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« Vaisseau non identifié en approche ! » annonça le navigateur.
Le capitaine le rejoignit à son tableau de commandes et consulta les radars. Une silhouette imposante s’approchait à deux heures.
« Il dissimule son affiliation, constata Étienne, mieux vaut rester prudents.
- Faut-il envoyer des éclaireurs ? s’enquit le navigateur.
- Non, je ne veux prendre aucun risque. Peut-être que si nous passons notre chemin il nous ignorera. »
Les pirates continuèrent leur route, et pendant quelques minutes un silence tendu régna dans le poste de commande. Soudain, un choc secoua leur appareil.
« Ils ont ouvert le feu ! s’exclama un membre d’équipage.
- Que quelqu’un aille identifier leur bâtiment ! ordonna le capitaine. Je veux savoir de quelles forces il dispose. »
Un homme quitta la salle et revint quelques instants plus tard.
« C’est un vaisseau impérial de première classe !
- La partie s’annonce rude. » constata Étienne.
Il tentait de cacher sa consternation. Si jamais d’autres appareils se trouvaient dans les parages, c’en était fini d’eux.
« Où se trouvent nos alliés les plus proches ? demanda-t-il.
- Le clan Aristodème est dans le cinquième district, mais à la frontière nord. L’informa-t-on.
- Ils ne seront jamais là à temps.
- Vous oubliez qu’ils possèdent les vaisseaux les plus rapides. Ils pourront arriver d’ici une dizaine de minutes.
- Ce ne sera pas suffisant, je pense. Mais envoyez-leur un message, ça servira toujours. »
Une autre vibration parcourut leur bâtiment.
« Bon sang, dix minutes et ce combat finit dans deux minutes. » murmura-t-il.
Le chef des artilleurs entra dans la salle.
« Capitaine, que fait-on ?
- Répliquez, feu à volonté ! »
À partir de cet instant, les ordres fusèrent dans toutes les directions. L’équipage bien entraîné organisa la riposte. Un impressionnant duel aérien s’engagea entre les machines géantes. Les pirates avaient l’avantage de la vitesse, l’armée celui de la taille. Au bout d’un moment, le navigateur s’aperçut d’un détail.
« Ils ne visent pas les points vitaux, ni ceux où se trouve la majorité de l’équipage. On dirait qu’ils cherchent juste à nous neutraliser.
- Ils veulent attraper Aïsto vivant, déduisit Étienne, mais nous n’allons pas les laisser faire. Car nous avons un avantage : nous pouvons les tuer. Visez leur centre de contrôle. »
Les canons opposés tirèrent de plus belle, déclenchant une déferlante de feu dans le ciel. Le capitaine suivait les opérations depuis un écran. Alors qu’il détaillait le bâtiment adverse, il remarqua que son armement différait légèrement des modèles classiques. Il était pourvu en-dessous d’un canon d’un calibre imposant, évoquant quelque peu un lance-grenade.
« J’ai un mauvais pressentiment. » murmura-t-il.
Celui-ci se confirma l’instant d’après, lorsqu’il découvrit l’usage de cette arme. Elle tira un projectile sphérique qui atteignit de plein fouet le poste de pilotage. Le plafond se fissura. Une vibration parcourut le vaisseau, et tous les appareils électroniques se désactivèrent. Étienne aurait aimé avoir le temps de se demander ce qu’était ce dispositif. Seulement, il avait autre chose à gérer. Un crash, en l’occurrence. L’appareil chuta brusquement. Quelques secondes après survint l’impact. Plusieurs parties de la salle commencèrent à s’effondrer.
« Sortez vite ! » s’exclama le capitaine.
Un membre d’équipage avait déjà perdu la vie. Les autres coururent vers la porte et se précipitèrent pour sortir. Alors qu’Étienne commençait à les suivre, un fragment de plafond se détacha au-dessus de lui. Il accéléra. Trébucha. Tomba. Et le morceau lui écrasa les jambes. Il eut le souffle coupé. Puis il sentit ses os céder, lentement. Un horrible craquement retentit. La moitié de son corps était broyée. Le cri qu’il poussa était à peine humain. Des larmes ruisselaient sur ses joues. Il ne tenta même pas de se dégager, il devinait que c’était fini. Il était seul, et quand bien même il survivrait encore un peu, ce serait pour se faire achever par l’Armée. Il entendait vaguement des cris au-dehors, à travers l’épaisse porte. Celle-ci était fermée, encombrée par des gravats. Il avait si mal, si terriblement mal. La douleur affreuse lui vrillait l’échine. La souffrance le rendait à peine conscient. Des coups sourds résonnèrent, et la porte s’ouvrit à la volée.
« Capitaine !
- Étienne ! »
La deuxième voix le fit réagir. De toutes les personnes présentes à bord, c’était la dernière qu’il voulait confronter à ce spectacle. Deux pirates le rejoignirent.
« Guido, dit-il d’une voix faible, emmène-la, s’il te plaît…
- Étienne ! protesta sa petite sœur. Nous allons te sortir de là !
- C’est impossible, Sziska. » répondit Guido d’une voix atone.
Elle tomba à genoux à côté de son frère et éclata en sanglots.
« Sauve-toi… supplia le capitaine.
- Je vais m’occuper d’elle, promit l’autre homme, ne te fais pas de soucis.
- Merci. Prends le commandement à ma place, ordonne l’évacuation. Fuyez tous. »
Guido acquiesça gravement. Sziska jeta un regard plein de détresse à son frère, qui ne parvint même pas à tenter un sourire. Le nouveau commandant la releva et l’emmena, sans qu’elle n’ait la force de résister. Resté seul, Étienne ferma les yeux. Ce n’était plus des larmes de douleur qu’il versait. Si seulement la mort pouvait se dépêcher ! Encore un peu, un souffle, et le néant.
Pendant ce temps, les deux autres parcouraient les couloirs, dans le chaos ambiant.
« Nous devons retrouver Líle et Frau ! déclara Guido.
- Il y a… aussi... Iphis… ajouta la jeune fille entre deux sanglots. Et Hayao… et… Isao. »
L’homme la regarda, désemparé. Elle était en état de choc, et essayait tout de même de penser aux autres. Il se rendit à la salle commune, l’entraînant en la tenant par la main. Là-bas, ils auraient plus de chances de trouver du monde. En passant devant un hublot, il jeta un bref coup d’œil à l’extérieur. Le bâtiment impérial amorçait sa descente, il ne devrait pas tarder à atterrir.
Ils veulent nous aborder, c’est évident. Sinon ils nous auraient bombardés au sol.
Il pressa le pas. Quand ils parvinrent à la grande salle, une agitation indescriptible y régnait. Heureusement, la majeure partie de l’équipage s’y trouvait, car la salle d’armes la jouxtait.
« Écoutez-moi ! » commença-t-il d’une voix forte.
Le tumulte diminua et les visages se tournèrent vers lui. Son autorité naturelle lui était bien utile, dans ce genre de cas.
« Nous avons ordre d’évacuer, continua-t-il, évitez au maximum la confrontation avec les militaires. Le hangar à Hawkziles n’a pas été touché, allez-y, et laissez partir les plus vulnérables d’abord.
- Où est passé Étienne ? demanda une voix.
- Il n’est plus. Il m’a cédé le commandement. Il me faut un groupe de combattants pour retenir les soldats. »
Un murmure consterné parcourut la foule. Quelques hommes le rejoignirent, et adressèrent des mots de réconfort à Sziska. Celle-ci sécha ses larmes. Elle devait s’efforcer de rester courageuse, au moins le temps de se mettre en sécurité. Frau les rejoignit et s’adressa à Guido :
« Laisse-moi me battre à tes côtés.
- Hors de question, répliqua le plus grand, j’ai besoin de toi ailleurs, et je préfère te savoir loin du danger. Trouve Líle et emmène les filles. J’ai entendu dire que le clan Aristodème a été prévenu, attendez les secours loin du vaisseau.
- Entendu. »
Il s’éloigna avec Sziska. Dans le groupe de pirates, ils croisèrent l’autre demoiselle, accompagnée d’Iphis et Hayao. Elle paraissait peu rassurée, tandis que les deux autres avaient l’air à peine soucieux.
« Nous devons partir. annonça le jeune pirate.
- Allez-y sans nous. » répondit Hayao.
Voyant le regard surpris de Líle, il se justifia :
« Iphis et moi devons rejoindre Isao. Nous nous retrouverons plus tard.
- D’accord. » accepta Frau.
Il faisait peu de cas des recrues, ne se sentant pas particulièrement proche d’elles.
« Soyez prudents. » ajouta Sziska.
Et ils se séparèrent. Alors que Líle suivait le garçon et son amie, elle se retourna une dernière fois et adressa un signe de la main à Hayao.
« Tu mens très mal, Haruse. » fit remarquer Kuroyuri.
Son Begleiter esquissa un sourire incertain, puis remarqua l’air malicieux de l’enfant.
« Bien, reprit ce dernier, allons retrouver cet Isao. »
Ils quittèrent la salle et se guidèrent grâce à la présence de leur coéquipier, qu’ils pouvaient ressentir non loin de là. Katsuragi se tenait devant une ouverture dans un mur, causée par un obus. Il regardait le paysage dehors d’un air vaguement contrarié.
« Quelque chose ne va pas ? s’enquit le lieutenant-colonel.
- Tu aurais pu attendre avant de signaler notre position.
- Attendre quoi ?
- Que nous ayons passé ces champs. En s’écrasant le vaisseau a détruit des cultures.
- Je comprends plus ou moins ta passion pour les légumes, mais les ordres sont les ordres, et Ayanami-sama m’avait demandé où nous étions.
- En parlant de lui, fit remarquer Haruse, il arrive. »
En face, un peu plus loin, le bâtiment impérial se posait. Quatre personnes en descendirent, et se dirigèrent vers l’appareil pirate. Il s’agissait des autres Black Hawks, qui rejoignaient leurs camarades. Quelque part, un hors-la-loi tira une roquette vers eux. Le plus jeune sortit une batte et la renvoya d’un grand coup sur le tireur. Une belle explosion retentit.
« Bien joué, Konatsu ! le félicita Hyūga. Mais d’où tires-tu cette batte ?
- J’en ai toujours une sur moi au cas où. Et je m’entraîne pour vous.
- C’est gentil… Attends, comment je dois le prendre ? »
Pour toute réponse, son Begleiter lui adressa un inquiétant sourire. Les nouveaux arrivants rejoignirent leurs compagnons infiltrés. Katsuragi engagea la conversation avec Yukikaze :
« Dis-donc, le conseiller stratégique, tu n’aurais pas pu faire plus attention ? Tu as failli nous tuer.
- Au contraire, j’ai donné ordre d’abattre cette machine sans la détruire, de façon à préserver vos vies. D’ailleurs, vous n’êtes même pas blessés.
- Où se trouve cet alchimiste ? intervint Ayanami.
- Je vais vous guider. » proposa Kuroyuri.
Ils suivirent quelques corridors et parvinrent à la fameuse porte rouge. L’enfant l’ouvrit, les fit entrer et révéla le passage secret. Ils s’y engagèrent prudemment, avec raison puisqu’ils étaient attendus. Une charge de zaiphon les accueillit. Ayanami para d’un bouclier, puis s’avança vers l’Alchimiste. Celui-ci attrapa une gemme sur sa table, qui commença à briller d’un éclat inquiétant. Le Chef d’État-Major employa son zaiphon de manipulation. Des fils partirent de sa main et arrachèrent la pierre, puis immobilisèrent le pirate.
« Je t’interrogerais bien, commença le vainqueur, mais je n’ai pas le temps. Je vais juste puiser dans tes souvenirs. »
Il s’approcha d’Eïrênaios et plongea la main au niveau de son cœur. L’autre se raidit, tentant de résister à la douleur. Un rictus déforma son visage. Le militaire le regardait froidement, ne faisant aucun cas de la souffrance qu’il lui infligeait. Outre le mal physique, le perdant devait supporter qu’un intrus et un ennemi fouille dans ce qu’il avait de plus précieux, sa mémoire. Quand Ayanami eut terminé, il retira brusquement sa main. Dégainant son épée, il trancha du même coup ses fils et son adversaire. Le cadavre s’effondra devant ses bottes, une expression de stupeur sur ses traits. Le meneur des Black Hawks lui jeta à peine un regard et ordonna :
« Détruisez cette pièce, elle contient toutes ses recherches.
- Mais, Ayanami-sama, s’étonna Kuroyuri, et l’œil ?
- Il rendrait son détenteur plus puissant qu’un dieu de la mort. Il ne doit jamais être synthétisé.
- Mais il pourrait être utile au Verloren.
- Verloren est une créature parfaite, qui n’a pas besoin d’artéfacts pour accroître sa puissance. »
Un souvenir lui traversa l’esprit :
Tu es juste bouffi d’orgueil.
Il chassa cette voix désabusée de son âme. Il se détourna et quitta le laboratoire. Il attendit ses hommes quelques instants dans le bureau, puis ils repartirent, éliminant ceux qui se trouvaient sur leur passage.
« Je suis surpris de ne trouver aucun soldat. fit remarquer Katsuragi.
- Leur présence aurait été inutile, expliqua Yukikaze, cela aurait pu occasionner des pertes, et nous nous suffisons à nous-mêmes. Il valait mieux pour eux rester là où les pirates n’oseraient pas aller.
- À ce propos, ajouts Konatsu, nous ferions mieux de nous dépêcher. Leurs renforts vont arriver. »
Ils quittèrent l’épave, et regagnèrent le vaisseau de première classe. Le bâtiment appareilla, et partit vers le premier district.
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