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Sans plus faire de manières, j'enfilai le bijou en silicone esthétique. L'interface était à l'image d'une petite montre intelligente, mais ne répondait qu'aux fonctions de Symbiose. L'appareil se portait l'interface vis-à-vis l'intérieur du poignet, et un avertissement clarifiait qu'en apposant l'électrode sur la mauvaise partie de l'avant-bras, l'appareil ne démarrerait pas.
J'appuyai trente secondes sur l'interface éteinte pour que l'électrode puisse bien s'accrocher à la peau, et je sentis alors plus qu'un fourmillement : des aiguilles. Je crus même que je saignais lorsque je retirai mon doigt du bracelet, et je fis la grimace en constatant que ce n'était qu'une désagréable sensation fantôme. Je me demandai si le bracelet pouvait aller sous l'eau, car d'ici les douze prochaines heures, il faudrait bien que je prenne ma douche.
Soudain, l'écran s’anima d'un petit S rouge et ondoyant. Après trois pulsations, le symbole laissa place à un cardiofréquencemètre. La vue de ma fréquence cardiaque me créa un malaise. À la base, je n’appréciais pas qu’on puisse recueillir tant d’informations à l’aide d’une simple adresse email, alors des signes vitaux… Ça dépassait mon entendement. En même temps, il aurait fallu que je lise l'intégralité du manuel d'instructions pour me prémunir de ces surprises, aussi… C'était toujours évident après coup, semblait-il.
Je rallumai le téléphone et ouvrit l'application de Symbiose qui ne servait franchement qu'à mettre le logiciel en marche, même si d’autres petites options étaient proposées. Je trouvai un pictogramme séparé en quatre, mais qui contenait : un cœur, une goutte, un O₂ encadré, et un thermomètre. En raison du cœur, je songeai que j'avais trouvé l'article recherché. Je lus de long en large, encore et encore.
Apparemment, cet appareil supposément ludique, calculait la pression et l’oxygène sanguine, le rythme cardiaque, la glycémie ainsi que la chaleur corporelle. C’était ridicule… Pourtant, les explicatifs, égayés d’illustrations hautes en couleurs, se montraient rassurants - et convaincants. La technologie moderne étant en cause de bien des maux du siècle, dont la sédentarité et l’obésité pour ne citer que ceux-là, Eyewright Inc. se faisait un devoir de renverser la tendance en intégrant un aspect santé à leurs appareils. Possédant l’aval des gouvernements dans lesquels Symbiose avait été rendu public, l’agence de la santé mondiale était en accord avec les données accumulées par le dispositif. Il était mentionné que l’usager recevrait une notification au moindre souci de santé, et son compagnon intelligent serait disposé à lui procurer des conseils approuvés par les instances médicales de sa nationalité. Si la situation était alarmante, le logiciel était autorisé par défaut à contacter les services d’urgence. Ces paramètres étaient modifiables.
J’avais plongé dans la gueule du loup, je n’étais pas si niaise. Cependant, à présent que le dispositif était en place, je préférais voir où menait toute cette histoire. Mouton. Après tout, à cet instant même, quelle majorité de la population avait déjà engagé le bracelet ? Ou était en boutique, à se faire injecter les capteurs de doigts, les oreilles ?
Une dernière visite sur Tiktok me dévoila d’ailleurs un Youri jaloux de tous ceux qui connaîtraient les joies du nouveau boost, prochainement mis en vente sur le net, et qui permettrait de littéralement avaler les micro-capteurs améliorant les sens du logiciel. Lui-même avouait songer à passer sous le bistouri pour se faire enlever les capteurs désuets qu'il n'avait pourtant que depuis quelques mois. Certains scandaient à l'obsolescence informatique, mais Youri assurait que les capteurs sous-cutanés fonctionnaient aussi précisément que ceux à avaler ; que c'était un choix propre à lui, et qu'il en énumérerait peut-être les raisons dans une prochaine vidéo.
Le boost se vendrait sur le site d'Eyewright Inc., et serait jusqu'à 30% moins coûteux que les implants sous-cutanés. Pour ma part, je saurais attendre ce boost. Il y avait la fonction de commandes vocales, la prise en charge via le téléphone, et je me moquais bien que l'audio sorte du bracelet et se répercute sur les murs de ma chambre - ou de mon appartement, pour ce qu'il en était. Je ne sortais pratiquement jamais, sauf pour voir pépé… Qui vivait littéralement à la porte d'à côté.
D'ailleurs, je commençais à me sentir plutôt mal avec ce matériel sur moi pour les douze prochaines heures. Je décidai d'aller trouver pépé pour lui avouer que j'avais joué avec la machine de l'apocalypse, comme il appelait tout ce qui ressemblait - de près ou de loin - à un ordinateur.
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