Chapitre 18 : Soufflé au fromage
Rosa ne comprenait pas vraiment ce qu'elle faisait là. Elle était dans le salon d'un pavillon de banlieue. Devant elle, se tenaient Robert et Lydia sa femme. La maîtresse de maison était une belle femme de cinquante ans. Son sourire accueillant et chaleureux avait tout de suite plu à la jeune cheffe bien qu'elle fût mal à l'aise.
- Je suis ravie de vous rencontrer enfin. Robert ne tarit pas d'éloge sur vous et votre cuisine.
Robert grogna un peu gêné. Il n'était pas du genre à exprimer ses sentiments facilement, encore moins auprès de la jeune cheffe. Sa femme rit de la réaction du cuisinier et l'invita à aller se rafraîchir tandis qu'elle guidait leur invitée dans sa chambre. La pièce était spacieuse et aussi spacieuse que sa propriétaire. Rosa posa son sac au pied du lit.
- Je dois laver la tenue de travail de Robert, voulez-vous que je lave la vôtre avec ?
- Je ne veux pas vous déranger, je...
- Tutututtt ! Si je propose c'est que cela ne me dérange pas.
Rosa hésita mais elle devait avouer que cela l'arrangeait, elle n'avait pas suffisamment pris de rechange.
- D'accord, mais à une condition : tutoyez-moi s'il vous plaît.
- Très bien Rosa mais tutoie-moi aussi.
La jeune cheffe sourit et acquiesça. Lydia lui montra la petite salle d'eau attenante à la chambre qui lui était réservée. Ainsi, elle aurait un peu d'intimité.
- Tu dois être fatiguée, il est tard. Je te souhaite une bonne nuit. À demain.
Rosa la remercia et lui souhaita une bonne nuit également. Elle se dévêtit et apprécia la douche bien chaude. Au moins elle était en sécurité pour cette nuit. Jamais Luigi ne prendrait le risque de venir la chercher ici. Du moins, elle se persuadait de cela. Elle envoya un message à Marc. Juste pour lui dire qu'elle allait bien. Il ne répondit pas aussitôt, mais après un rapide calcul elle comprit qu'il devait être en plein service du soir. Elle finit par s'endormir, épuisée, le téléphone à la main.
Le lendemain matin, elle eut du mal à émerger. Elle suivit les voix pour retrouver son chemin jusqu'à la cuisine et se trouva nez à nez avec un jeune homme d'une vingtaine d'années. Il semblait d'extrême bonne humeur, son sourire était contagieux. Meme sans café, il arriva à tirer Rosa des brumes matinales. Elle répondit à son sourire et lui souhaita bonjour.
- Cette journée ne peut que l'être avec une rencontre aussi délicieuse de bon matin.
- N'écoute pas ce tombeur, il fait du gringue à toutes les filles qu'il croise ! Répliqua la voix d'une jeune femme. Bonjour je m'appelle Cathy. Tu prends du café ou du thé ?
- Moi c'est Rosa. Oui, du café, s'il te plaît.
Elle s'assit à la place que lui désigna Cathy et apprécia l'arôme de sa boisson. Elle ne se souvenait pas d'avoir déjà pris un petit déjeuner comme celui-ci. Il y avait une variété importante de viennoiseries et brochettes en tout genre.
- Jérôme bosse dans une boulangerie. Il travaille de nuit, on en profite pour avoir des super petits déjeuners !
- C'est impressionnant même ! Je n'en ai jamais vu autant !
- Et encore tu n'as pas goûté, reprit le jeune homme, c'est moi qui les ai faits.
Il lança un sourire charmeur à Rosa et haussa plusieurs fois les sourcils. Ce fut la voix de Robert :
- Bonjour les jeunes !
- Bonjour papa, dit Cathy lorsque ce dernier embarrassa la joue de sa fille.
- 'jour p'pa ! Lui dit Jérôme en le prenant brièvement dans ses bras.
- Bonjour, fit la petite voix timide de Rosa.
Après avoir pris des nouvelles de la nuit de chacun, ils partirent au travail. Le sang de Rosa se figea quand elle vit une voiture de police devant le restaurant et d'autant plus lorsqu'elle vit la vitre brisée de l'établissement.
Steeve qui échangeait avec l'agent de police la désigna lorsqu'il la vit arriver.
- Bonjour, vous êtes le chef du restaurant ?
- Oui je suis Rosa je remplace Marc Deschanel le propriétaire et patron du restaurant. Que s'est-il passé ?
- La vitrine a été vandalisée très tôt ce matin. Nous avons trouvé ceci attaché sur une pierre, probablement celle qui a explosé la vitre.
L'agent montra le mot à la jeune cheffe. Elle était sous le choc.
- C'est à vous que le message est destiné n'est-ce pas ?
Elle hocha la tête sans pouvoir prononcer une seul mot.
- Y a-t-il un endroit tranquille où nous pourrions parler ?
Steeve prit les choses en main et guida la policier jusqu'au bureau du chef, il installa la jeune femme sur le canapé. Robert arriva peu après avec un verre d'eau et un café. Il ne repartit pas, les bras croisés, il se posa dans un coin de la pièce comme s'il était son garde du corps. L'image fit sourire Rosa.
- Pouvez-vous m'expliquer de quoi il retourne ?
Alors elle raconta, elle donna d'abord le nom de l'agent qui suivait son affaire, lui expliqua ce qui était arrivé à son appartement. Tout le temps de son discours, elle regardait ses doigts qu'elle tortillait dans ses manches. Sa voix changea quand elle aborda, sans entrer dans les détails, ce qui lui était arrivée durant son adolescence. Elle n'était pas obligée de le dire, le policier aurait contacté son collègue et celui-ci lui aurait dit, mais elle avait besoin que Robert sache dans quoi il s'embarquait en la protégeant. Égoïstement, elle profitait de la gentillesse de son collègue, cependant il avait une famille, elle ne pouvait le laisser prendre des risques. Elle était déjà furieuse que Luigi s'en soit pris au restaurant. Robert ne parla pas mais elle sentait qu'il ne l'avait pas quittée des yeux tout le temps de ses aveux. Quand elle eut fini, elle ne prêta pas vraiment d'attention à ce que lui disait l'agent, son regard était focalisé sur Robert. Elle avait peur de voir de la pitié dans les yeux de son collègue, qu'il perde l'admiration qu'il avait pour la jeune cheffe. Pourtant, tout ce qu'elle put lire dans son regard fut de la colère et de la haine. Une animosité féroce qui lui tordit le ventre. Il lui en voulait, c'était sûr. Elle avait mis sa famille en danger. L'agent partit, lui demandant de venir signer sa déposition un peu plus tard à l'hôtel de police. Rosa se rassit et se prit la tête dans les mains. Elle ne savait quoi dire, elle s'en voulait. Finalement, elle laissa échapper un seul mot :
- Désolée.
- De quoi es-tu désolée Rosa ?
Elle ne répondit pas, elle se sentait mal. Il devait être furieux. Elle pensait que son passé l'avait laissé, mais non ce salopard lui courait encore après. Robert souffla et reprit :
- La seule chose pour laquelle tu peux t'excuser c'est de ne pas nous avoir demander de l'aide plus tôt.
Sous le choc, Rosa releva la tête d'un coup. Bouche bée, elle regarda le cuisinier.
- Je ne comprends pas ...
- Si je comprends bien cela fait au moins dix jours que ce sale type te terrorise. Quand je pense que tu fais le trajet à pied, en pleine nuit après le service... Bon sang ! Dieu sait ce qui aurait pu t'arriver.
- Tu ne m'en veux pas, tu n'as pas peur que je mette ta famille en danger ? et le restaurant...
- Rosa, tu n'es coupable de rien. On va faire en sorte que ce taré disparaisse de ta vie. S'il le faut je le hacherais menu et on en fera des petits pâtés !
Rosa laissa alors couler les larmes sur ses joues. Elle souffla soulagée et ne repoussa pas Robert quand paternellement il la prit dans ses bras. Elle n'était plus seule.
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