Chapitre 2 - juste pour une nuit

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Malken avait l’habitude des petits jeux les plus courts, ce qu’il allait essayer de faire ici était d’un tout autre niveau. C’était étrange de se balader dans ces rues, mais en dehors de la démonstration, il ne put pas voir la moindre lueur. Les quartiers dans lesquels il s’enfonçait était d’une pauvreté sans nom. Les corps maigres et les regards fatigués ne réveillaient aucune envie chez lui et c’était pourtant là qu’Olinia l’envoyait.

Il trouva l’immense K peint dans une couleur terne, un peu passée par le temps, et avança jusqu’au cœur de la ville, passant les quartiers secondaires tout en y jetant des coups d’œil curieux. Dans la zone centrale se trouvait un peu tout le monde mais dans ces quartiers, les gens semblaient effectivement s’être triés. Par sexe. Par âge. Par type de bracelet également.

Au niveau du « 12 », il hésita et poursuivit son chemin jusqu’au « 14 ». Un Dominant était en train de roussir les fesses d’un soumis qui remuait en couinant. Il n’y avait pas de lueur. Ses vêtements baissés laissaient voir son petit sexe flasque. Pas de lueur et pas de plaisir non plus. En s’approchant, il entendit le jeune supplier :

- Doucement… Doucement…
- Tu te tais et tu encaisses, Lune.

Malken s’était promis de ne pas intervenir immédiatement, de ne pas laisser ses préjugés le guider, mais c’était pénible à regarder. Une partie de lui avait juste envie de partir de là quand il entendit :

- Si tu me fais chier, je vais directement chercher Syna.
- Non ! Non ! Vas-y… S’il-te-plait… Vas-y…

Cette fois-ci, ça en était trop pour lui.

- Excusez-moi ?

Le Dominant se retourna, un peu surpris et se figea en voyant sa taille démesurée.

- Quoi ? bredouilla-t-il incertain.
- Je viens d’arriver et je suis un peu perdu. On m’a dit d’aller au K.14, c’est bien ici ?

L’autre hésita. Si c’était un vacancier, l’envoyer paître ne serait à la fois pas un souci -il ne le recroiserait sans doute jamais- mais pas très bon pour la réputation de la capitale. Des consignes avaient été donnés pour que les Dominants se fassent accueillant. Pas que Fuljin se sente concerné d’ailleurs.

- Ouais… Tu vois pas que je suis occupé là ?
- Oh… Oui. Oui, enfin, vu comment vous vous en chargez… Il n’est pas près de briller, n’est-ce pas ?

Fuljin se figea sous l’insulte et émit un petit rire choqué. Ce type était vraiment grand et costaud et si Fuljin aimait sentir sa main chauffer lorsqu’il tapait, ses cibles étaient toujours de petits soumis délicats qui se laissaient faire et qui ne risquaient pas de répondre ! Après une hésitation, il essaya de calmer les choses en riant plus franchement et en énonçant l’évidence :

- C’est pas faute de cogner.

Il montra le fessier de son soumis de la main et Malken fit de son mieux pour ne pas laisser paraître à quel point ça le révulsait. La peau était tendue à cause du gonflement et ce n’était franchement pas beau à regarder. Ce n’était qu’un agglomérat d’hématomes dont certains étaient d’un noir inquiétant.

- Hum… Effectivement. Et si je prenais mon tour maintenant ? Je vous l’emprunte.

Sous la poigne de Fuljin, Lune frémit ostensiblement. Il aurait eu besoin de repos avant de supporter un vacancier curieux qui devait avoir hâte de se défouler. Avec Fuljin, au moins, il savait à quoi s’attendre. Lorsque le Dominant laissa tomber au profit du nouveau venu, ce ne fut pas une surprise pour lui. Derrière ses airs faussement rebelles, Fuljin n’aimait pas les problèmes et puis, ce n’était pas comme s’il tenait à lui.

Malken soupira, soulagé. Il n’avait vraiment pas envie de s’impliquer dans un affrontement dès sa première sortie, mais il aurait été incapable de laisser une personne dans une telle situation. Le petit était sans intérêt d’ailleurs. Dans cet état, il ne l’attirait même pas. En pleine forme, il aurait peut-être pu être convenable. Il avait de jolis yeux bruns tachetés et des cheveux noirs qui semblaient doux.

- Ça va aller ? lui demanda-t-il lorsque l’autre fut partie.

Lune ferma les yeux un court instant avant de faire ce que l’on attendait de lui. Fuljin avait pris le chemin pour rentrer chez lui. Il était donc temps de l’oublier et de s’occuper du nouveau venu.

- Oui. Je peux vous servir, maître. Dites-moi ce que vous voulez… Je serais très sage.
- Ton bandeau…
- Ce que vous voulez.

Son bracelet ne présentait pas de couleur, il semblait fait d’un plastique transparent. Il était donc disponible pour toutes les lubies, pour le pire comme le meilleur.

- Qu’est-ce qui te fait briller ?
- Ne vous inquiétez pas pour ça. Votre plaisir m’importe plus, Maître.

Malken l’observa un long moment. Il ne doutait pas que ce petit soit capable d’obéir. Peut-être pourrait-il convenir au bout du compte ? Il était possible que ce soit suffisant.

- Soyons honnête, toi et moi. Tu es épuisé. Tu n’as pas envie de jouer avec moi mais d’aller dormir.
- Maître, je…
- Honnête. Si tu n’en es pas capable, alors tais-toi.

Lune frémit sous le ton implacable. Il ne pouvait tout de même pas confirmer qu’il n’avait pas envie de lui, ce serait hautement irrespectueux et ça lui vaudrait la pire des corrections. Alors il resta silencieux, même si ce n’était pas mieux.

- Je ne suis pas un vacancier. Je veux rentrer dans l’Aklatan.

Lune cligna des yeux sous la surprise et répondit doucement :

- Il y a des règles très précises… Maître.
- Oui. Je dois faire briller un soumis.
- Une illumination complète… chuchota Lune.
- C’est ça. Donc… est-ce que ça te tente ?

Le rire qui échappa au soumis était tout aussi incrédule que celui qu’il avait arraché au Dominant un peu plus tôt. Lune ne considéra pas réellement l’offre. C’était trop étrange.

- J’ai peur de ne pas pouvoir vous satisfaire… Je brille… difficilement. Peut-être qu’en zone A.14 vous trouverait…
- Non. Ici, c’est très bien, mais si ça ne te tente pas… Je trouverai quelqu’un d’autre. Bonne soirée.

Malken lui sourit et s’éloigna tranquillement. Si ce n’était pas lui, ce serait un autre. Il avait juste besoin de trouver quelqu’un qui soit vraiment motivé. Lune l’observa de dos. « Bonne soirée ? » Depuis quand un Dominant ne lui avait pas parlé aussi gentiment ? Ses oreilles bourdonnaient encore des insultes que Fuljin aimait lui adresser tout en le frappant. A l’adolescence, alors qu’il était évident qu’il serait un pur soumis, c’était à ce moment-là que les autres avaient commencé, lentement mais sûrement, à se faire plus rude dans leurs mots. A un moment donné, les « bonne journée » et tout ce qui pouvait y ressembler avaient disparu. Ce mâle n’était pas juste vaguement étrange, il était totalement différent de ceux qu’ils connaissaient. L’idée eut à peine le temps de se frayer un chemin dans son esprit que Lune s’écria :

- Attendez !

Malken se retourna. Lune tremblait comme une feuille sous ses vêtements élimés. Il n’était pas juste épuisé. Il était mal nourri et frigorifié.

- Je… j’aurais des conditions. marmonna-t-il courageusement.
- Quel genre de conditions ?
- Même si on était totalement compatible, ça prendra des jours, vous en êtes conscient ?

Lune avait levé un regard interrogateur dans lequel Malken put lire une pointe de défi qui lui plut immédiatement. Il répondit simplement :

- Oui.

Lune acquiesça et hésita un très court instant avant de se mettre à négocier.

- Alors… Je veux un salaire. Un salaire suffisant pour acheter à manger.
- Je ne comptais pas t’affamer, mais d’accord.
- Je dois avoir assez pour nourrir deux personnes. Ça veut dire au moins 12 tiers par jour. Et j’aurais un temps… chaque jour pour aller faire des courses et pour revenir ici.

Voilà qui était plus ennuyant. Malken se gratta le menton tout en réfléchissant. Il avait compté sur un emménagement complet dans le vaisseau. Il y avait des provisions en quantité. Ces allers-retours allaient constamment perturber ses plans. Non, ça ne lui convenait pas. Il voulait un soumis prêt à s’offrir entièrement et pas un soumis tourné vers l’extérieur.

- L’argent n’est pas un souci mais le temps… Non.
- Je… J’ai une vie ici. Je ne peux pas tout abandonner.
- Je te l’ai dit, petit. J’ai un objectif et pour m’offrir ton illumination complète, il va falloir que tu me donnes tout de toi…

Lune baissa la tête. Il considéra l’offre. Il aurait de quoi manger et quelqu’un essaierait vraiment de l’aider, c’était mieux que tout ce qu’il pouvait trouver ici. Mais tout abandonner ? Non. Le prix était trop élevé.

- Non. Je ne peux pas… Merci pour l’offre. Vous trouverez rapidement votre bonheur ici, Maître.
- … D’accord.

L’acceptation tranquille de Malken mit encore plus le doute à Lune. Les autres Dominants ne l’auraient pas laissés réellement négocier. Ils l’auraient juste emmené, enlevé de force et enfermé. Tout simplement. D’accord ? Non. Les Dominants prenaient ce qu’ils désiraient et la force de la pulsation de douleur dans ses fesses ne pouvait pas lui permettre de l’oublier. Une nouvelle inspiration le prit et il murmura précipitamment :

- … ou… ou alors… est-ce que juste une nuit ? Pour vous entraîner ?
- Qu’est-ce qui t’attend à ce point ?

Lune hésita à mentir, mais le regard de Malken était un peu trop froid, un peu trop dur. Il n’osa pas. A la place, il tenta d’éluder la question.

- Les choses habituelles, je suppose… Rien d’intéressant. Alors… Une nuit et j’aurais le salaire ? On serait gagnant tous les deux.

Malken l’observa. Le soumis lui plaisait de plus en plus. Ce mélange de soumission, d’obéissance pure et de défi. Ce bracelet vide également. Joueur, il fit à son tour une proposition.

- Disons que j’ai une condition moi-aussi. Si j’arrive à te faire briller… même un tout petit peu… Tu devras m’expliquer exactement pourquoi tu refuses de rester. Ça te va ?
- Oui, Maître.

Il avait hésité, mais c’était un vœu sans importance. Lune n’aurait pas à le dire. Il ne l’avouerait jamais, mais cela faisait au moins six ans qu’il n’avait pas émis la plus petite lueur alors son autre secret était bien gardé. Il avait vraiment besoin de cet argent. C’était plus qu’il n’arriverait à en obtenir ici. Les dominants faisaient rarement la charité. Ce serait vraiment sa meilleure offre. Ce dominant était immense, mais il lui fit un sourire charmant et Lune se fit la réflexion que ce serait peut-être moins difficile que prévu. Pas facile pour autant, mais au moins un peu moins dur. Et puis, ce n’était qu’une nuit…

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