L'air de Paris était pollué. La truffe noire qui reniflait de temps à autre le bord de la route était formelle. Paris était sale et complètement engorgée de substances toxiques. C'était à vous retourner l'estomac. Enfin, cela aurait bien retourné l'estomac de Seijiro si cela n'avait pas fait quatre jours qu'il jeûnait par manque d'argent.

Il s'était perdu trois fois en croyant retrouver le chemin de la villa Fleury. Il était complètement trempé et ses vêtements étaient perdus près de son lieu de travail. Rapidement, il passa devant une vitrine cadenassée de l'extérieur. Le reflet qu'il put y voir dans la vitre le fit gémir de dépits.

Il avait l'allure d'un louveteau. Un louveteau sale, avec neuf queues épaisses de renard attachées au bas de son dos. Si ce n'était pas terrible de voir ça, un kitsune au pelage noir et errant dans les rues de la capitale en quête d'une pizza abandonnée. Hola, il aurait sûrement pu tuer pour un kebab et quelques frittes.

Penser à de la nourriture lui donnait encore plus faim. Il laissa tomber l'inspection de son physique et reprit sa course. Il connaissait un endroit où il pourrait se nourrir à sa faim. Son ancien foyer. Tout le monde là-bas était très gentil. Mais Seijiro était parti car l'affection se diffusait là-bas comme un parfum d’ambiance et cela l'avait rapidement étouffé.

Bientôt, il se retrouva dans le jardin des Fleury. La nuit était encore noire, rendant la présence du renard indétectable. Il avait fait fuir un trio de chat au passage, s'étant fait feuler gratuitement.

Maintenant qu'il se retrouvait dans le jardin de ses anciens protecteurs. Il hésitait à toquer. Le kitsune avait déjà eu l'air pathétique devant cette famille, il avait espéré ne jamais revivre une telle humiliation.

Alors qu'il réfléchissait à la meilleure façon de rentrer discrètement dans un manoir sûrement protéger par une batterie de charmes et de sortilèges anti-intrusion, une douce odeur de volaille agrippa l'estomac et l’instinct du prédateur atypique.

Envolés sa conscience, envolés la petite voix de la bienséance qui s'appliquait à le mettre sur le bon chemin. Il n'y avait plus rien à par cette douce odeur de poulet encore chaud et lui. Ses sens animales le guidèrent machinalement jusqu’aux limites du petit poulailler de la famille. Sans attendre, Seijiro se mit à creuser avec la force du désespoir. Il avait faim. Cette faim le plongeait dans la folie.

Quand il fut passé sous le grillage, c'est avec rapidité et souplesse qu'il s'engouffra à l’intérieur de la petite cabane douillette. La paille sous ses pattes était si agréable qu'il était à deux doigts de décider qu'il mangerait les volailles plus tard. Mais voilà que sa présence était détectée et alors un concert de cri et de roucoulement s'ajoutèrent aux coups de becs et d'ailes désordonné. Une serre lui griffa le museau. Au prix d'une course-poursuite désordonnées, ses mâchoires se refermèrent sur le coup d'un jeune poulet, le "crac" caractéristique d'une nuque qui se brise assura à Seijiro que sa prise ne chercherait plus à s'échapper.

Après quelques acrobaties et mouvements astucieux, le renard qu'il était avait réussi à s'introduire dans la remise. Il s'agissait d'un petit débarra où était entreposé la fameuse paille chaude et confortable. Sans attendre plus longtemps, le kitsune attaqua sa proie. La déplumant au maximum avant d'arracher la peau pour aller recueillir les morceaux de choix de ce petit poulet encore menu. Le sang était encore chaud sur sa langue. Les os craquaient sans mal sous ses crocs... Bientôt, il ne resta de sa proie qu'une carcasse ensanglantée et recouverte de plumes tachées. De son côté, Seijiro venait de s’étaler dans la paille. Une fois repu, le sommeil l'emportait violemment à chaque fois. Il en oubliait tout et surtout ses problèmes.

Et c'est parce qu'il manquait de vigilance que le lendemain, il allait être surpris par une tête rousse, couleur des renards...