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« Ce quartier est vraiment lugubre ! apprécia Hyūga. Bien plus que ce qu’on m’avait dit.
- Major ! le réprimanda son Begleiter. Cessez de vous amuser ainsi ! Vous allez nous faire remarquer.
- Tu es bien trop craintif, Konatsu ! Détends-toi et profite de la vue ! »
Le jeune homme renonça à répliquer. Son supérieur n’en faisait qu’à sa tête, et il n’avait pas envie de se faire encore une fois taquiner. Tout de même, il avait beau lui devoir beaucoup – en l’occurrence le fait même d’être un Black Hawk –, parfois sa vie de Begleiter était bien compliquée. Hyūga paraissait la plupart du temps complètement inconscient de ses responsabilités, et prenait toujours tout à la légère. Konatsu se dit qu’Ayanami avait bien du mérite de l’avoir eu comme Begleiter, lui qui paraissait toujours si calme et maître de lui-même. Leurs caractères étaient comme des pôles on ne peut plus opposés. Il recentra son attention sur la mission. Ils progressaient depuis plusieurs heures dans les rues des bas-fonds, à pied puisque des Hawkziles auraient manqué de discrétion. Ils avaient revêtu des tenues civiles, après tout les militaires n’étaient pas les bienvenus ici, mais ne s’étaient pas séparés de leurs katana. Le Major avait refusé de prendre des armes moins voyantes, ne pouvant imaginer abandonner ses fidèles lames. Et, bien entendu, il avait enjoint à son Begleiter de faire de même. On les avait mis en contact avec un espion, qui allait leur fournir des renseignements sur les allées et venues de leur homme. Ils devaient le rejoindre dans un bâtiment à la limite entre la trente-quatrième et la trente-cinquième division.
« Konatsu, appela Hyūga qui marchait devant, comment se faisait appeler cet alchimiste, déjà ? »
Avec un soupir, le jeune homme le rattrapa et répondit :
« Aïsto Eïrênaios.
- Il n’est pas d’ici. fit remarquer le Major.
- Ce n’est pas ce qui nous préoccupe, répliqua son cadet, l’essentiel est de le trouver. »
Il remarqua le regard inquisiteur de quelques habitants.
« Et d’éviter d’en parler en pleine rue. » ajouta-t-il.
Son supérieur le considéra d’un air moqueur.
« Tu me sembles tout à fait contrarié, mon cher Konatsu. Pourtant, cette petite virée est l’occasion se découvrir d’autres endroits et de vivre de nouvelles expériences.
- Nous ne sommes pas là pour faire du tourisme, Major ! rétorqua-t-il avec une évidente mauvaise humeur.
- Tu aurais préféré infiltrer les pirates de l’air ?
- Oui. Pourquoi souriez-vous, encore ?
- Je m’imagine les trois autres à notre place. Kuroyuri aurait tôt fait d’exterminer la moitié de la population, pendant que Haruse lui courrait après pour lui suggérer une activité moins violente, et que Katsuragi partirait en quête de nouveaux légumes pour son potager. »
L’image à la fois apocalyptique et burlesque parvint à mettre le jeune homme de meilleure humeur. Les deux officiers tournèrent à l’angle d’une rue et se retrouvèrent dans une allée encore plus en ruine que le reste du quartier.
« Troisième maison, se rappela l’aîné, celle avec un cadran solaire. »
Ils y entrèrent et s’arrêtèrent dans ce qui restait de vestibule. La salle était assez grande et vide, et des marches partaient sur la droite, qui auraient dû mener à la rambarde de l’étage. Un grand drap déchiré pendait de la relique de lustre, et de hautes fenêtres poussiéreuses diffusaient une lueur glauque.
« Eh bien, observa Hyūga, quel palais somptueux ! Je me demande pourquoi tout ce qui relève de l’illicite ou du secret doit avoir lieu dans des endroits pareils. Franchement, même un fantôme n’en voudrait pas ! »
À ce moment, Konatsu éternua.
« À tes souhaits ! Tu as pris froid ?
- Non, grimaça-t-il, je suis allergique à la poussière. »
Ils remarquèrent un mouvement près de la porte.
« Oh, un chat ! » dit le plus jeune.
Le Major mit un genou à terre et appela le félin. Celui-ci, sans crainte, s’approcha de la main tendue et se laissa caresser. Il commença à ronronner, faisant des allers-retours en se frottant aux bottes des deux militaires. Même Konatsu se laissa attendrir et passa la main dans la fourrure blanche. Puis, après un miaulement, le chat s’éloigna en trottinant et quitta la maison. Hyūga se releva et surprit le regard amusé de son Begleiter.
« Qu’y a-t-il ?
- Je ne savais pas que vous aimiez les animaux, Major.
- Disons que j’ai plus d’affinités avec eux qu’un certain chef d’état-major. »
Tout deux esquissèrent un sourire. C’était un fait reconnu qu’Ayanami cherchait sans succès un animal de compagnie, car ceux-ci avaient tous peur de lui. Il aimait particulièrement les chats, mais avait dû se rabattre sur des félins de plus grande taille, les seuls à s’accommoder de sa présence.
« Vous avez tardé. J’ai failli repartir. »
Les soldats levèrent le regard vers l’étage. Appuyée à la balustrade instable, une silhouette encapuchonnée les observait.
« Si un certain officier n’avait pas flâné en route, dit le plus jeune d’un ton lourd de reproches, nous serions arrivés plus tôt.
- Je te trouve bien sévère avec moi, Konatsu. » fit mine de protester Hyūga.
L’ombre eut un mouvement de tête agacé. D’un saut, elle passa la rambarde et se réceptionna lestement devant eux.
« Aïsto n’est plus dans le premier district, déclara-t-elle, il s’est à nouveau embarqué.
- Ah, c’est embêtant. commenta le Major.
- Il reviendra dans trois jours, continua l’espion, mais en attendant vous pouvez essayer de gagner la confiance de son second. Il s’appelle Anaideias Aoinon, et on le croise souvent à la taverne de l’Épée blanche.
- Encore un étranger. » constata Hyūga.
Konatsu ne prit pas la peine de parler. Il lui envoya un coup de coude dans les côtes, avec tout le respect qui lui était dû. La silhouette s’inclina légèrement et s’en alla.
« Les autres feront sa connaissance avant nous. » conclut le Begleiter.
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