Son reflet était seul, bien entendu. Une part de lui s’attendait à voir Isaan à ses côtés. Mais il n’y avait personne, et une brûlure hélas familière lui serra le cœur. Pourquoi avait-il tant de mal à se faire des amis ? Oh il avait des camarades apprentis, et avec eux il travaillait, il mangeait, il plaisantait de ceci et de cela, mais plutôt de choses qui les faisaient rire eux, à l’heure où eux avaient envie de manger, dans une ambiance de chamailleries et de perpertuelles piques. La bravache et la confiance en soi semblait être les qualités reines pour lier d'amitié avec des garçons, tandis que la gentilesse et le dévouement passaient au mieux inaperçus, ou au pire attiraient des persécuteurs. Quant à des amies parmi les filles, il n’osait y songer ; il avait bien trop de désir pour cela. Leurs maîtres adultes enfin, eux, avaient apparement tout oublié de ce que c’était d’être jeune… pourquoi était-ce si difficile de se lier avec d’autres êtres humains ?

Au-dessus de son reflet, la tour continuait encore quelques étages jusqu’aux appartements saillants de la tutrice royale. De se voir ainsi seulement à mi-hauteur lui rappela qu’il devait, comme son reflet d’ailleurs, se hâter pour leur rendez-vous.

Se promettant de prendre davantage de temps plus tard pour admirer la rotondité du monde, il s’arracha au paysage et attaqua le reste de la montée, serra les dents, et encaissa rageusement les trois derniers étages, cent-quarante-quatre marches, six meutrières éblouissantes et laissant passer de plus en plus de vent, pour ne finalement s’arrêter que face à l’épaisse porte du huitième, à bout de souffle.