Chapitre 2 : 1er sang
« Je t'avais pourtant prévenu, Lucian. » soupira Yrcen, les mains liées.
« Je ne pouvais pas savoir que quelqu'un habitait dans cette maison, moi ! »
« Pourtant, le feu crépitait dans la cheminée, et il y avait une bonne odeur de soupe. »
« D'accord, je reformule : je ne pouvais pas savoir qu'un vieux grincheux y vivait. »
« Le vieux grincheux t'entend, gamin et il te conseille de te la fermer si tu ne veux pas recevoir un coup dans les dents. »
Lucian grimaça et se tut. La situation avait dérapé en fin d'après-midi. Cela faisait environs un jour qu'ils chevauchaient sans relâche afin de rentrer le plus rapidement possible au Quartier Général quand, la faim aidant, Lucian s'était infiltré dans une petite maisonnette à l'orée de la forêt pour y dérober de quoi se remplir le ventre. A première vu, les lieux avaient semblé déserts malgré la soupe sur le feu. C'est pourquoi Lucian s'était permis de traîner un peu, dans l'espoir de trouver quelques piécettes. Malheureusement pour lui, la porte avait claqué et, sans qu'il ne comprenne d'où le coup venait, il avait vu trente-six chandelles. Voilà maintenant qu'Yrcen et lui étaient attachés dos à dos avec un vieil homme qui mangeait sa soupe devant eux. Un vieil homme... Non mais quel déshonneur ! Lucian avait été entraîné dur, pendant des années, afin d'être discret, vif, de se fondre dans la masse ou d'endosser des rôles de mendiants, de bourgeois et même de nobles... Il avait appris à se battre de ses poings, de ses pieds, à l'aide d'une épée... Et il se faisait assommer par un vieux aux portes de la mort.
Le vieux termina son ragoût et reposa sa coupelle sur une petite table qui trônait près de la fenêtre. Il se rassit ensuite en face de Lucian qui le dévisagea sans vergogne. Ses yeux étaient d'un bleu translucide, et plusieurs cicatrices creusaient son visage.
« Et si vous nous détachiez ? » proposa Lucian avec calme.
« Pourquoi le ferais-je ? Tu essayais de voler ma pitance et mes maigres richesses. Je devrais vous tuer pour ça, toi et ton complice. C'est d'ailleurs ce qui pourrait arriver si vous ne trouvez pas vite une solution pour vous sortir de ce pétrin. »
« Vous n'oseriez pas vous attaquer à de jeunes gens sans le sou ? »
« Et comment donc, j'ai été assassin dans ma folle jeunesse ! Je vous trancherez la gorge sans hésiter. »
« Assassin, rien que ça ? Yrcen, quelles étaient les probabilités qu'on tombe précisément dans la chaumière d'un assassin à la retraite ? »
« 0,05 pour cent. »
« Chouette ! »
Un léger silence s'installa avant que le vieux ne plante sa dague dans la gorge d'Yrcen. Lucian sursauta violemment. Il sentit, dans son dos, tous les muscles de son ami se tendre, et un horrible son franchit ses lèvres.
« Mais arrêtez ! Arrête, bon sang, laissez-le ! » hurla Lucian qui tentait de se défaire de ses liens pour venir en aide à son cher ami agonisant.
« Il semblerait que ta Créatrice ne soit pas dans un bon jour. Le dialogue patauge depuis trop longtemps. Je suis navré pour ton ami. Yskaboth prendra soin de son âme. »
Le vieux ferma les yeux d'Yrcen une fois que ses spams se furent calmés et le détacha de Lucian pour l'allonger plus loin, sur le sol de la cabane. Lucian tourna la tête vers le visage pâle de son ami. Un filet de sang s'écoulait encore de ses veines. Le spectacle était macabre, et déchirant. Le jeune homme baissa la tête, fou de rage et de douleur. Yrcen ne méritait pas ça.
«Espèce de vieux salopard. »
Lucian aurait pu lui faire la peau, à ce vieux. Mais il savait aussi qu'il ne pouvait aller contre les règles du jeu. Il rentrerait au QG sans Yrcen, trop tôt disparu. Et il remontrait la pente en volant quelques rubis supplémentaires.
« Arrête de brailler pour rien, gamin. Je devais le tuer. »
« Ouais. Tout ça pour suivre les règles d'un défi débile, vous tuez un innocent, comme ça, sans aucune logique ! » « Tu veux de la logique ? »
« OUI ! Je veux que sa mort ait un sens, bordel ! Il peut pas mourir juste pour les beaux yeux de ce Dracopeter à la con. On le connaît même pas, ce type, et on devrait nous, personnages, perdre notre vie parce qu'il a eut la brillante idée de lancer ce défi ridicule ? »
« Du calme. Je ne crois pas que les gens apprécient qu'on les insulte gratuitement. Si tu veux du sens, je vais t'en donner. Je ne l'ai pas tué pour le défi. Il devait mourir. C'est ainsi. »
« Mais pourquoi ?! »
« Parce que cette bague... » déclara le vieux en sortant la bague orné d'un saphir que Lucian avait volé.
« Eh ben quoi, c'est la vôtre ? Bah j'vous la rends ! »
« Non, ce n'est pas la mienne. Mais tu es en sa possession ; la prophétie le voulait. Il y a longtemps, un grand... »
« Wow. Wow. Wooow ! Attends deux secondes, papy... Moi je participe à aucune prophétie, je te préviens ! C'est trop long. Je risque pas ma peau pour une histoire de douze tomes, dans laquelle je risque de mourir à la deuxième page du troisième chapitre. C'est mort, archi-mort. Donc tu gardes cette jolie bague, et moi je rentre au QG pour qu'on termine ce défi et qu'on en reparle plus jamais. »
A suivre.
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