C'est lui ou moi

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C'est lui ou moi.

Tel est la première pensée qui m'a traversé lorsque je repris mes esprits pour tenter de me concentrer. Il était là... Devant moi, tel une ombre. Il pointait sur moi un pistolet. Ses yeux, dépourvus de toutes émotions me fixaient et ne voulaient plus me quitter. Ses cheveux, décoiffés, lui tombaient sur le visage.

En face de lui, une jeune fille pointait sur lui une arme, en pleurant. Ses cheveux en pagaille allaient dans tous les sens, preuve qu'elle s'est débattue. Cette fille, c'était moi. Et tous les deux, nous étions meilleurs amis. Enfin, jusqu'à aujourd'hui.

C'est lui ou moi.

Cette pensée me fit l'effet d'un coup de couteau en pleine poitrine. Pourquoi fallait-il qu'il se soit porté volontaire pour cette expérience ? Il connaissait pourtant les risques, mais il est parti quand même, malgré mes avertissements.

Je détache mon regard de sa silhouette l'espace d'une seconde pour identifier la pièce autour de nous. Un salon mal-rangé, des couvertures traînant par terre, un canapé où nous avions l'habitude de trainer, une pile de magazines de jeux vidéo et de sport et un petit sac en plastique remplit de petits cadeaux. Voilà du Jay tout craché.

Je suis passée chez lui, pour vérifier s'il se remettait bien du test scientifique qu'il a passé il y a quelques heures de cela. Il avait besoin d'argent et n'acceptait plus de l'aide de la part de sa famille ou encore de ses amis. Ce test scientifique semblait être un cadeau tombé du ciel pour lui. Il s'y est précipité sans penser que derrière la somme hallucinante qu'il a vu sur l'affiche, se cachait le début d'une affreuse tragédie.

C'est lui ou moi.

Jay subissait les effets secondaires du traitement. Ou du moins, les effets du traitement. Il ne sait pas ce qu'il se passe, encore moins ce qu'il fait. C'est Jay, il s'aventure toujours dans la vie dure à grands pas, sans se soucier de ce qu'il pourrait arriver.

C'est lui ou moi.

Il peut tirer et m'ôter la vie. Mais il ne le fait pas. Ou plutôt, il ne l'a pas encore fait. Lorsque je suis arrivée, il gisait sur son parquet. Je me suis précipitée pour l'aider, mais dès qu'il a su ma présence, il s'est relevé brusquement et a sortit un pistolet de sa poche. J'ai tenté en vain de lui parler, il m'a semblé qu'il ne pouvait m'entendre. Il a appuyé sur la détente. Par réflexe, et par une chance incroyable, j'ai esquivé la balle envoyée. Jay visait terriblement bien, pourtant, il n'a jamais montré de talent particulier au tir. Lors de ma fuite désespérée, j'aperçu un objet gris sur la table. Un pistolet ! D'un geste, j'attrape l'objet et me cache sous la table. Je prends le temps de souffler et je sors de ma cachette, en criant :

"Si tu tires, je tire !"

Il ne bougea pas. Son visage restait de marbre, mais un petit tremblement prouvait que mes paroles avaient visé juste et qu'il pouvait m'entendre. Et nous voilà ! Lui qui pointe son arme sans raison et moi qui essaye de me défendre en faisant de même.

C'est lui ou moi.

Jay est mon meilleur ami depuis la fac. Depuis ces années d'examens et de révisions, tant de choses se sont passées. Il m'a fait oublier mes crétins d'ex petits-amis avec de la glace à la vanille. Et je lui ai fait oublier ses paris perdus contre moi en lui offrant des câlins. On s'est promis tant de choses, je ne peux pas ignorer toutes ces promesses.

Je ne veux pas lui faire de mal, je ne PEUX pas lui faire de mal. Tant qu'il ne tente pas encore une fois de me blesser, je ne lui ferais rien. Même s'il y a peu de chances que je survive à son prochain tir. Il faut que je comprenne ce qu'il se passe et vite.

C'est lui ou moi.

Je tremblais. Comment un tel dilemme puisse arriver ici dans ce bas monde. Je n'ai jamais été croyante, pourtant, à ce moment-là, j'aurais juré qu'une divinité quelconque refermait un piège mortel sur Jay et moi. Je ne suis pas une meurtrière. Je n'aurais jamais voulu l'être, mais Jay semblait ne pas me laisser de choix. Une seule personne pouvait revenir vivante de ce face-à-face. Et seulement moi pouvais faire ce choix.

C'est lui ou moi.

Ma seule option est de tirer. Je vise ma cible. Je prends une grande inspiration pour prendre du courage. Et j'appuye sur la gâchette. Les larmes coulent, le sang fait de même. Au son sourd du pistolet, Jay arrive à reprendre ses esprits. Il baisse la tête et reste pétrifié devant le spectacle sanglant que lui offrait ses yeux. Du sang, sur tout le sol. Le corps de la victime perdit ses forces et s'effondra par terre. Des larmes embrumaient les yeux de Jay et les miens prenaient un petit air victorieux. Car, par terre, gisait mon corps.

C'était lui ou moi.

Et je me suis sacrifiée pour sa survie.

Je fermais les yeux. Aujourd'hui, dans un petit appartement, j'ai préféré perdre ma vie plutôt que de perdre mon meilleur ami. J'ai préféré la mort, à la longue vie remplit de regrets qui m'attendait si j'avais tiré. Lorsque je rouvris les yeux, le visage de Jay occupait tout mon champ de vision. Jay avait lâché son arme et s'était rapproché de moi. Tellement de questions couraient dans sa tête, mais une seule réussie à se frayer un chemin jusqu'à ses lèvres :

"T-tu vas pas m-me quit-ter ? He-in ? Ariva-t-il à articuler entre deux sanglots.

Un sourire, perça la situation tragique, et vint se poser sur mon visage. Je détestais le voir pleurer. La première fois que je l'ai vu, il sanglotait car un groupe d'étudiants lui avait volé ses notes de cours. Je suis allé récupérer ses notes et lui ait fait promettre de ne plus jamais pleurer, car "ces larmes gâchaient son visage". Je souffrais. Non pas de la blessure que je me suis infligée au niveau du cœur, mais de voir Jay en détresse. Malgré l'hémorragie, je dis calmement :

"_ Héh. Arrête de pleurer, petit pleurnichard. T'as vraiment pas changé depuis la première fois qu'on s'est vu. Toujours aussi sensible."

Il détourne la tête pour essuyer ses larmes.

"_ J-je suis pas sensible ! R-regarde toi ! Il faut que j'appel-.

_ Non. C'est trop tard. Regarde moi."

Il tourne lentement la tête, et il recommence à pleurer.

"_ Je veux que tu me fasses une promesse. Une promesse que tu respecteras même après ma mort.

_ No-on. Tu ne vas pas m-mourir ! Il faut juste que j'appelle l-

_ Arrête de dire n'importe quoi ! Tu vois bien que c'en est fini de moi ! Juste promets moi de ne plus jamais pleurer. Tu ne dois pas gâcher ton sourire pour juste une amie.

_ M-ais, t-tu es ma meilleure amie. Tu es la première personne qui m'a tendu la main. Je ne veux pas te perdre comme ça.

_ Juste promet le moi.

_ J-je te le promet."

Apaisée, je fermais doucement les yeux, et plongeai dans un sommeil éternel.

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