Pays des prodiges

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Quelque chose encore rutile là-bas au pays des prodiges. Oui, c’est cela, je reconnais la vaste étendue entièrement blanche du Salar d’Uyuni, les polygones cristallisés qui animent sa surface, l’intense lumière prise au piège qui ricoche entre ciel et sel. L’horizon semble sans limite, se perdant à l’infini. Impression saisissante de solitude et pourtant je ne me sens nullement orphelin, habité de l’intérieur par toute cette magie qui ruisselle, fascine, appelle à la rejoindre. Pays des mirages certes mais qui ne saurait s’inscrire en pure perte. Ces vagues de clarté, je les sens en moi dont ma chair est fécondée, ma peau illuminée. On n’est jamais perdu lorsque la lumière est présente. Elle est ce message de paix intérieure, cet espoir qui chemine et ouvre la voie en direction d’un futur qui sourit de sa belle bouche étincelante.

Des tas de sel s’impriment dans leur régularité de pyramides exactes, genres de cônes gris qui sont les signes du désert, sa conscience à peine soulignée. Ces tas, dans leur apparente stupeur sont, en réalité, fertilisés, ensemencés par le rude travail des hommes. A simplement les regarder et c’est tout un Peuple de l’immensité blanche qui surgit et ce sont des faces laborieuses tannées, usées par le soleil. Mais combien de symboles positifs y sont inclus : persévérance, foi en la matière simple, minérale qui est leur lot commun, la provende au gré de laquelle leur existence est assurée sur ce bout de terre à l’écart du monde.

Le soleil a lentement poursuivi sa longue course arquée. Il est à présent à son acmé, intense boule blanche roulant sa couronne de flammes au zénith. Tout, sur le sol de sel demeure figé. Plus rien ne bouge et les insectes sont tapis quelque part dans une mince lunule d’ombre. Je marche sur la croûte de sel qui craque sous mes pas. Je sens la chaleur intense qui traverse mes semelles, irradie mon corps à la façon d’un rutilant feu de Bengale. En cet instant, je ne dois guère être différent d’une statue de sel connaissant le moment de sa gloire, un geste suspendu à l’éternité. Cependant je m’abaisse vers le sol. Une ouverture s’est faite dans le lac minéral, une anse d’eau turquoise que limite une montagne nue, pelée, aux flancs rabotés par l’aridité ici présente. Je saisis de larges dalles de pierre à la géométrie aigüe. Je les entasse avec une grande attention afin de réaliser un cairn en tous points semblable à la montagne qui me fait face.

En quelque manière un microcosme dialoguant avec le macrocosme dont il n’est que le reflet, la modeste réplique. Un monde miniature imitant le Monde réel à l’illisible typologie, la courbure de la Terre est immense et, nous les hommes, sommes si petits, infinitésimaux, genres d’insectes amassant leurs brindilles au hasard des chemins. Mais me voici pourvu d’inestimables dons. Entre autres ils se nomment Hautes Falaises de Marbre, Rizières du Yunnan, Altiplano. Ils se nomment beauté et font leurs trajets dans le corridor des souvenirs. Comment pourrais-je les oublier ? Comment pourrais-je m’éloigner de cette si accueillante Nature, notre Mère à Tous que nous devons protéger et fêter à la hauteur de sa grâce, de son exception ? Tous ces paysages sont beaux, géologiquement façonnés par une longue patience, immensément étendus sous le ciel, ils requièrent notre conscience attentive, nous devons en avoir la garde, les protéger. Ils sont nos génies tutélaires. Nous sommes leurs fils et leurs filles aimants. Comment pourrait-il en être autrement ?

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