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« Selon vous, était-ce bon signe qu’il nous ait convoqués ? demanda Haruse.
- Pas particulièrement, répondit Katsuragi, mais je ne crois pas que ça soit négatif non plus. Il voulait probablement savoir à quoi ressemblaient les recrues que nous sommes.
- Il n’a pas dû être déçu. » sourit Kuroyuri.
Tous trois se trouvaient dans la salle commune du vaisseau, attablés autour d’un jeu d’échecs. Le lieutenant-colonel se confrontait à son Begleiter. La partie était bien engagée, et le plus jeune avait l’avantage. Peut-être était-ce dû à son adversaire, qui ne pouvait s’empêcher de le laisser gagner.
« Je pense que j’ai bien choisi mon nom, poursuivit Kuroyuri, j’ai touché une corde sensible chez Aïsto.
- Reste à l’exploiter habilement, ajouta Katsuragi, mais je ne doute pas que tu sauras t’en occuper.
- Merci ! J’ai bien l’intention de me faire plaisir pendant cette mission.
- N’hésitez pas à me demander si vous avez besoin d’aide. » proposa Haruse.
Son supérieur avança un pion, lui prenant une tour, et lui rappela :
« Et toi, n’oublie pas de me tutoyer pendant la mission.
- J’y penserai, Kuroyuri-sama. »
L’intéressé réprima un rire. Son subordonné lui témoignait toujours une telle déférence qu’il lu faudrait de grands efforts pour s’en défaire. Il reporta son attention sur le damier. Son aîné venait de lui ôter un cavalier. Il chercha comment répliquer, mais se contenta finalement d’avancer son fou des cases noires.
« Vous savez jouer à ça ? » s’étonna une voix.
Les militaires levèrent le regard. Debout à côté de leur table se tenaient deux jeunes filles. Celle qui avait parlé, la plus grande, avait la peau foncée comme les orientaux. Ses longs cheveux noirs ondulés cascadaient jusqu’à ses hanches, s’accordant à ses yeux brillants. Son visage ovale lui donnait un air doux, démenti par son expression espiègle. Elle portait une tunique orange sur un pantalon bouffant rouge, assortis à ses ballerines et à ses bijoux en perles de couleur vives. Sa compagne, plus typée occidentale, avait un visage plutôt rond, des yeux gris en amande, et de longs cheveux noirs lisses lâchés dans son dos. Elle était vêtue d’une chemise blanche aux boutons nacrés, d’une longue jupe gris foncé, et un châle rouge entourait ses épaules. Aucun joyau n’égayait sa tenue, mais un fin ruban clair était noué à son poignet droit. Elle considérait les trois inconnus avec curiosité.
« Les échecs ne sont pas un jeu si compliqué, répondit Katsuragi, voulez-vous que je vous apprenne ?
- Peut-être une autre fois. déclina celle qui avait parlé. Pouvons-nous tout de même nous joindre à vous ?
- Bien sûr. »
Le deux plus âgés s’étaient installés sur des chaises, mais il restait de la place sur la banquette où se trouvait le plus jeune. Elles s’assirent donc à sa gauche.
« Au fait, reprit la première, nous ne nous sommes pas présentées. Je m’appelle Sziska, et voici Líle. »
Celle-ci leur sourit.
« Elle est muette, précisa Sziska, et nous sommes amies depuis l’enfance.
- Vous me rappelez quelqu’un, fit remarquer Katsuragi, mais je ne saurais dire qui.
- Je suis la sœur d’Étienne. l’éclaira-t-elle. Et vous, qui êtes-vous ?
- Je me nomme Isao Yonebayashi.
- Je m’appelle Hayao Kamiki.
- Et moi, je suis Iphis. »
Les deux filles considérèrent ce dernier avec attendrissement.
« Tu es bien jeune pour être un pirate, le taquina la plus grande, quel âge as-tu ?
- C’est un secret, plaisanta Kuroyuri, mais j’ai plus d’expérience que j’en ai l’air.
- Tu es mignon. »
L’enfant sourit innocemment. Líle fit un signe à son amie.
« Elle voudrait savoir pourquoi vous êtes ici. » traduisit Sziska.
Katsuragi leur servit l’histoire convenue.
« C’est très touchant, commenta la jeune fille, j’espère que vous trouverez le bonheur ici. »
Sa camarade acquiesça, regardant particulièrement Haruse. Celui-ci lui sourit. Kuroyuri les observa d’un air suspicieux. Il revint au jeu d’échecs, et avança sa reine.
« Échec et mat. » annonça-t-il fièrement.
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