Le bien et le mal ne sont que les deux faces d'une même pièce ou le don caché de Noëmie
Maman désinfecte la lentille de contact verte, puis la place sur mon iris. Je cligne plusieurs fois des yeux et demande :
- Maman ? Pourquoi dois-je toujours porter ces lentilles de contact ?
- Pour cacher la véritable couleur de tes yeux.
- Je sais, mais c'est justement ce que je veux savoir : pourquoi dois-je cacher la véritable couleur de mes yeux ? Je la trouve si jolie !
- Moi aussi, ma chérie, mais les humains qui nous entourent sont différents. Ils pourraient te rejeter, te harceler, te persécuter, voir même te tuer juste pour ta différence. Combien de fois l'ont-ils fait par le passé et combien continuent à le faire aujourd'hui ? Porter ces lentilles de contact te garantit une protection contre le mal jusqu'à ce que vienne le moment pour toi d'enfin sortir de l'ombre. . .
Son regard vert semble perdu dans le lointain, comme si elle se remémorait quelque chose d'ancien ou songeait à un futur éloigné.
Je l'interroge encore, intriguée :
- Les humains sont-ils vraiment si méchants que ça ? Ça m'étonne. Nous, nous sommes gentilles et tous nos voisins le sont. Nous n'avons jamais fait de mal à personne et ils ne nous ont jamais fait de mal non plus. En fait, les seuls méchants que je connaisse sont des personnages de fiction.
- C'est parce que tu es encore jeune et protégée de la cruauté du monde, mais un jour, tu ouvriras les yeux. Tu sais. . . Le mal sommeille en chacun d'entre nous. Chaque personne, chaque animal et chaque chose en ce monde a une part de bien et de mal. . . La nature est ainsi faite.
- Il y a du bien et du mal partout ?
Elle acquiesce.
J'ignore pourquoi ce souvenir m'est revenu à un moment pareil, mais il m'ouvre les yeux sur une possibilité. Je prends la main de Noëmie et lui murmure, pendant que les soldats des deux camps continuent de se toiser, réfléchissant sans doute chacun de leur côté à la meilleure chose à faire :
- Sers-toi de ton don pour nous sortir de cette situation. Si les hostilités s'enclanchent, nous ne tiendrons jamais plus de quelques minutes sans renforts.
- J'en ai bien conscience, mais comment mon pouvoir pourrait nous aider ? Il ne peut que soigner les gens, il n'est d'aucune utilité en plein combat.
- Au contraire. Tu pourrais tous les vaincre sans qu'on ait besoin de se battre. Chaque chose en ce monde contient une part de bien et une part de mal. Si la bonne partie de ton don est de soigner les gens, la mauvaise partie consiste certainement à les blesser ou les rendre malades.
- Comment oses-tu penser une chose pareille ? s'énerve-t-elle à voix basse. C'est un don de Dieu.
- Et alors ? N'est-ce pas Dieu qui nous a créés, selon vous ? Il a pourtant mis une part de bien et une part de mal en chaque être humain. Alors pourquoi n'aurait-il pas fait de même pour ton don ?
La jeune femme ne répond rien. Elle semble réfléchir et hésiter.
- Nous n'avons pas beaucoup de temps devant nous, la pressé-je. Le combat peut commencer d'une minute à l'autre et tu es la seule à pouvoir empêcher ça. . .
Elle tourne vers moi ses grands yeux bleus. Ils brillent d'incertitude, d'hésitation et de doutes. Je sens aussi sa main trembler dans la mienne. Je la serre donc un peu plus fort et lui souris avec assurance pour lui redonner confiance.
- Tu peux le faire, Noëmie. Sauve-nous tous. Si tu ne le fais pas pour nous, fais-le pour le bien de ta mission et pour Dieu.
Ces paroles semblent la galvaniser, car elle fronce les sourcils en me souriant à son tour avec assurance et tend sa main en direction de nos adversaires en déclarant d'une voix puissante et déterminée :
- Par la puissance et la grâce du Seigneur. . . Je vous condamne tous à la maladie ! hurle-t-elle.
Sa paume, qui, d'habitude, dégage une lueur verte, brille cette fois-ci d'une vive lueur rouge, qui enveloppe tous les soldats de l'ASM, nous contraignant tous à fermer les yeux pour ne pas finir aveuglés.
Quand je les rouvre enfin, je constate avec stupeur que les six individus sont mal en point : certains sont allongés, d'autre simplement agenouillés. Ils suent abondamment, crachent du sang par moments et se tordent de douleur.
Tous les regards convergent vers Noëmie. Nous l'observons tous les trois avec incrédulité. Ça a vraiment marché ! Ma supposition était juste !
Mon visage s'éclaire d'un sourire triomphant et je me jette au cou de la blonde en m'exclamant :
- Tu as réussi, Noëmie ! Tu nous as tous sauvés ! Félicitations !
Les deux autres n'en reviennent toujours pas.
- Co. . . Comment. . . bégaie Enzo.
- C'est grâce à Jessica. C'est elle qui m'a ouvert les yeux sur les faces cachées de mon don. C'est terrifiant !
- Tu ne dois avoir peur que de Dieu, lui rappelle sa supérieure, qui a profité de ces quelques secondes pour se remettre de sa surprise. Partons vite, maintenant.
- Avec quel véhicule ? demandé-je.
- Celui des soldats de l'ASM, bien sûr. Je doute qu'ils en aient à nouveau besoin, dit-elle en les contournant pour se diriger vers une voiture garée un peu plus loin sur le bord de la route.
C'est alors que je réalise qu'il s'agit de l'exact même engin qui a quitté le parking en même temps que nous, tout à l'heure.
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