Les désillusions

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11 ans le collège, changement de statut social par le passage rituel des plus grands de la cour d'école, aux plus petits en proie aux élèves de 3e plus méchants que jamais. Sans être le défenseur de l'opprimé, en primaire je venais en aide aux plus petits lorsque je le pouvais. Cela me semblait être la chose la plus normale, faisant tous parti de la même espèce civilisée, les plus grands aidant les plus petits. Pour la première fois j'allais être dans la même école que mon frère et cela me rassurai autant que cela me procura de la fierté.

Mais qu'arrive-t-il aux garçons à la fin du collège ? Quel est cette diablerie que l'on appel puberté, qui rend les jeunes aussi débiles ? Vais-je devoir subir le même sort et me transformer en un monstre de méchanceté et stupide de surcroit ?

Je ne comprenais pas ces comportements ni celui de mon frère qui m'interdisait de faire le chemin de l'école à ses côtés. Interdiction formelle de lui adresser la parole dans la cour ni même de parler de lui à mes camarades, j'étais devenu fils unique sans protecteur, livré à cette bande de sauvageons sans pitié. Sans aucune explication je restais dans l'incompréhension.

Sans frère protecteur et mon meilleur copain absent, tout vous éloigne beaucoup plus que des quelques rangées dans la cour. L'éparpillement de ma classe de CM2 dans différentes classes de 6e, m'attribue le statut d'inconnu comme si les quatre années de primaire n'avaient jamais eu lieu. Je me sentais tout petit dans ce collège 4 fois plus grand au beau milieu de plus de 800 enfants, ayant pour seul repère 3 ou 4 connaissances de la primaire dans ma classe. Je mettrais plusieurs mois pour ne pas dire années pour l'apprivoiser et m'y sentir enfin bien.

C'est ainsi que l'on passe de la maitresse unique, bien veillante et attentionnée, à une multitude de profs n'ayant que faire de ces classes surchargées. Il était tellement évident que plusieurs d'entre eux avaient fini par jeter l'éponge sur leur vocation d'enseigner, ils n'étaient là que pour faire leur cours sans se soucier de ceux qui étaient en difficulté, c'était marche ou crève !

Comme à mon habitude j'essayais de faire mon petit bonhomme de chemin en essayant de passer à travers les gouttes, en évitant les embuscades pour rester dans le droit chemin. La timidité ne fait pas bon ménage avec la délinquance et ce côté obscure ne m'a jamais attiré.

Je restais le petit gars sérieux, pas l'intello de la classe, je devais travailler pour me tenir à niveau avec une moyenne qui oscillait toujours entre 10 et 12, ce que certains osaient qualifier de "passable" sur mes bulletins trimestriels. Ah ces bulletins et l'angoisse qu'ils produisent sur la plus pars d'entre nous, plus ravageurs qu'encourageurs !

Mais pourquoi les profs s'acharnent-ils avec autant de méchanceté sur les élèves ? Ne se remettent-ils jamais en question ? Ne remettent-ils jamais en cause le système d'apprentissage ? Tel de bons soldats qui vont à l'abattoir, ils diffusent la façon de penser qu'on leur intime d'enseigner sans poser la moindre question. Lassés de voir les mauvais résultats de cette méthode qu'ils ne peuvent changer, ils en perdent leur fois et finissent par baisser les bras.

Entre la prof de musique, quasi unique du collège, qui a passé plus de 90% du temps en arrêt maladie pour "dépression à enseigner la flute", le prof de science physique trop occupé à faire les yeux doux à la prof de science naturelle, ce qui animait énormément nos journées, les profs d'anglais perchés, ou plutôt coincés, dans leur manuel scolaire inadapté, il arrivait parfois de tomber sur "Le" professeur qui allait changer une partie de vous-même, juste par sa joie de pratiquer sa vocation, l'enseignement.

Moi qui ne fus jamais une lumière en orthographe, et je m'en excuse ici si je choque mes lecteurs, la rencontre avec ce professeur de français en 3e à briser toutes les barrières de ce que je ne comprenais pas dans la langue maternelle avec tous ses méandres de complexité si difficile à appréhender. Mais pourquoi ne l'ai-je pas eu plus tôt, en 6e par exemple ? Je n'aurais pas passé tant d'années à angoisser à l'arrivé d'une dictée ou la rédaction d'un résumé de lecture. Incroyablement il a su faire passer son plaisir de la langue française à sa classe, du moins pour moi. Quel plaisir d'assister à ses cours, d'apprendre et de comprendre.

Tout l'art d'enseigner, est de faire comprendre.

Je me souviens de ces cours stériles de mathématiques, les profs toujours incapables de vous expliquer, concrètement, à quoi allait servir tous ces théorèmes, toutes ces formules que l'on devait apprendre. Avec le recul, j'en arrive presque à la certitude qu'ils étaient incapables de répondre à cette question. Formatés par le système scolaire, ils enseignaient ce qu'il y avait écrit dans les manuels, sans avoir à le comprendre. Il me faudra attendre plus de 20 ans pour savoir à quoi sert le cosinus, en tant que charpentier je devais calculer les pentes des toits. Oh ce n'est pas non plus en études secondaire d'électrotechnique qu'on a su me l'expliquer, "c'est l'inverse du sinus".

Je crois que je tire ma philosophie d'expliquer par métaphore, de cette frustration au cours de mon cursus scolaire. Aujourd'hui c'est l'outils que je préfère lorsque je dispense des formations.

Les années passent et petit à petit je me rapproche de la sortie du collège. Avec elles, la transformation engendrée par les hormones commence à se faire sentir. Par chance je ne me transformai pas en Quasimodo, épargné en grande partie par l'acné, mais je n'ai pas pu échapper à Cupidon qui décoche ses flèches plus vite que son ombre à cet âge-là.

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