Digne d'être aimée

2 minutes de lecture

Sais-tu l'effet
De te voir te tuer
Dans le champ d'orchidées ?

Un bourdon choisit une fleur, un jour.
Pas la plus belle ni la plus parfumée.
Elle lui plaisait, qui sait.

Il lui dansait des mots d'amour,
Des odes à sa perfection.
Elle n'y croyait pas toujours ;
Savourait le présent,
Craignant qu'il s'échappe en courant.

Il avoua de bonne heure
Son obsession pour les fleurs.
Elle n'en tint pas rigueur :
C'est un mal ordinaire.

Puis un second secret :
Le pollen le répugnait
Autant qu'il l'obsédait.

Lové dans le pollen rouge
Des orchidées sacrifiées,
Il contemplait la mort.

Elle tendait feuilles inutiles,
Et aide inopportune.
« Pas ton problème, » dansait-il,
« Ça ne te regarde pas. »
La douleur dans ses racines
Et flétrissement soudains
Fredonnaient d'autres rengaines.

« Que ne cesses-tu ? » fleurait-elle.
Elle ne comprenait rien, la brèle :
Bourdon butine ou n'est pas.

Toute fleur qu'elle était,
Elle se contraignait, se contractait,
Refoulait son pollen vicié.

Et toujours il se roulait dans le henné
Des orchidées violentées.

Elle s'étirait, s'escrimait,
Allongeait ses pétales
Pour l'y laisser s'y reposer.

Et toujours il se vautrait dans le safran
Des orchidées déchirées.

« Je ne puis m'arrêter », dansait-il,
« Et tu n'es pas mon style.
Mais ne t'avise pas de te dénigrer,
Sans quoi mon amour s'envolerait. »

Elle s'étirait, se contractait.
À la fois trop et pas assez.

Les arômes du jardin
Lui rendaient la sève amère.
L'excès de couleurs
Lui brisait le cœur.
Mais une fleur ne sait
Ni vomir ni pleurer.

Sais-tu l'effet
De te voir te tuer
Dans le champ d'orchidées ?

« Tu es la fleur parfaite », dansait-il,
Et sa faible sève le croyait un peu.

Jamais il ne vint sommeiller
Sur les pétales du vulgaire gaillet ;
Lui préférant ces trop belles orchidées ;
Ces milliers de fleurs volées.

Il bourdonnait, se violentait
Dans le sang des fleurs coupées.

La rosée coulait sur ses pétales fanants.
Elle n'avait eu aucune chance
Face au jardin enchanté.

« Ne vois-tu pas comme je souffre ? »
Dansait-il. « Dois-tu aussi faire la goule ? »
Alors il l'évitait. Partait se coller
Au grouillant pollen sang.

C'est ça, l'amour ?

Il finit par ne plus l'approcher.
Sans doute oubliée, voire jamais aimée.

Elle s'y fit.
Le fragile présent désormais passé.
Tâchant de supporter
Le parfum des fleurs.

Il revint un seul instant,
Couvert de poudre honteuse, empli d'exigences,
Raviver l'espoir desséché,
Et disparut pour l'occulter tout à fait.

Quelle sotte de s'être pensée
Digne d'être aimée.

Sais-tu l'effet
De te voir te tuer
Dans le champ d'orchidées ?

Sait-il ce qu'elle ressentait
Quand il dansait son amour,
Au loin, sans un regard
Pour ce piètre gaillet.

Il la trouvait trop astreignante.
JE SUIS UNE FLEUR
Elle n'avait besoin
Que d'eau et de lumière.
Et peut-être juste
D'un grain d'amour.

Ici repose une fleur fânée.
De toute façon
Elle n'était pas très jolie
Et ne sentait juste pas trop mauvais.

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