L'accident ?
La voiture file sur l'autoroute. Les arbres défilent les uns à la suite des autres. Les véhicules se font rares à cette heure de la nuit. Lassée de regarder par la fenêtre, je me tourne vers la conductrice pour lui demander :
- Maman ? Comment est-il ?
- Tu m'as déjà posé la question une centaine de fois, répond-elle en souriant.
- Je t'en prie ! Parle-moi encore de lui.
- C'est la personne que j'admire le plus au monde, m'explique-t-elle tandis que ses iris verts brillent en pensant à l'homme qu'elle aime. Il est le seul qui a su me comprendre dans ma solitude et me soutenir dans mon combat.
- J'ai hâte de le rencontrer ! m'exclamé-je, gagnée par l'amour et l'admiration émanant d'elle.
- Tu le feras bientôt.
Satisfaite, je baisse la vitre pour passer ma tête à l'extérieur afin de laisser le vent frapper ma peau claire et jouer avec mes longues boucles rousses. Je suis sur le point de fermer les yeux pour me laisser aller à cette agréable sensation lorsque je remarque une grande lueur approcher à toute vitesse. Je laisse échapper un cri de surprise et rentre instinctivement la tête dans la voiture, mais n'ai pas le temps de faire quoi que ce soit d'autre : ce qui s'avérait être une flamme colossale frappe de plein fouet le pare-brise ! Ce dernier vole en éclats sous le choc et la chaleur. Je sens les débris de verre s'enfoncer dans ma chair et le feu lécher ma peau, mais ce qui me fait le plus mal sont les cris de maman déchirant le silence de la nuit. S'ajoute bientôt à eux le bruit de la voiture heurtant un obstacle, puis. . . le silence. L'obscurité. Jusqu'à ce que j'apercoive une silhouette penchée sur un corps. Les flammes émanant de la voiture en train de brûler me permettent de distinguer des cheveux bruns et une robe sombre. Maman. . . C'est le corps de maman qui gît là. Courbé au-dessus d'elle, un homme aux longs cheveux argentés semble l'observer. Il porte un élégant costume semblant provenir tout droit d'une autre époque. . . On dirait les vêtements que portaient les membres de la noblesse dans l'Europe du XIXe. . .
L'inconnu tourne la tête dans ma direction, révélant un regard plus rouge qu'une braise incandescente ! Je sens tout mon corps trembler, mais suis incapable d'esquisser le moindre mouvement. Il fait un pas dans ma direction, puis recule subitement pour esquiver une balle. Il lance un regard plus haineux et menaçant que tous ceux que j'ai pu voir durant mes treize années d'existence, à tel point que mon coeur manque un battement alors qu'il ne m'est même pas adressé, puis disparaît dans un tourbillon de flammes.
Je reste bouche bée, fixant l'endroit où se tenait l'homme terrifiant une seconde plus tôt. Ai-je rêvé ?
Je n'ai pas le temps de réfléchir plus longtemps. Une femme se penche sur moi pour me demander :
- Est-ce que tout va bien ?
Je me contente de la fixer en silence, toujours sous le choc de tous les événements qui viennent de s'enchaîner. Un homme la rejoint pour lui dire :
- Partons vite, capitaine Gwenn ! Nous ne sommes pas en sûreté ici ! Nous devons absolument rejoindre l'église la plus proche !
Elle acquiesce et ordonne :
- Enzo ! Noëmie ! Je compte sur vous pour me couvrir pendant que je la transporte !
Sur ces mots, elle me prend dans ses bras et emboîte le pas à son subordonné, pendant qu'une jeune femme blonde ferme la marche. Nous passons devant le corps de maman, mais aucun d'entre eux ne lui accorde la moindre attention. Je tends donc mon bras vers elle en tentant de l'appeler :
- M. . . Ma. . . Ma. . .
- C'est fini pour elle, murmure ma sauveuse d'une voix calme, dans laquelle ne transparaît aucune émotion.
Mon coeur se brise à l'entente de ces mot. En m'annonçant la mort de maman, cette inconnue vient de m'annoncer l'écroulement de tout un univers : le mien. Maman est la seule personne que je n'ai jamais aimée. La seule personne sur laquelle je pouvais toujours compter. Elle était tout pour moi, mais elle n'est plus. . . Je sens les larmes monter et enfouis mon visage dans les vêtements de celle qui me porte pour pleurer tout mon soûl.
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