Assise en tailleur sur le lit, je mange avec appétit un repas apporté par Luc. Avec tout ce qui s'est passé, je ne me rendais même plus compte d'à quel point j'avais faim ! Ce dernier s'enquiert :

- Tu aimes bien ?

- Oui, répondé-je la bouche la pleine.

- Je l'ai préparé moi-même, m'informe-t-il avec fierté.

Je souris et avale pour lui dire :

- Merci.

- Je t'en prie. Prends ton temps pour finir ton repas. Pendant ce temps, je vais tout de même te demander toute ton attention.

Il se met debout, bien droit face à moi, et se râcle élégamment la gorge, puis déclare :

- Nous commencerons notre voyage pour Paris ce soir. Un camion frigorifique va quitter la capitale dans quelques heures pour transporter des corps de personnes décédées à Rome, mais devant être enterrées à Milan. Cela tombe bien, puisque nous devons justement nous rendre dans cette ville pour prendre l'avion en direction de Paris.

- Euh. . . mais. . . Si le but est simplement de prendre l'avion jusqu'à Paris, pourquoi ne pas le prendre ici à Rome ? Il y en a deux, ici, si je ne me trompe pas. . .

- Je t'ai déjà précisé que les soldats de l'ASC surveillaient toutes les entrées et sorties de la ville. Ils contrôlent aussi certainement les aéroports, mais ils ne pourront pas s'attendre à ce que tu sois hors de Rome s'ils ne t'ont pas vue la quitter. Voilà pourquoi nous pourrons prendre l'avion plus facilement et tranquillement à Milan.

- D'accord, mais quel est le rapport avec le camion frigorifique et ces gens décédés ?

- C'est simple : deux des cercueils vont changer d'occupants.

- Hein ? Tu veux dire qu'on va se glisser dans deux des cercueils à la place de deux défunts ? m'étonné-je.

- Oui.

- C'est glauque. . . remarqué-je.

- Parfaitement et je n'ai pas l'intention de te contredire sur ce point, mais nous n'avons pas d'autre choix. Ils ne s'attendront certainement pas à ce que l'on effectue un plan pareil. Nous pourrons donc tranquillement quitter la ville, ni vus, ni connus.

- Enfin, ils se rendront certainement compte de quelque chose en retrouvant les corps que nous aurons remplacés.

- Ne t'en fais. Je m'assurerai qu'ils ne les retrouvent jamais.

- Et quand les corps vont manquer à l'appel à leurs enterrements respectifs ?

- Le temps qu'ils s'en rendent compte, nous serons déjà montés dans l'avion. Ils ne pourront pas nous rattraper. Pas à temps, en tout cas. . .

- Bon. . . Tu as l'air sûr de ton plan. . . Je te suis.

- Avoue que tu as hâte de te glisser dans un cercueil pour un petit somme de quelques heures, me lance-t-il avec un clin d'oeil taquin.

- Ha ha ha ! Je ne vais pas passer à côté d'une expérience aussi unique, dis-je en lui rendant son clin d'oeil.

Cet homme m'amuse et me traite avec douceur et bienveillance depuis mon réveil, mais je ne lui fais pas encore totalement confiance pour autant. Je ne veux pas refaire la même erreur. . . Je ne le suis que parce que je n'ai pas d'autre choix pour échapper aux membres de l'ASC et retrouver papa. Une fois que je serai enfin en sécurité à ses côtés, je réfléchirais à un moyen de venger maman. Je me souviens de la promesse que m'a faite Gwenn d'accomplir ma vengeance pour moi et fronce les sourcils. Il est hors de question qu'une femme qui m'a trahie sans hésitation accomplisse cette mission sacrée à ma place ! Je vengerai maman !

Luc remarque mon expression contrariée, car il me demande :

- Est-ce que ça va ?

- Les seules personnes en qui j'ai placé ma confiance en dehors de mes parents m'ont trahie, lui expliqué-je en secouant la tête. Je ne sais même pas pourquoi ils veulent ma mort et n'ai toujours pas réussi à venger le meurtre de. . .

Ma voix se brise. Je me rends compte que plus rien ne va, dans ma vie. En quelques jours seulement, je suis tombée au plus bas et j'ignore pourquoi. Les larmes remontent. L'homme s'assied à côté de moi sur le lit pour passer un bras autour de mes épaules en me promettant :

- Ça va aller. Tu n'es plus seule. Je suis là pour t'aider.

Certes, mais puis-je vraiment lui faire confiance ?