Course-poursuite
Gwenn fronce les sourcils, mais ne prononce pas un mot. En revanche, il lui suffit d'un discret signe de la main à Enzo pour que ce dernier m'attrape par la taille et m'installe sur son véhicule en redémarrant. Le membre de l'ASP qui avait lancé le coup de semonce nous tire dessus, mais la capitaine dévie rapidement la balle en dégainant son épée. Elle enchaîne avec un mouvement sur le côté, que son adversaire parvient à contrer en sortant sa propre arme de son fourreau. Son camarade situé de l'autre côté a moins de chance : distrait par l'enchaînement des événements, il ne fait pas attention à Noëmie qui lui tranche la tête d'un coup de lame.
Bien que je sache qu'elle est une soldate, cette vision me surprend : la violence de son attaque, le regard dur dont elle fait preuve tandis que le sang de son ennemi tâche son visage et ses vêtements contrastent avec l'air angélique que je lui connais.
Les deux femmes profitent du choc de leurs adversaires pour remonter rapidement sur leurs motos et nous rejoindre au moment où nous nous engageons dans un virage. Il me suffit cependant de jeter un coup d'oeil au rétroviseur d'Enzo pour constater qu'ils se sont remis à notre poursuite.
- Que faire, maintenant ? demande le jeune homme à sa supérieure. Ils ne semblent pas décidés à nous lâcher et ont sûrement déjà appelé du renfort.
- L'autoroute s'arrête à Tallard, soit dans trois heures. À partir de là, nous emprunterons une route nationale pour arriver à Gap avant la tombée de la nuit. Ils attendront peut-être que nous arrivons sur cette route montagneuses moins fréquentée pour nous éliminer plus facilement.
- Nous n'aurons plus que dix minutes de trajet à effectuer à partir de Tallard pour arriver jusqu'à Gap, ajoute Noëmie. Nous aurons donc à tenir bon pendant dix minutes si votre déduction est bonne.
- Ça ira, dans ce cas, dit Enzo avec un sourire. Nous en avons vu d'autres !
- Je vous rappelle que ce n'est qu'un raisonnement de ma part, reprend Gwenn. Nous devons donc constamment rester sur nos gardes, car rien ne nous garantit qu'ils n'attaqueront pas avant.
- Oui, capitaine ! s'exclament-ils en choeur.
Mes escortes veillent à ne pas rouler en ligne droite afin d'empêcher nos poursuivants de nous viser si jamais leur prenait l'envie de nous tirer dessus. Je demande à mon conducteur :
- Pourquoi veulent-ils s'emparer de moi ?
- Qui sait ce qui peut bien passer par la tête de ces hérétiques ? Quel que soit leur but, nous ne les laisserons pas entraver le bon déroulement de notre mission.
- Ça ne vous intrigue pas ? m'étonné-je. Pourquoi ne pas leur avoir posé plus de questions ?
- La curiosité est un vilain défaut, me met-il en garde. Notre seul intérêt est d'accomplir notre rôle en ce bas-monde. Le reste nous importe peu.
Je pousse un soupir d'agacement. S'il ne veut pas savoir pourquoi j'intéresse autant ces gens, c'est son souci ! Moi, je veux savoir !
Sur cette pensée, je regarde en direction de ces intriguants adversaires et m'écrie :
- Les renforts sont arrivés ! Les voilà cinq !
- Ne nous laissons pas impressionner par leur nombre ! nous ordonne la capitaine. Dieu est de notre côté et par sa grâce, nous vaincrons !
Ce discours semble rassurer ses subordonnés, mais n'a aucun effet sur moi : je ne crois pas en ce puissant allié. Je ne peux compter que sur leur force et leur expérience pour m'en sortir.
Comme prévu par Gwenn, nos poursuivants ne nous lâchent pas d'une semelle, mais restent pacifiques durant les trois heures suivantes. Ce n'est qu'au moment de quitter l'autoroute pour nous engager sur une route nationale qu'ils se mettent subitement sur notre gauche et commencent à nous coller, nous poussant à nous décaler sur la droite. Seulement, cette route montagneuse est étroite et nous sommes déjà en altitude. En clair, s'ils continuent à nous pousser de la sorte, nous finirons par tomber et la chute promet de n'épargner personne !
- Maudits soient-ils ! s'énerve mon conducteur. Si nous ne nous débarrassons pas rapidement d'eux, ils nous tueront !
Encerclés comme nous le sommes, nous n'avons même pas la possibilité de ralentir ou d'accélérer pour sortir de ce pétrin. C'est alors que le jeune homme me murmure :
- Prends le pistolet accroché à ma ceinture en toute discrétion et tire rapidement sur autant de leurs roues que possible.
Surprise par ses paroles, je cherche son regard, mais suis incapable de le croiser, car il ne se tourne pas vers moi afin de rester concentré sur sa conduite. Je me dis que c'est sans doute aussi pour que nos ennemis ne reportent pas leur attention sur moi en remarquant qu'il me regarde.
Je décide de faire ce qu'il me dit. J'ai toujours détesté recevoir des ordres, mais je n'ai pas d'autre choix si je veux m'en sortir vivante. Je tends donc ma main vers sa ceinture pour attraper l'arme, geste qui n'est pas difficile à dissimuler tant je suis déjà collée à lui pour m'empêcher de tomber. Je fais ensuite un espace entre mon ventre et son dos, juste ce qu'il faut pour glisser le canon du pistolet entre nous. Je vise la roue la plus proche et. . .
Pan ! La roue s'applatit rapidement, faisant perdre de la vitesse à son véhicule, qui cogne le suivant. Les deux engins et leurs cavaliers tombent sur le goudron dans un vacarme de ferraille et de cris mêlés.
Je profite de la distraction causée par cet incident pour enchaîner les tirs sur toutes les autres motos adverses, dont les conducteurs subissent le même sort que leurs camarades, mais ce que nous n'avions pas prévu, c'est que l'un des motards profite de sa proximité pour tourner son guidon dans notre direction avant de perdre totalement le contrôle, heurtant notre moto en direction du vide. . .
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