2.

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 Le Complexe, appelé « complexe Duval » était une institution connue par tous les habitants de chacune des huit divisions de la petite île d'Emorthon. Bien que personne ne savait exactement ce qu'il s'y passait, les civils se satisfaisaient du simple fait qu'elle avait pour but de garder captifs les Néfastes. Ces hommes et femmes hors du commun rejetés de tous.

La femme souffla du nez, plus amusée par le manque d'assurance du garçon que par la réponse en elle-même. Cédric espèra au fond de lui que le sourire qu'arborait la femme soit due au fait qu'il soit complètement à côté de la plaque.

-Je me disais bien que vous aviez une petite idée d'où nous nous trouvons. Dit-elle ravie.

Malheureusement pour Cédric, ces mots n'avaient fait que comfirmer la triste vérité. Son cœur rata un battement suite à cette révélation. Ses yeux parcouraient la pièce rapidement, comme s'il cherchait confirmation ailleurs.

« À quoi je m'attends ? Ce n'est pas comme si j'allais voir un énorme poster accroché à l'un de ces murs disant 'bienvenue au complexe Duval espèce de monstre !' » pensa-t-il.

Le rythme des battements de son cœur fit des siennes, se sentant à nouveau empli d'angoisse, sa respiration s'accéléra, trahissant son état d'esprit. Cédric fit brusquement mine de se débattre contre ses liens en donnant de violents coups contre la table pour tenter, en vain, de se libérer. La dame ne vacilla pas d'un pouce. Sans sourciller, le sourire aux coins de ses lèvres rouges, elle semblait apprécier le spectacle que le jeunot lui procurait.

« Elle joue à quoi ? C'est une sadique ? »

-Qu'allez-vous me faire au juste ?

Elle ne répondit pas à la question. Elle se pencha sur la table encore une fois, les bras tendue jusque celle-ci pour y prendre appui.

-Que savez-vous de cet endroit, dites-moi ? Demanda-t-elle d'une voix assurée.

Cédric n'en savait pas grand-chose, excepté ce qu'il avait bien pu entendre de la bouche des gens qu'il a pu connaître ou simplement croisé tout au long de sa vie. Les rumeurs au sujet de l'organisation s'étaient faites nombreuses en trente ans d'existence. Certains racontaient que les scientifiques du complexe torturaient leurs pensionnaires, ou encore qu'il s'agissait d'une prison, destinant toutes personnes y pénétrant à une mort certaine et douloureuse pour nettoyer la société de ces « infâmes créatures ».

-Tout ce que j'en sais c'est que c'est une prison. Un lieu de torture.

-« Une prison » ? Certainement pas jeune homme ! Protesta une nouvelle voix.

La voix qui lui avait répondu, outrée, à l'instant, s'avérait être celle d'un homme. Cédric n'hésita pas à pencher la tête en arrière pour voir de qui il s'agissait. Un homme, à l'aube de la cinquantaine, se tenait dans l'encadrement de la porte. Brun de peau, des lunettes au bout du nez, il avait les mains dans les grandes poches de sa blouse blanche. Il s'avança dans la pièce, faisant résonner le bruit de ses pas, quoi que beaucoup moins fort que les talons rouges de sa collègue.

-Docteur Moreau. Fit-il en inclinant la tête vers la femme comme pour la saluer.

Cédric n'avait pas vu la femme se redresser, elle était à présent droite comme un i, son sourire avait laissé place à une expression plus neutre.

-Monsieur Duval. Dit-elle en lui rendant timidement son salut de tête.

-Monsieur Duval ? S'étonna Cédric. Vous... vous êtes...

-Le Directeur de ce laboratoire. L'avait-il coupé. Mais pour vous ça sera Directeur. « Monsieur » Duval c'était mon père, le fondateur de ces lieux. Pour vous reprendre, dit-il en joignant ses deux mains, qu'il avait sorti de ses poches, dans son dos, cet endroit n'est en rien une... « prison », encore moins ce que vous qualifiez comme étant un « lieu de torture ».

L'homme sembla vexé, ou du moins, touché parce que le garçon avait pu dire au moment où il était arrivé.

-Il s'agit d'un centre d'aide aux personnes, disons, « différentes ». Avait-il reprit en rejoignant le coté droit de la table.

-Et bien « Directeur ». Vous attachez souvent les personnes que vous tentez d'aider ? Fit Cédric en soulevant son poignets rouge et sanglé.

Le Directeur sourit.

« Un / zéro apparemment. » Se dit-il fièrement.

Cédric avait la manie de compter les points à chaque fois qu'il en avait l'occasion.

-Et bien, vous comprendrez que nous devons prendre un minimum de précautions si nous voulons nous sentir en sécurité mes employés et moi-même vis-à-vis de vous et de vos "capacités", n'est-ce pas ?

Cédric se tut. Il observait l'homme qui se tourna vers ce fameux « Docteur » qui s'était faite très discrète depuis l'apparition de celui-ci. N'en déplaise à Cédric qui malgré ses craintes, paraissait bien heureux qu'elle ne fasse plus autant la maligne.

-Où en sommes nous avec lui, Docteur ?

La femme déglutit en prenant conscience qu'il s'adressait à elle.

-Nous en avons fini avec les tests, le garçon est stable et le bracelet en parfait état de marche.

-Bien, vous pouvez le préparer et l'amener à mon bureau.

Elle hocha la tête en minaudant un léger et timide « très bien Monsieur » avant de faire à nouveau claquer ses chaussures en sortant de la pièce, fermant la porte après son passage.

-Quant à nous Cédric, nous continuerons cette conversation dans mon bureau, fit-il en se retournant vers lui avant de partir à son tour, laissant le jeune homme seul dans la salle.

Sa solitude fut de courte durée, il entendit la porte s'ouvrir, un peu plus violemment cette fois-ci. De lourds et rapides bruits de pas s'élevèrent jusque ses oreilles, juste avant d'entendre une nouvelle fois les talons de la sublime Docteur Moreau.

-Allez-y messieurs, préparez-le, le Directeur l'attend dans son bureau. Dit-elle d'une voix soudainement plus assurée maintenant qu'il n'était plus présent.

Deux hommes extrêmement grands et baraqués avaient fait leur entrée avant elle. Portant ce qui semblait être des tenues d'infirmiers blanches, ils se placèrent tous deux de chaque coté de la table, détachant le garçon sans délicatesse. Ils le relevèrent en l'agrippant chacun d'un bras, le soutenant par la même occasion pour l'empêcher de crouler sur ses jambes affaiblies. Cédric tenta de se débattre, mais c'était peine perdue. Son corps tout entier ne répondait pas correctement aux ordres émis par son cerveau. Il se sentait nauséeux, sa tête tourna une nouvelle fois. Les deux hommes massifs faisaient bien une tête de plus que lui malgré son mètre quatre-vingt cinq. Il se sentait trop faible pour hurler, bien qu'il avait furieusement envie de leur ordonner de le lâcher.

« Que veulent-ils dire par 'préparez-le' ? Me préparer à quoi ? Que vont-ils me faire subir ? » pensa -t-il inquiet.

Ils sortirent tous de la pièce, traînant le garçon dans de longs couloirs tout aussi blancs et propres que l'endroit qu'ils venaient de quitter. L'idée de se laisser traîner de cette manière sans agir lui était insupportable.

« Une chose est sûre, c'est que cette merde de bracelet a l'air de bien fonctionner. » Se dit-il.

Si son corps n'agissait pas, c'était bien à cause de l'état somnolant dans lequel il était coincé. Au vu de son intense stress, Cédric savait que son incontrôlable pouvoir se serait, depuis un bon moment déjà, manifesté. Mais rien, jusqu'à présent.

« Je veux sortir d'ici. » Pensa-t-il en fermant les yeux pendant qu'il se faisait tiré en arrière par les deux gros-bras qui le tenaient. « Je veux rentrer chez moi, Alexandre et Julien doivent être morts d'inquiétude. »

Il se jurait au fond de lui qu'il trouverait le moyen de s'enfuir de ce complexe, de retrouver les siens. Les deux hommes, qui le traînaient beaucoup trop facilement à son goût, étaient suivis de très près par le Docteur qui se trouvait face à face avec lui. Son sourire malicieux revint se dessiner sur son visage. Bien que la brune semblait avoir une bonne vingtaine d'années de plus que lui, en d'autres circonstances il l'aurait trouvé très séduisante, mais son sourire sadique venait déformer les traits de son visage mature.

« Si seulement je n'avait pas ce bracelet à la cheville, je t'aurais effacer cet immonde sourire du visage à tout jamais. Alors quoi ? Ça te plaît vraiment de me voir en panique, sale garce ? Un jour viendra, il ne faudra pas s'étonner que je te décroche ce sourire au même moment où je te le rendrai... »

La femme pouffa discrètement, comme pour retenir un rire qu'elle désirerait ne faire entendre qu'au garçon. Elle regardait au plus profond de ses pupilles en marchant. Cédric lui rendait son regard, emplie de haine. Elle semblait apprécié de percevoir du défi dans les yeux de ce dernier, plutôt que de la peur.

« Et bien, du défi ? C'est ce que tu veux ? Tu vas en avoir... »

Cédric, malgré ses vaines tentatives précédentes de faire agir son corps, se fit plus coopératif sous l'emprise de ceux qui le tiraient à travers d'interminables couloirs immaculés. Pas un bruit ne se faisait entendre à travers les longues salles qu'ils traversaient, si ce n'était le bruit de leurs propres pas.

« Comment d'aussi longs couloirs pouvaient-ils être aussi vide et sans vie ? »

Le Docteur, toujours sur leurs talons lui rendait son regard provocant. Visiblement elle devait vraiment aimer ça. Il était difficile pour Cédric de croire qu'il s'agissait de la même femme qui s'était écrasée et faite toute petite en présence de son supérieur. Après plusieurs minutes de marche, les « infirmiers » s'arrêtèrent net devant une porte celée. Le Docteur passa devant eux, leur ouvrant la porte à l'aide d'une carte qui fit bipé un petit boîtier au niveau de la poignée de celle-ci. Ils s'engouffrèrent tous trois dans la nouvelle pièce, laissant la dame à l'entrée. Avant qu'elle ne referme la port derrière eux, Cédric et elle se lancèrent un dernier regard méprisant. Elle lui avait fait signe de la main, secouant le calepin qu'elle n'avait toujours pas lâché depuis, comme pour le saluer, toute en lui faisant son plus beau sourire plein de sous-entendus. La porte à présent fermée, le jeunot prit le temps de regarder autour de lui. La nouvelle pièce semblait être une salle d'eau... blanche. Les hommes le posèrent sur un petit banc sur lequel il s'écroula pratiquement après que l'un d'eux l'eut lâché pour aller lui prendre des vêtements qu'ils déposa, pliés, à coté de lui sur ce même banc.

-Sous la douche. Après tu mettras ça. Ordonna l'un des gorilles qui l'avait transporté jusqu'ici.

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