Paradise
Le monde est bleu
Notre tablée se dresse, enhardie de merveilles, juste en-dessous le ciel
Même que les vents ont cousu Bel Éden
Quand les soirs se jettent dans les alcôves ondoyantes
Qu’il est beau, le soleil, qui d’en-haut nous endort
Le monde est vert
Sous la voûte qui jamais ne blêmit, on emmêle parfois
Les miettes de sourire qu’on égare au matin
Quand, de nos sourdes ardeurs, s’échappent quelques craintes
Qu’il est doux, notre Éden, au joyeux éclatant
Le monde est blanc
Comme les draps,
Les drôles de hardes,
Les taules geignardes qui tirent en bas,
Et les Mêmes — faces troublées, oubliées — qui prennent en main
Corps égratigné sous les ongles malins
Le ciel est blanc, livide matin
Comme ta peau sous les voilages accidentés
Après les épreuves écharpées
Sous de sages instruments
Ta peau est blanche — médicaments
Quand s’étriquent dans tes yeux de plus sombres chants
Qu’il est chaud, cet Enfer, à l’espoir écœurant
Le monde est gris
S’enlise, mugit, s’abîme
Ploie sous ses lourdes cargaisons salines
Même que le vent a chassé Sourire
Quand les cieux reprennent l’ange maintes fois ébréché
Quand nos étoles se crament d’un noir crevé
Quand les cloches sonnent — au revoir aimé
Qu’il est vide, le monde, quand tu n’y cours pas
Le monde est rouge
Et pour toujours
Je veux brûler cet éphémère
Qui ne veut guère de ta lumière
Quand le ciel tombe en soirs d’ébènes
Qu’il est cruel, le ciel d’après
Le monde est noir
Pour tout le jour
Demain se perce en giclées acides, sous les becs d’affreux vautours
Tandis que s’éparpillent nos cœurs volatiles, qui tirent un peu les rêves fous
Que l’on étire pourtant, et pour toujours
Quand nos âmes susurrent — amour
Qu’il est pleurnichard, notre bleu, orage brouillé, quand il s’enfuit
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