Conte du soir
Les vacances d'été touchaient à leur fin et la famille Pond résidait pour cette dernière semaine d'août dans une thalasso d'Hampton Road, où l'air lourd et moite annonçait une nuit d'orage. Confortablement installés au cœur du salon, les parents Pond terminaient leurs infusions subtilement sucrées et mentholées tout en achevant leurs lectures estivales. A l'étage, dans l'une des chambres, sous les draps de lit montés en château, Jimmy et Helen, les enfants Pond, se préparaient à leur dernière nuit d'aventure. Le soleil couchant envoyait sa lumière orangée raser les murs pour en chasser les mauvais esprits et emplir l'espace de cette magie que seuls les enfants peuvent percevoir.
C'était au tour du jeune brun de raconter une histoire vraie sur l'un des endroits visités de la journée. Attaquant un paquet de pop-corn sucré-salé de chez Joe&Sephs, la cadette aux nattes blondes ramena ses genoux sous son menton et fit craquer le premier grain de maïs soufflé sous ses petites dents alors que son frère allumait la lampe torche. Braquée sous son menton, l'éclairage lui donnait un air sinistre et Jimmy fixait alors sa sœur d'un sourire anxiogène.
- Je vais te raconter la véritable histoire de cet endroit. Il y a 15 ans, ici, c'était une thalasso. Tous les couples venaient pour se reposer et se ressourcer. Les enfants étaient interdits. Un jour, alors que Virginia, la propriétaire des lieux, se baignait avec une jeune femme dont elle était devenue amie, le mari de cette femme les rejoignit au bord de la piscine pour la première fois. Mais lorsque James, jeune homme élégant et sportif, mais avec pour défaut de vouloir séduire toutes les femmes, croisa le regard de Virginia, il comprit que la propriétaire était intéressée par lui, et réciproquement. Alors, par un soir d'orage où le vent hurlait entre les arbres qui gémissaient en se pliants et où l'eau de la piscine tourbillonnait sous l'effet des bourrasques, ils se rejoignirent en secret et décidèrent de s'enfuir. Mais la femme de James avait le sommeil léger et elle entendit partir son mari. D'abord inquiète, elle comprit rapidement ce qu'il se tramait en les voyant s'embrasser puis courir et disparaitre dans le noir. Elle entra alors dans une colère noire, s'empara d'un long couteau effilé et les poursuivit dans la nuit sombre et froide. La voix de Jimmy s'était amenuisée, rapprochant la lampe sous ses yeux. Articulant au maximum et prenant un air cruel, il éleva la voix soudainement en accélérant son récit.
- Le visage déformé par la colère et ses cheveux bouclés et hérissés telle Médusa, elle rattrapa Virginia et la tua d'un coup de couteau dans le dos avant de jeter le corps sanguinolant dans le fleuve. James connu le même sort mais pour ne pas éveiller les soupçons... elle jeta son cadavre dans l'autre fleuve, en prenant soin de le découper en tous petits morceaux et en le maudissant. Prenant un popcorn, Jimmy l'émietta devant le regard terrifié de sa sœur.
- Depuis, les cours d'eau portent les noms de ces deux amants. Quant à la femme qui les a tués, elle n'accepte plus les couples seuls et tente de séduire les hommes et les femmes de passage. Et si jamais une personne d'un couple succombe, alors elle les poursuit dans la nuit et les tue d'un coup de couteau avant de les jeter dans les fleuves pour nourrir les poissons !
En achevant ses paroles, il fit éclater le sachet de sa barre de céréales à la noix de coco, faisant alors sursauter et crier sa petite sœur. Riant, il lui en tendit un bout avec la bouteille d'infusion des sortilèges qu'il avait préparé. Encore fébrile, la jeune sœur la but d'un trait avant de retrouver quelques couleurs, ce qui eut pour effet de ramener son rythme cardiaque à la normale.
Un sourire tendre plus tard, le plus âgé des deux bordait sa sœur et sortit pour rejoindre sa chambre, surprenant alors la voix de la propriétaire. S'accroupissant entre les barreaux de l'escalier, Jimmy se figea en voyant son père faire un clin d'œil et un grand à la femme aux cheveux bouclés. Un frisson glacé le parcouru lorsque du coin de l'œil, il jura de voir le reflet d'une lame dans la main de la propriétaire et les cheveux de celle-ci se mettre à bouger tous seuls. Dehors, le tonnerre retentit et l'orage prenait place.
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