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Ils partirent très tôt ce matin là. Cinq jours après qu'il ai accepté de devenir un hovack, Gabriel se retrouvait dehors, en compagnie de Nihyr et Ellohira, direction Azulimar. Ellohira les accompagnaient, car elle rendait visite à ses parents après de nombreux mois passés loin d'eux. Nihyr avait promis à Gabriel son véritable uniforme d'élève ainsi que les rudiments des arts de la forge.
Pour le moment, ils dévalaient les pentes de l'Eratar vers les plaines de l'est alors que le soleil restait invisible. Seule une lumière pâle indiquait l'aube prochaine.
Une fois descendus de la montagne, ils furent obligés de continuer pendant un moment dans un dédale de roches taillées par le vent et la pluie pendant une bonne heure. Lorsqu'ils en sortirent enfin, le soleil était levé.
Nihyr siffla alors une note mélodieuse, avec force, qui alla se perdre bien au-delà de son champ de vision. Loin au-dessus, un cri d'oiseau, semblable à celui d'un faucon, répondit.
— Les callacahys sont toujours là, dit Nihyr en souriant. Mais nous ne les verrons pas aujourd'hui. ajouta-t-il à l'égard de Gabriel, qui affichait une mine intriguée.
— Ce sont de gigantesques oiseaux, répondit Ellohira à la question muette du garçon. Ils veulent bien nous porter parfois, pour voyager.
Gabriel aperçut alors quelque chose bouger au loin, alors que son esprit admettait lentement la possibilité de voyager à dos d'oiseau.
Lancé à pleine vitesse, trois grandes créatures aux silhouettes de loups énormes approchaient. Leurs pelages semblaient parfois lancer des éclairs, tellement ils reflétaient le soleil du matin.
— Bonjour Frayr, fit Nihyr avec calme alors que l'une des bêtes s'approchait doucement de lui.
Gabriel sursauta et ouvrit la bouche en grand lorsqu'il entendit le grand chien-loup répondre à ce salut avec courtoisie.
De près, ces bêtes étaient semblables à des loups, en bien plus gros et en plus massif. Leurs pelages brillants, tout en nuances de gris, prenaient parfois des reflets irisés. Les yeux de Frayr étaient d'un bleu incroyable. Ils avaient aussi quelque chose de félin. Un curieux, mais très harmonieux mélange.
De son côté, Ellohira saluait une autre des créatures et lui caressait affectueusement le front. Une femelle du nom d'Iral.
— Gabriel, voici Frayr, Fayr et Iral. Ce sont des Fenris.
— Enchanté, répondit Gabriel, tentant de rendre son salut le plus naturel possible.
Les Fenris inclinèrent la tête avec grâce.
— Fayr te laissera le monter. Tiens, prend ça, dit Nihyr en jetant à Gabriel une longue lanière de cuir. Passe la contre son poitrail et accroche toi.
Gabriel s'exécuta tandis que Nihyr et Ellohira sautaient avec légèreté sur le dos de leurs montures respectives. Fayr se coucha pour laisser monter Gabriel.
Frayr partit alors comme un boulet de canon, Nihyr sur le dos. Iral le suivit.
— Accroche toi, prévint Fayr de sa voix profonde avant de se lancer.
L'accélération coupait le souffle et la vitesse atteinte après quelques secondes obligeât Gabriel à se coucher sur le dos du Fenris en agrippant la sangle le plus fort possible. Mais après seulement quelques minutes, il commença déjà à se sentir plus à son aise.
— Ça va bien ? S'enquit Fayr.
Après un silence, Gabriel répondit par un énorme cri d'allégresse.
— Si ça va ? Carrément ! Tu peux les rattraper ?
Fayr émit un grondement de plaisir et accéléra sa course. Bientôt il eut rattrapé Iral, qu'il dépassa, avant de dépasser Frayr. Gabriel se sentait libre, véritablement et complètement libre. Chevaucher pareille créature, à une si grande vitesse, c'était absolument incomparable ! Les Fenris se révélaient des coureurs exceptionnels. Rapides, le pas léger et égal, ils transformaient le voyage en expérience inoubliable.
Gabriel demanda à Fayr ce qui se passait lorsqu'il commença à ralentir.
— Ouvre les yeux ! s'était exclamé le Fenris. Le soleil est haut dans le ciel, il est temps de manger pour vous. Et je dois avouer que je me sens un peu essoufflé.
Fayr et Iral ne tardèrent pas à les rejoindre.
— Alors ? demanda Nihyr.
— C'est fantastique ! s'exclama Gabriel. Je n'oublierai pas ça de sitôt.
Il se retourna et posa la main dans le pelage incroyablement doux de Fayr.
— Merci.
— De rien, jeune maître. J'espère que vous me laisserez vous porter souvent, c'est un plaisir que de vous sentir aussi émerveillé.
Fayr se coucha alors dans l'herbe, imité par ses congénères.
Tandis que les humains se restauraient, les Fenris se reposèrent un moment, puis s'en allèrent se désaltérer à une rivière proche.
— Le Nif ! annonça Nihyr. Nous aurions mis près de trois jours pour atteindre cette rivière à pied. Ce soir, nous dormirons à l'extrémité est de la forêt. Nous traverserons le désert demain.
— En plein jour ? demanda Gabriel.
— Désert ne veut pas forcément dire chaleur écrasante, expliqua alors Nihyr. Il n'y a quasiment rien de vivant à cet endroit parce qu'il n'y a pas d'eau, à part une petite source perdue au milieu de nulle part. Même pas assez d'eau pour qu'une rivière se forme.
Ils reprirent leur chevauchée jusqu'au moment du dîner, puis mangèrent un morceau. Les Fenris disparurent pendant une petite heure et revinrent ensuite en parlant de leur petite partie de chasse. Le groupe reprit alors sa route jusqu'à la tombée de la nuit.
Leur voyage se poursuivit dans un décor de terre sèche et craquelée le jour suivant. Ils laissèrent derrière eux les collines verdoyantes de l'est pour aller plus franchement vers le nord. Ils retrouvèrent alors des terres plus fertiles, mais toujours aussi planes. Le soir venu, ils s'abritèrent dans un bosquet pour manger et passer la nuit. Très loin devant, Gabriel aperçut des éclats de lumière, sans doute des reflets du soleil.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il.
— C'est la muraille extérieure d'Azulimar, répondit Ellohira.
— Oui. Nous avons voyagé un peu moins rapidement aujourd'hui, observa Nihyr. La ville est encore très loin.
— L'enceinte doit être très haute pour qu'on l'aperçoive d'aussi loin, non ?
Nihyr et Ellohira eurent le même sourire et invitèrent Gabriel à se taire et à dormir.
Le lendemain matin, c'est une pluie fine qui réveilla le groupe. Nihyr assura que le ciel ne tarderais pas à se dégager et offrir son plus beau soleil. Ils prirent leur temps, histoire de voir les prédictions météorologiques de Nihyr se réaliser. La pluie cessa rapidement, comme prévu, et le groupe se prépara à partir. Le temps qu'ils remballent leurs affaires et grimpent sur le dos des Fenris, le soleil perçait les nuages. Cinq minutes de course plus tard, quasiment tous les nuages avaient disparu. L'air encore embrumé par l'humidité ne tarda pas non plus à se nettoyer des restes du mauvais temps. Gabriel put ainsi découvrir les murailles d'Azulimar. Et plus il avançait, plus il croyait rêver. C'était comme s'il approchait d'une montagne d'acier.
— En quoi est donc construite cette ville ? demanda-t-il à Fayr.
— La muraille extérieure est recouverte d'acier azuré. Les har-lin ne supportent pas la magie qui l'imprègne.
De grandes portes circulaires se voyaient à plusieurs centaines de mètres du sol. Gabriel se dit avec raison que ces ouvertures servaient à la circulation des fameux aéronefs. Il avait hâte d'en voir enfin !
A droite comme à gauche, le mur d'acier disparaissait très loin dans une courbe parfaitement régulière. Ils arrivèrent finalement au pied de la muraille, devant une porte assez large pour laisser passer une armée et plus haute qu'un immeuble de dix étages. A l'approche du groupe, il y eut un bruit sourd, puis la porte glissa lentement vers la droite. Nihyr descendit du dos de Frayr, et avança, suivi de près par Ellohira. Gabriel descendit à son tour de sa monture et après lui avoir adressé un dernier remerciement, se glissa par l'ouverture tandis que les fenris s'en retournaient.
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