Chapitre 21 : Cerise sur le gâteau
L'annonce de Barbara figea l'équipe durant quelques secondes. Rosa hocha la tête et prit les rênes.
- Allez on s'active le service n'est pas terminé. Vous avez entendu ce qu'à dit le chef américain ? On fait comme d'habitude, ni plus ni moins !
- Oui cheffe !
Si Rosa était fébrile, elle n'en montra rien. L'assurance de la jeune femme galvanisa la brigade qui reprit le travail avec entrain. La commande ne tarda pas à tomber.
- Le plat du chef, un onglet, une crème brûlée et une tarte multi.
Ce n'était pas vraiment une surprise. C'était ce qu'ils vendaient le plus. Rosa envoya les assiettes en seulement dix minutes. Mia s'attelait déjà à préparer la crème brûlée, attendant le dernier instant pour faire caraméliser le sucre.
Les commandes étant terminées, Rosa s'occupait en nettoyant et rangeant. Son esprit était tourné vers ce qu'il se passait en salle. Elle s'obligeait à ne pas aller voir comment cela se passait. Pas la peine de se ridiculiser. C'était la première fois qu'un critique culinaire goûtait sa cuisine. Elle était certaine qu'il était venu pour voir Marc. Le jeune chef s'était fait une place dans la gastronomie française. Il avait déjà une étoile et continuerait certainement à gravir les échelons. Alors qu'elle briquait depuis dix minutes son plan de travail, Martha déposa les deux assiettes vides sur le passe-plats. Elle fit un clin d'œil à Rosa et repartit avec les desserts. Alors que Rosa calculait le temps que pouvait prendre la dégustation d'une crème brûlée, Barbara vint la chercher à la demande de ce client si particulier. Elle ne le reconnut pas tout de suite. Il était pourtant seul avec sa compagne dans la salle du restaurant. Le visage de la femme qui l'accompagnait s'éclaira lorsqu'elle vit Rosa arriver. Le critique se retourna et arbora un regard aimable. Ce n'était pas l'un de ses dragons de la cuisine que redoutaient tant les chefs. Pourtant, il avait la réputation d'être franc et sans langue de bois.
- Ah bonjour cheffe ! Une femme au fourneaux, cela fait plaisir, s'extasia la femme. Je tenais à vous féliciter le repas était exquis. Nous sommes venus à la recommandations de nos amis, ce sont des habitués de ce restaurant.
Rosa devinait assez bien qui cela pouvait être et lui fit un sourire entendu.
- Je suis ravie que nous ayons répondu à vos attentes.
Le critique prit alors la parole. Il ne laissait échapper aucune indication sur son opinion. Rosa était pendue à ses lèvres comme s'il allait lui annonçait qu'elle allait vivre ou mourir.
- Bonjour Cheffe. Je suis Erico Pégase. Je ne vous connais pas encore mais je tenais à vous faire partager mon avis sur ce repas. Je suis déjà venu il y a un an ou deux et je dois avouer que j'apprécie la cuisine du chef Deschanel. Mais lorsque Mathilde m'a fait part de l'avis de nos amis, j'ai voulu voir de moi-même.
Le suspens était à son comble, Rosa sentait la sueur lui couler le long du dos. Elle se dit qu'il devrait faire de la télé. Il avait un sens de la formulation et du teasing qui appelait le respect.
- J'aime beaucoup votre vision de la cuisine. Je reconnais la base du chef Deschanel, mais il y a ce petit plus qui me satisfait pleinement. Bravo ! Je pense faire un papier sur vous. Pourrait-on convenir d'un rendez-vous pour que je puisse apprendre à vous connaître ?
Rosa n'en revenait pas. Il avait aimé et il voulait faire un article sur sa cuisine.
- Je dois d'abord voir avec Marc, surtout que nous accueillons le chef américain Sanders qui a échangé son restaurant avec le chef pour une émission tournée sur six mois. Je ne sais pas si j'ai le droit, surtout avec les droits de l'émission, etc.
- Je comprends. Voici ma carte, contactez-moi lorsque vous en saurez plus. Je reviendrai de toute manière, par curiosité voir ce que Franck Sanders fera dans cette cuisine.
Il fit un clin d'œil et sourit à la jeune femme. Elle lui répondit en souriant également.
Elle les vit repartir avec une boîte de scones. Quand ils furent hors de son champ de vision elle explosa de rire. Ses nerfs lâchaient. Barbara vint la serrer dans ses bras. Après avoir rapporté les paroles du critique, elle s'enferma dans le bureau pour appeler Marc en visio. Elle voulait lui raconter, elle avait besoin d'en parler avec lui. Elle ne pensait même pas au possible article, non elle voulait juste échanger avec celui qui était devenu son compagnon de cuisine. A peine eut-il décroché qu'elle déclara :
- Marc, tu ne devineras jamais qui est venu manger ce midi !!
Il rit. Son sourire fut comme un coup au cœur de la jeune femme. Il lui manquait. Elle aurait aimé se jeter dans ses bras pour lui raconter.
- Bonjour à toi Rosa ! Tu as vu le chef Sanders ?
- Oui, il est passé. Il a aimé le resto et le repas.
- Je sais, il m'a appelé juste après, il ne tarissait pas d'éloge sur toi et tes scones. Je suis jaloux, je n'y ai pas encore goûté !
- Dès que tu rentres, je t'en ferais, promis !
- J'espérais que ce soit avant, mais bon... fit avec une moue boudeuse qui amusa la jeune femme.
- Mais ce n'est pas de lui dont je voulais te parler. Regarde !
Elle plaça la carte du critique devant la caméra.
- Erico est venu ?
- Tu le connais bien ?
- Bien non, il est venu une fois ou deux. Il m'avait fait une belle critique qui avait contribué à l'obtention de mon étoile.
- Il était là ce midi, juste après le départ du chef Sanders.
- A voir ton sourire, j'imagine que cela s'est bien passé.
- Oui, il a aimé les plats et est même reparti avec une boîte de scones.
Marc se renfrogna encore et fit rire Rosa.
- Il m'a proposé d'écrire un article sur moi.
- Tu as accepté ?
- Je voulais voir avec toi d'abord.
Surpris il rétorqua :
- Pourquoi ?
- Comme on approche de l'émission, je ne sais pas si tu es contraint à des droits d'exclusivité. Je ne voulais pas faire de bêtise en m'engageant auprès de lui.
- Je n'y avais pas pensé. Je me renseigne et je te dis ça vite. Ce serait une sacrée opportunité pour toi. Je sais que tu iras loin.
Rosa sourit et le remercia. Ils bavardèrent encore un peu quand Marc dut partir pour le service. Il resta quelques minutes devant son écran alors éteint, songeant à ce que la jeune femme lui avait dit. Il était fier d'elle et surtout flatté de la loyauté qu'elle avait envers lui. Beaucoup ne se serait pas embêté et aurait fait l'interview sans même l'en informer. Il lui restait encore un mois pour s'approprier la cuisine de Franck, puis il pourrait changer la carte. Il avait commencé à prendre ses repères. Il avait hâte de travailler certains produits. Souvent il se demandait ce que Rosa penserait de telle ou telle association, comment elle cuirait tel produit. Elle avait pris possession de son esprit et de son cœur avait-il l'impression. Chaque fois qu'il l'avait au téléphone était un bonheur et chaque fin de communication était un déchirement.
- Allez ! encore cinq mois Marc ! s'encouragea-t-il lui-même.
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