13 - Nancy - Samedi PM
Un bruit ténu. Une lumière, je m’y accroche.
Je reviens doucement à la réalité. Je me sens cotonneuse. C’est si doux sous mes doigts. Des draps... Si fins ? Ce n’est pas du tout ma literie en coton ! Atterrissage brutal de mon esprit !
J’ouvre les yeux et un autre choc frappe ma conscience : un souvenir. Cette chambre, je l’ai déjà visitée. Ce lit, je le connais : je me souviens m'être roulée dedans. Cela me revient maintenant. À cette évocation, je me repositionne comme ma mémoire me le dicte. Bras tendus à l’horizontale, les jambes bien écartées et…
Une douleur me déchire le ventre ; si douloureuse qu'elle me force malgré moi à refermer mon compas. Et pourtant je suis encore plongée dans ce moment.
Ce tourment qui me vrille le bas du corps fait partie de mes pensées ; mieux, il aide à les faire remonter. Je les ressens de plus en plus...
Le martinet me cingle le corps ; alternant la droite et la gauche comme pour ne pas faire de jalouse. Garder un équilibre. Mon ventre est déjà rougi et mes jambes bien échauffées. La frappe est précise et régulière, jouant haut et bas, dextre et senestre. Je me rythme sur elles, leurs chocs, ma douleur, mon attente...
On dézippe le lien qui me voile les yeux.
Cette chambre, cette femme, ma Maîtresse. Elle porte un déshabillé resserré sous la poitrine. Il lui fait un bel effet. Un cri m’est arraché lorsqu’une lanière me mord méchamment un téton.
— Ne quitte pas mon regard, dit-elle du même ton qu’elle a employé, quelques heures auparavant, pour m'accueillir.
Mais ma curiosité est forte et sa sanction douloureuse pour ma poitrine. Une autre fuite de mes yeux et c’est un aller-retour de ce chat à neuf queues qui me flagelle. Mes lèvres laissent alors s'échapper plus qu’un gémissement.
Et la frappe continue encore et encore. Droite, gauche, régulière, haut, bas…
Je sens sourdre en moi une envie prenante de sensations plus fortes.
Inconsciemment et avec le peu de mobilité qu’il me reste je tends mon corps vers l’instrument de frappe. Encore et encore.
Ma respiration se fait plus courte et je note que chez ma tortionnaire son souffle le devient aussi ; pour ce que je peux entendre car je n’ose quitter son regard. J’ai passé le seuil de la douleur et je ne recherche que plus de sensations encore. Et encore plus.
Elle me frappe longuement, précisément. Exigeant mon regard et sanctionnant toute tentative de ma part d’y échapper par un coup de poignet qui me lance de douleurs sur un bout de ma chair. Un sein ou ma vulve en feu sont ses proies.
Je suis fière de lire ma résistance au fond de ses prunelles. Et pourtant, ses lanières me mordent...
Lorsque je sens une main autre caresser mon pied, je veux voir son propriétaire. La punition est immédiate. Ma perle d’amour heurtée me fait me cambrer fortement.
J’halète. J’étais au bord. Mes yeux se font suppliants.
Je sais la nécessité de la regarder elle, rien qu’elle. June. La mère de Chloé.
- Nancy ? Tu vas bien ?
Une main se pose sur moi, me faisant tressaillir. J’ouvre les yeux que j’avais refermés, perdue dans mes souvenirs...
Chloé est penchée sur moi, assise sur le lit avec sa main sur mon épaule. Je sens sa chaleur. L’encolure de son tee-shirt baille largement et lui dénude la clavicule. J’aime beaucoup.
— Tu te sens bien ? Je t’ai entendue gémir. J’étais à côté en train de rédiger mon rapport, me dit-elle doucement.
— J’ai la tête lourde, articulé-je avec difficultés.
— Ne bouge pas, je vais t’apporter un bouillon.
— Non ! Ne puis-je m’empêcher de dire tout en lui saisissant le genou.
Elle tressaille si fortement que cela me fait retirer ma main. Mais elle la reprend pour la tenir dans les deux siennes réunies.
— Où suis-je ? Que se passe-t-il ? murmuré-je bien que je connaisse la réponse…
— Nous nous sommes rencontrées hier soir. Tu as eu une hémorragie et tu n’as pas voulu que je te conduise à l’hôpital. Je t’ai donc ramenée chez-moi, car je t’avais promis de ne pas t’abandonner. Tu as dormi comme un loir jusqu’à maintenant où tu t’es agitée. Tu vas bien ?
Sa voix est douce, son regard tendre. Je ne vais pas pouvoir lui dire la vérité. Pas maintenant.
— Je dois me lever. Il le faut.
Elle me serre la main plus fort.
— Tout ce qu’il faut, c’est te reposer. Tu ne travailles pas avant mercredi m’a dit ton collègue. Sam, si je ne me trompe pas.
Elle termine sa phrase avec une petite moue trop mignonne !
— Et ta réponse ? continue-t-elle...
— Réponse ? Quelle réponse ? Je demande en ouvrant bien grand les yeux.
Elle me raconte alors avec un petit sourire narquois qu’elle m’a déjà demandé par trois fois comment je me sentais. Que le fait que j’esquive si bien les interrogations doit me valoir une position centrale - ou très particulière - dans la Police.
Je veux me redresser, mais elle me repousse facilement d’une seule main ; qu’elle vient par la suite placer sur ma joue. Nos regards sont rivés l’un à l’autre.
— Reste encore un peu allongée. Je termine mon rapport juste à côté. Ensuite, on bougera ensemble. Voici tes affaires. Tu avais deux téléphones avec toi. Tu es « people »… souligne-t-elle avec un large sourire tout en se levant.
Je prends les appareils. Plusieurs appels manqués sur chacun. Bruno d’un côté et Master de l’autre… Trop compliqué à expliquer et à gérer pour l'instant. Je décide d’attendre avant de les recontacter.
En levant les yeux, je vois Chloé qui m’observe et qui me sourit.
Je ne peux m’empêcher de lui répondre de la même manière.
Ma tête retombe lourdement sur l’oreiller et mes pensées repartent dans mes souvenirs.
Master m’avait demandé d’assister à une soirée. C’était tout au début de mes activités « spéciales » pour lui.
Je devais servir petits fours et boissons - version soubrette sexy. Un con**d m'a fait tomber avec mon plateau. Mais, ce n’était qu’un prétexte pour pouvoir me punir. Il voulait qu'on me donne le fouet mais Master s’y est opposé. Il a désigné June pour être mon bourreau ce soir-là.
Elle a manié le martinet avec un grand savoir-faire. J’ai crié ma douleur sous ses coups. J’ai aspiré à en recevoir avec ses caresses ; toutes mes attentes...
Elle a été, tout à la fois, le feu et l’eau…
On s’est revue plusieurs fois et toujours dans le même sens. Elle était ma maîtresse préférée. Elle me faisait plier. J’adorais ces moments. La douleur était présente, mais aussi, de tels instants de douceurs étaient mes récompenses. Toujours. Elle savait donner et donner encore. Sans compter.
J’étais en stage de formation au moment de sa mort. Je ne l’ai appris qu’il y a peu. Aussi lorsque Bruno m’a ramenée dans ce quartier, j’ai été surprise. Mais j’étais loin de me douter que Chloé était sa fille.
— Nancy ? Tu es de nouveau perdue dans tes rêves ?
— Non, non. Je pensais à toi, réponds-je sans mentir.
— À moi ? Arrête, tu vas me faire rougir !
— Je n’ai plus de souvenir depuis le commissariat…
Chloé se trouble et viens vers moi pour me répondre.
— J’ai pris ta voiture. Elle est toujours devant la porte. Tu as su monter seule jusqu’ici.
— D’accord, mais cela ne me dit pas qui m’a déshabillée…
— Tes vêtements étaient imbibés. Ils trempent toujours dans la baignoire d’ailleurs. Moi, je t’ai trouvé une tenue pour la nuit. Toi, c’était la chambre qui t'intéressait.
— Moi, la chambre ? Interrogé-je en écarquillant les yeux.
— Oui, tu t’es dirigée directement dans cette chambre. Je m’attendais à ce que tu dormes avec moi. Enfin, j’aurais eu plus facile pour te soigner si nécessaire, se reprend-t-elle.
Elle est devenue toute rouge en terminant sa phrase. Elle continue :
— Bon, on ne va pas passer toute la journée ici, on se bouge. Tu te trouves un pull parce que la chaleur du lit n’est pas celle de la cuisine.
Elle a raison, sortir de ce cocon et de mes souvenirs doivent être les premières choses de la journée. Ensuite, il me faudra contacter Master et Bruno. Gérer ma nouvelle relation sera plus agréable. Un mince sourire me décrispe le visage et une douce chaleur se répand dans mes veines.
Oh, oh, ma fille ! Que se passe-t-il ? Je me morigène en pensées…
— Nancy ? Nancy !
Ces mots me sortent de celles-ci.
— Oui, quoi ?
— Que fais-tu ? me demande Chloé les yeux durs.
— Ben, tu m’as demandé de mettre un pull ?
— Comment savais-tu qu’ils se trouvaient dans ce tiroir ?
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