— C’est bien que tu sois là, reprit Bamine. Je craignais que Diana n’ai personne de son âge à qui parler ce soir. Ou du moins à part Jacques, mais celui-là je ne veux pas qu’il l’approche !

Camarian perdit le fil de ses pensées ; Jacques était un apprenti artisant de deux ans plus agé que lui, fort désagréable et clairement de ceux qu’il aurait préféré laisser derrière lui. L’idée qu’il puisse parler à Diana l’horrifiait autant que Sire Bamine et il scrutant autour d’eux en quête de la silhouette de la jeune fille, esperant la trouver seul. Il s’aperçut qu’on sortait peu à peu de la forêt centrale, mais de le voir chercher Diana ainsi déclencha chez Bamine un immense éclat de rire.

— Allons mon garçon, du calme ! Cesse ce regard prédateur ! La seule protection que tu peux apporter à Diana, c’est en lui faisant la conversation !

Rougissant, Camarian baissa les yeux et bafouilla quelques sons dépourvus de sens.

— De toute façon, continua Bamine, je ne veux pas te faire de peine, mais elle est clairement intéressée par Isaan. Normal, il est bien davantage de son statut, et quand elle a appris que nous allions le sauver, elle ne m’a plus lâché.

Camarian en resta un peu bouchée bée.

— Sauver Isaan ? Elle vient pour ça ? Tous ces gens, vous et tout le monde c’est pour cela que vous venez ?

Les mots de Dame Érise lui revenaient, ses questions insistantes à propos d’Isaan, ses insinuations. De quoi Isaan aurait-il besoin d’être sauvé ?

— Évidemment ! s’exclama Bamine. Nous n’allons pas laisser notre Isaan aux mains de ces malfaiteurs ! Le meilleur d’entre nous ! Peut-être est-ce même pour celà qu’ils l’ont enlevé ? Oui, jles comprendrai… moi-même, j’ai besoin de lui à Monadoma ! Ne le répète pas, mais les autres gestionnaires sont des guignols en comparaison. Si ma fille pouvait…

Camarian parvenait temporairement à faire abstraction de la jeune fille, il voulait connaître le vrai but de leur expédition et resta concentré :

— Des malfaiteurs ? Qui auraient enlevés Isaan ?

— Ma parole mon garçon, tu ne sais donc rien ? Isaan n’a pas seulement disparu, Dame Érise a découvert qu’il a été kidnappé !

Camarian faillit rire à son tour. Il n’avait aucun doute qu’Isaan était parti de son plein gré : Monadoma avait toujours été trop petit pour lui, alors s’il avait découvert un autre monde… Sir Bamine interpréta mal son air ébahi :

— Toi aussi ça te fait un choc, n’est-ce pas ? De penser que notre époque paisible puisse être le théâtre de vilains pareils ? On aurait cru que cela appartenait à l’ancien monde !

Il se pencha vers Camarian.

— Tu n’es pas bien doué pour les cachoteries, n’est-ce pas mon garçon ?

Camarian se raidit. Sir Bamine ne pouvait rien savoir des confidences d’Isaan et pourtant Camarian se sentait si transparent qu’il paniquait.

— Allez, ne te sens pas géné ! Dame Élise ne t’as rien dit n'est-ce pas ? Sinon que pour sauver Isaan, tu devais accepter de la suivre sans poser de question, n’est-ce pas ?

Camarian parvint tout juste à hocher la tête. Lachant enfin Camarian, Sir Bamine frappa dans ses mains avec jovialité.

— Elle est rusée, la Dame de la cour ! Elle a le soutien de la Reine, mais tout de même elle craignait que le Roi ne lance la garde royale à notre poursuite si le secret s’éventait, alors elle a révélé le minimum à chacun. Mais à moi, elle a bien dû m’en dire plus pour que je me laisse convaincre ! Je sais tout !

Il fit un clin d’œil à Camarian, se tapotant l’aile du nez avec fierté. Camarian hocha la tête avec une fausse complicité, espérant que Sir Bamine continuerait de fanfaronner. Le silence de Camarian fut plus efficace que toute supplique.

— Elle a finit par m’avouer sa grande découverte : qu’Isaan été kidnappé par des étrangers. Oui, des étrangers ! D’après ses sources, Isaan a été emmené chez ces gens. Tu imagines mon garçon ?

Camarian ne comprenait pas ce qu’il voulait dire.

— Euh, comment cela des étrangers ? Des gens étranges ? Des Borduriers l’on emmené ? Dans la forêt frontalière ?

— Eh non, Je sais que c’est difficile à s’imaginer, mais ce sont des étrangers à Monadoma ! Dans le sens où ils viennent de l’extérieur de notre royaume !

— L’extérieur ? répéta Camarian, quiCamarian se creusait l’esprit sans parvenir à comprendre.

— Au-delà de la frontière ! Oui, moi aussi cela a été une idée difficile. Qu’il puisse y avoir quelque chose en dehors du monde… Evidemment, il ne suffit pas de franchir la frontière à pied, la courbure du monde nous ramènerait juste à Monadoma. Peut-être devrions-nous plutot dire que ces étrangers sont « à l’intérieur » de la frontière. Dame Erise m’a dit qu’ils ont fuit dans un pays miniature, une poche minuscule par rapport à notre grand royaume ! C’est de là qu’ils viennent et c’est là qu’ils ont emmené Isaan !

Camarian était suffoqué. Etait-ce vrai ? Isaan avait fait des recherches à propos de la frontière, mais il n’avait rien mentionné d’aussi extravaguant. Cette histoire d’enlèvement par des étrangers ne rimait à rien. Pourtant, la disparition d’Isaan était un mystère. La garde royale avait ratissée le royaume à sa recherche, sans succès. On ne comprenait pas où il pouvait être et Sir Bamine apportait au moins un lieu. Un lieu absurde, improbable et illogique, mais face au manque d’explication, Camarian hésitait.

— Comment allons-nous le retrouver dans ce cas ?

— Dame Érise a exhumé cet ancien texte qui explique exactement comment il est possible de passer dans leur sous-royaume.

— Par la frontière ?

— Un point précis de la frontière, le temple de l’Eversion. Lorsque nous y arriverons, elle réalisera les rituels nécessaires à notre passage. En force, nous saisirons alors Isaan et le ramènerons chez lui.

Camarian comprenait un peu mieux à présent. Il était à la fois accablé et excité. Certaines choses ne semblaient pas correctes, mais si ce voyage allait vers Isaan, alors Camarian y avait sa place. Pas question d’être laissé en arrière.