Le piège
Le moteur rend son âme au pied d’un chemin forestier détrempé. Adela, au volant, frappe le volant, les yeux embués de rage.
— Plus d’essence. C’est pas vrai ! Merde !
Tout le monde file hors de la voiture. Marta dans mes bras, est à nouveau inerte, sa respiration faible. Je tente de l’a réveiller, mais elle ne réagit pas, alors je prends le temps de caresser son front. Silvia scrute les bois.
— Une voiture nous suivait, j’en suis sûre… elle a ralenti. Mais elle s’est arrêtée avant de tourner. Ils nous cherchent. On va où ? Il n’y pas de réseau en plus !
— Alors on bouge, coupe César. Si on reste là, on est morts.
Un grand sac à dos préparé avec quelques vivres et trousse de secours au cas où est rapidement porté par César. La route est longue, éclairé par une lampe torche. Marta commence à avoir de la fièvre, il faut vite la mettre au chaud car la couverture de survie, ne suffira pas. Elle murmure des mots étranges, incompréhensibles.
Derrière nuit voir autour, des bruits étranges mais aucune lumière autre que nous. On ne sait pas combien de minutes on cavale.
— Là ! Une cabane ! Ou un abri de chasseur. Tenez bon !
La course essoufflée dans le froid et la douce pluie semblent interminables. La porte est simple, aucune lumière indiquant qu’il y a quelqu’un. Pas de cadenas, juste un loquet en bois. L’intérieur était sombre, poussiéreux et bien vide.
Je dépose ma belle sur le matelas usée et la recouvre bien de la couverture. Les autres s’installent autours de la table. Dans le silence, nos cœur s’apaisent, on s’hydrate un peu.
— On dirait qu’on les a semés, se décide à parler Tania à mi-voix. Ou alors ils attendent au loin pour nous piéger tels des prédateurs.
— Ou alors ils nous laissent croire qu’on les a semés, répondit Adela. Pour qu’on se détende.
— Ils ne vont quand-même pas nous tuer hein ?!
— Aucune idée Tania et je l’espère pas. Ils veulent Marta et sans doute, qu’ils nous laisseront en vie uniquement si on l’a l’abandonne. Moi, je suis prête à mourir pour elle.
Ses mots puissants nous glacent et nous aussi je pense. Faut juste penser à une autre issue. Je reprend mes caresses et remarque :
— Elle est de plus en plus en sueur. Elle délire encore. Mais je sens que… quelque chose change. Comme si…enfin, je ne sais pas. Elle ouvre les yeux ! Hey ma belle, on est là, on va te sortir d’ici.
Elle murmure d’une voix différente, grave, presque caverneuse :
— Ce n’est pas fini, c’est le début. Le rituel a commencé. Ce n’est pas moi qu’il veut…par ce soir.
Elle sourit. Un sourire qui ne lui appartenait pas.
— C’est vous.
Silvia s’empare d’un couteau et de lampe de poche d’une main tremblante, mais résolue. Elle regarde Marta, posée sur une couverture, secouée cette fois de tremblements, ses lèvres blêmies remuant d’énième dialectes.
— Ça suffit ! On ne peut pas la laisser comme ça, lâche-t-elle d’un ton ferme. Je suis quasi certaine qu’ils ont mis quelque chose sous sa peau. Une puce. Une sonde. Une antenne. Quelque chose. Et tant qu’on ne la retire pas, ils peuvent la localiser.
Adela lève immédiatement la main, sèche.
— Non ! Elle est en état de choc, on va pas la charcuter comme des bourreaux ! Elle vient à peine de respirer à nouveau, tu veux qu’elle tombe en arrêt ? Et puis, une puce ? Tu délires autant qu’elle !
— Et tu veux qu’on les laisse débarquer ici dans plusieurs minutes ?!
Silvia hausse la voix, puis se reprend, plus calme.
— Écoute, c’est ce que je pense, ils peuvent la suivre à la trace. On est peut-être déjà encerclés. On ne peut pas attendre. On doit au moins essayer ! Peut importe ce qu’il y au final en elle, ce type lui as mis un truc !
— Elle parlait… Elle a dit qu’elle allait être "sauvée"… Que ce n’était pas le moment… Que c’était nous qui allions mourir…C’est ce que je comprenais alors qu’elle était dans mes bras
— Ils allaient la "sauver" ? répète César, blême. Qu’est-ce que ça veut dire ?! Que ce rituel était censé l’aider ?
— Ou alors, elle a été conditionnée pour croire ça. Pour croire que cette secte ou ce culte est sa "lumière". Que nous sommes les agresseurs. Adela serre les dents.
— Silvia à sans doute raison, moi aussi, j’ai cru voir qu’il opéré.
Tania regarde ses pieds en larme. César l’a rassure comme il peut. Marta gémit soudain, le regard vide, les mains serrant celle de sa sœur et la mienne par l’occasion.
— Vous n’étiez pas censés… être là. C’était pas votre heure… C’était la mienne…Pourtant, vous allez le payer….
Elle se met à pleurer sans un son, juste des larmes qui roulent lentement sur ses joues décolorées. C’est quoi cette possession ? Lui ont-ils fait boire quelque chose ? Silvia ne résiste plus. Elle s’approche, désigne le creux sous le sein gauche.
— C’est là qu’il a mis quelque chose. Tania l’a vu aussi. C’était net. Il a appuyé, injecté, fermé. On n’a pas le choix. C’est sans doute ça qu’il l’a met dans cet état.
— On peut la tuer en faisant ça ! proteste Adela.
— Ou la sauver, Adela, il faut tenter !
— Roberto…Tania, César ?
— Allons y disent-t-ils en chœur.
— Tu le feras doucement Silvia, hein ?
— Je vais pas l’éventrer. Je vise juste la zone, j’incise la peau… Je retire ce qu’il y a et je m’arrête. On a de quoi panser.
— Bon, alors, en positon.
Tous la maintiennent et on l’a rassure. Silvia respire, désinfecte, garde de quoi soigner et s’agenouille.
— Pardon, Marta… C’est pour toi.
Et elle commence à inciser. La lame à peine à l’intérieur un changement brutal s’opère. D’un coup sec, ses yeux s’ouvrent, noirs, vides. Sa main jaillit comme un serpent et arrache le couteau des mains de Silvia. Un cri guttural éclate.
— NE TOUCHEZ PAS À ÇA !
Elle se jette sur nous avec une violence inhumaine. Je tente de la maîtriser, mais elle me repousse avec une force imprévisible contre le poêle. César reçoit un coup à l’arcade en essayant d’intervenir. Adela, choquée, tente de l’appeler par son prénom, mais Marta n’entend plus rien. Elle hurle, frappe, mord presque, dans un état second, comme activée.
Puis soudain, elle fuit. Nue, elle semble savoir où se diriger, suivant le chemin à travers la lune. On l’appel comme d’un seul homme, au loin, les bruits des moteurs, des aboiements, des lumières et tels des êtres d’un autre monde, les capuches se matérialisent, cinq personnes nous entourent avec leurs molosses en laisse.
On ne peut assister impuissant à la bataille gagné par Sergio. Marta se jette à ses pieds, à genoux et baisse la tête. L’homme costume noir, sourire glacial et satisfait comme un maître retrouvant sa créature. Malgré un 4*4 qui illumine la scène, il éclaire le visage de Marta avec son briquet tout en forçant à ce qu’elle le regarde.
Il tire lentement sur sa cigarette et caresse les cheveux de Marta. Ses paroles nous donnent des frissons.
— C’est bien, ma fille. Très bien. Tu es sur la bonne voie. Tu as réussi cette épreuve de mise à distance. Tu t’es détachée. Tu les as vus et tu n’as pas cédé. C’est ça, être forte. Tu mérites de rentrer à la niche.
Il ouvre la portière arrière pour se saisir d’une vrai laisse et le place autour de son cou, claque doucement la boucle, comme un bijou.
— Demain, on recommence. Pour de vrai. Tu verras, ça va être chouette, puissant, magnifique. Tu es fière de toi ?
Marta lève les yeux, docile, brisée, sans âme.
— Oui, Sergio.
Il l’embrasse sur le front avec une tendresse glaçante. Puis se tourne vers nous.
— Merci d’être venus. Merci d’avoir tenté. Vous avez échoué. Mais ça fait partie du jeu. Elle est avec nous. Votre Marta ? Elle est morte. Morte depuis sa greffe. Son destin est désormais ici. Dans l’obscurité avant de renaître.
Il pointe du doigt, derrière lui.
— On vous a laissé un bidon d’essence. Rentrez chez vous. Pleurez-la si vous voulez. Mais ne la cherchez plus. Elle ne mourra pas. Elle nous appartient.
Il se tourne vers Marta.
— Allez, ma petite chérie. Tu mérites bien ta récompense.
Il ouvre sa braguette et patiente en riant tout touchant les cicatrices. Il appuie dessus sadique
— Ne perds pas de temps, tu sais ce que ça te coûtes. Montre le tout premier accomplissement, ta vrai voie. Merci.
Il soutient notre haine tandis qu’elle se soumet tel un objet. La scène est insoutenable et on baisse les yeux.
— Bon, j’en garde pour plus tard ma coquine. Monte !
Elle obéit, se glisse dans la cage aménagée à l’arrière. Sergio referme le verrou. Les chiens se mettent à aboyer en cadence. Les silhouettes tournent le dos. Le convoi démarre.
Le trajet du retour s’est fait dans un silence de plomb. Personne n’a parlé. Personne n’a osé. Même Silvia, habituellement vive, s’est contentée de fixer la route, les mains crispées sur ses genoux. La voiture sentait la forêt, la peur, et la sueur froide.
Le lendemain, Carmen saisit l’échec. On espère tous un mauvais rêve. Marta semblait nous trahir hors, elle ne l’aurait jamais fait. Pourtant, on le sent que d’autres solutions, d’autres signes nous mèneront à elle.
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