Exécution du plan

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Vêtus de soutanes noires et de surplis blancs munis de larges capuches, nous quittons la cathédrale en chantant une ultime fois. Enfin. . . ils chantent, car ne connaissant pas les paroles, je me contente d'articuler silencieusement, couverte par les voix douces et angéliques des autres enfants et adolescents. Je suis surprise de constater que même l'homme de notre groupe parvient à adoucir suffisamment sa voix pour passer inaperçu. Je vois du coin de l'oeil nos remplaçants quitter l'édifice par la porte de service. Les trois premiers sont couverts de la tête aux pieds grâce aux capes de l'ASC. Celle qui joue mon rôle, en revanche, bien que mes vêtements soient à sa taille et qu'on lui a bouclé les cheveux, a des tâches de rousseur qu'on a dû recouvrir de maquillage, mais nous n'avons rien pu faire pour ses yeux noisette, qui restent visibles. Elle garde donc la tête baissée pour les cacher.

Ils se dirigent vers le lieu où nous avons garé les deux véhicules. Je les perds donc rapidement de vue, mais entends bientôt des bruits de moteur retentir et un coup d'oeil sur le toit où sont postés trois de nos poursuivants me suffit pour constater qu'ils partent les chercher.

Je continue donc de marcher lentement à la suite du cercueil. Le chant s'arrête quand nous arrivons au cimetière. L'évêque, qui préside lui-même la cérémonie, commence alors un discours sur les mérites du défunt, la mort et l'au-delà.

Nous profitons de ce moment où chacun est concentré sur le discours du religieux ou plongé dans d'émouvants souvenirs pour quitter en silence le dernier rang des enfants de choeur, où nous nous sommes placés volontairement pour cette occasion.

Une fois que nous atteignons l'autre bout du cimetière, nous abandonnons les vêtements rituels entre deux buissons et nous éloignons en courant. Gwenn, qui est naturellement en tête de file, s'arrête un instant pour jeter un coup d'oeil dans la rue, puis nous franchissons ensemble le portail.

Enzo appuie sur le bouton des clés pour déverrouiller à distance la voiture qui a été garée non loin de l'entrée à notre intention et nous nous engouffrons tous dedans. Le jeune homme met le contact et démarre tranquillement pour ne pas attirer l'attention. Gwenn, qui est installée sur le siège passager, approuve son attitude prudente d'un signe de la tête.

Pendant que nous roulons en direction de la sortie de la ville, Noëmie partage son inquiétude :

- Je prie pour qu'ils aillent bien. . .

- Ne t'en fais pas, la rassure sa supérieure. Tant qu'ils restent dans la commune, leurs poursuivants ne devraient pas les attaquer afin d'éviter des victimes collatérales. Ils ont de plus reçu l'ordre de dévoiler leurs visages si jamais ils se sentaient réellement en danger. Quand nos adversaires verront qu'ils ne sont pas nous, ils les laisseront tranquilles pour se remettre à notre recherche. D'ici là, nous aurons déjà quitté Gap.

- Nous devrions récupérer de nouveaux uniformes au premier couvent que nous croiserons pour remplacer ceux que nous avons dû abandonner, dit Enzo.

- Au contraire ! rétorqué-je. Nous sommes bien plus discrets avec des vêtements normaux.

- La petite a raison, confirme Gwenn.

- Je ne suis pas petite ! protesté-je.

- Bien. Nous continuerons donc jusqu'à Rome habillés ainsi, accepte le jeune homme.

Je comprends que son intervention avait pour objectif d'étouffer une potentielle dispute. Je croise donc les bras en soufflant pour afficher ma frustration, observant chacune de mes escortes.

C'est étrange de les voir vêtus autrement que de leurs uniformes. Noëmie, assise à mes côtés, porte désormais des collants blancs, surmontés de bottines brunes et d'une jupe bleue s'arrêtant à ses genoux. Un T-shirt rose à manches longues et un gilet en laine blanche complètent sa nouvelle tenue.

Son camarade est quant à lui habillé d'un jean bleu foncé, d'un sweat à capuche vert et de baskets noires.

Leur supérieure arbore un jean identique à celui de son subordonné, serré à la taille par une ceinture en cuir marron. Un T-shirt rouge au col en V et une longue veste noire couvrent le haut de son corps. Ses pieds sont chaussé de longues bottes sombres.

Quant à moi, j'ai aussi dû changer de vêtements pour pouvoir prêter les miens à ma remplaçante : un T-shirt violet au col rond, un pantalon noir et des chaussures blanches. Ma veste est pour le moment attachée autour de ma taille.

Quatre heures plus tard, nous nous arrêtons à une station-service italienne pour faire le plein et nous reposer. C'est Gwenn qui est au volant à ce moment-là pour respecter les deux heures de conduite maximum avant chaque pause.

Nous descendons de la voiture. La nuit est déjà tombée depuis longtemps. Nous serions dans le noir complet sans l'éclairage de la station et de nos phares. Pendant que la capitaine observe le tableau de bord et que Noëmie inspecte les roues afin de s'assurer que le véhicule est en parfait état, Enzo s'occupe de faire le plein.

Je commence à déambuler sur le parking pour me dégourdir les jambes. Je regarde d'un oeil distrait les autres voitures, les installations, les arbres, le ciel sombre. . . Comment ? Comment vais-je pouvoir retrouver l'assassin de maman et la venger si je ne peux rejoindre l'ASC ? Puis je me souviens des mots de Gwenn : " Tu viens d'échapper à un puissant démon. Si nous voulons être sûrs qu'il ne t'atteigne jamais, nous devons te conduire à Rome."

Ça signifie que cette créature est probablement à mes trousses pour finir le travail. . .

Je souris :

- Espérons qu'il me retrouve bientôt.

- Votre voeu est exaucé, mademoiselle, déclare une voix grave, mais claire et harmonieuse.

Je me retourne en sursaut pour faire face à un homme grand et mince, vêtu d'un élégant costume noir. Il est incliné en signe de respect, l'une de ses mains gantées de blanc posée sur son coeur, mais je devine à son expression amusée que cette posture est ironique. Cependant, ce qui retient par-dessus tout mon attention est sa longue queue de cheval argentée scintillant sous les faibles lueurs environnantes et son regard aussi rouge que le feu. . .

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