, qu’il prit le temps d’engloutir le Big mac qu’il avait l’intention de manger devant la télé.
La veille, il avait été récupérer son dîner au fast food du coin comme d’habitude. Mais alors qu’il s’était baissé pour nouer ses lacets, la muse lui avait chatouillé l’âme. Il dut s’arrêter en chemin, à seulement cent mètres de chez lui. Se poser sur le premier banc libre et écrire toute la nuit, dehors, à la lueur des réverbères. Fébrile. Rien n’existait en dehors de la lumière de son écran, il était hypnotisé, possédé, mais tellement consentant. Il avait attendu ça depuis si longtemps.
L’inspiration, le fluide miraculeux qui parcourt l’échine. Une excitation sans pareille l’avait consumée. L’aube et le petit matin arrivèrent à son insu. Il haletait de plaisir, la bouche entrouverte, extatique. La fièvre était toujours là, elle l’avait pétrifié dans le bronze.