Épilogue
Lydia
Six mois. Cela fait six mois que j’ai quitté ma ville pour une fac à plus de trois cent kilomètres. Pour l’oublier. Ou au moins essayer… Ma vie ces dernières années a été… tellement… mouvementée… tellement riche ! L’arrivée de Rey, de ce magnifique brun aux mauvaises manières… Moi, j’étais la petite fille de bonne famille au parcours irréprochable… Je ne rêvais que d’emmerder mes parents, sans savoir comment faire… Je me suis donc lancée à l’assaut de la montagne hivernale dénommée Rey Renaud.
Je me suis faite jeter direct : il refusait tout copinage. De plus, j’ai su qu’il avait plongé dans un monde de violence, mêlant drogue, bagarre et visite à la gendarmerie… Il paraissait en colère continuellement. Mais… Je n’ai pas abandonné. Je détestais perdre. Et… J’ai réussi. Après plus d’un an de persévérance. J’avais réussi à percer la carapace de Rey : j’en étais si fière et si heureuse. J’étais la première et la seule à qui il parlait. Ses mots, sa voix, son sourire n'appartenaient qu’à moi.
Puis… il est arrivé. Tristan. Son petit lion.
Dès le premier jour… Il me l’avait pris. Rey a alors commencé à changer… Ce que j’ai pu détester Trist ! Alors que je ne le connaissais même pas. Lorsque je l’ai vu pour la première fois, quel n’a pas été le choc ! Il paraissait si fragile, si faible qu’il était impossible de le haïr. Un petit chat blessé. Pourtant, j’ai essayé de le mépriser. Mais non. Impossible. Et puis, j’ai appris à le connaître et j’ai réalisé… qu’il était vraiment adorable.
Lorsque nous nous sommes lancés ce pari, je le savais perdu d’avance. Les yeux et les réactions de Rey parlaient pour lui : sa façon de le couvrir, de vouloir le protéger… Tout était significatif pour moi, même si je ne voulais pas l'admettre presque autant que lui. Il s’est volontairement voilé la face et j’espérais toujours. Tout s’est effondré lorsque Trist a disparu, je… j’ai bien été obligée de lui ouvrir les yeux même si le voir réaliser ses sentiments m’a terriblement fait souffrir en retour.
Durant les six mois sans son petit lion, Bibou a été complètement amorphe, totalement déprimé. J’ai bien essayé de le dérider, de lui rendre le sourire par tous les moyens possibles. Peine perdue. J’ai presque failli abandonner, ne réussissant même pas à lui arracher ne serait-ce qu’une mimique.
Puis, il y a eu cet appel : Tristan avait été retrouvé et… Rey, instantanément le sourire. L’espoir. Je me suis donc résignée. Je ne vais pas mentir… j’ai bien réessayer de le séduire à nouveau, de le détourner de Tristan mais… il n’y avait rien à faire. Mon Rey, mon Bibou était amoureux de quelqu’un d’autre… et je ne suis pas à sa hauteur.
Si personnellement je le connaissais depuis plus de cinq ans, je ne savais rien de sa vie. Et Trist, à peine arrivé, a réussi en à peine un mois là où j’ai galéré durant des années. Rey s’est tout de suite confié à lui : ses peurs, ses souffrances, son passé…
Et quel passé ! Seigneur ! J’avais bien compris qu’il n’avait pas été tout rose mais de là à entendre toutes ces abominations ! Le procès d’Albi a été… d’une incroyable horreur. J’ai enfin pu savoir les raisons de sa colère contre le monde entier. Tristan n’a pas flanché une seule fois. Il a été son roc dans la tempête. Jamais. Jamais je n’aurais été capable de le soutenir ainsi. Je… Je me suis moi-même effondrée… Incapable d’entendre tout ça. Et Trist a été là. Du début à la fin…
Aujourd’hui… Je vois. Je vois ce qui l’a attiré vers Trist. Sous ces airs d’ange déchu, d’ange abattu, il a une force incroyable. Un tempérament de feu. Pour moi… il ressemble à une de ces roches volcaniques perdues au milieu de l’océan que même la grande bleue ne peut éroder.
À côté de lui… je ne suis qu’une petite chose fragile. Beaucoup trop gâté par la vie. Et Bibou avait besoin de quelqu’un qui le soutienne. Qui le porte. Pas d’une personne à dorloter comme je le pensais…
Je reviens donc dans ma ville natale. Et nous nous sommes donnés rendez-vous dans ce fameux glacier. Il a vraiment une signification particulière. J’ai une rivière de chocolat devant moi - moi qui adore ça - et je n’arrive même pas à y toucher tellement j’ai le trac. Le trac… Ça me parait tellement idiot. Ça va faire six mois. Six mois que je ne les ai pas vu. Même en facetime.
Les voilà. Je les ai sentis avant même de les avoir vus. Whaou. Ils dégagent comme une sorte d’énergie. Lorsque j’ai levé les yeux, j’étais… subjuguée. Là où Rey est tout en muscle, en assurance, un peu ténébreux, Tristan est plus fin, plus tressé, un peu effacé mais tellement lumineux. Ils se tiennent la main, les doigts entrelacés, montrant aux yeux du monde entier qu’ils sont ensemble.
- Nous n’avons pas l’intention de nous cacher, m’a dit un jour Trist.
Je constate - amèrement ? - que c’est effectivement le cas. Rey a les cheveux plus longs, toujours striés de rouge, et Tristan les as coupé : ils lui arrivent à peine au-dessus des oreilles, avec une frange sur ses yeux noisettes. Ils sont beaux. Mais vraiment beaux.
C’est presque du gachi…
La plupart des regards féminins se sont levés sur leur passage mais ils s’en foutent royalement : ils n’ont d'yeux que pour l’un, l’autre. Y’en a même une qui tente sa chance avec Trist : ce dernier la rembarre gentiment, pendant que le visage de Rey se ferme.
Toujours aussi jaloux à ce que je vois…
- Salut, bel ange roux.
Sa voix me fait sursauter. Douce, chaleureuse, pleine d’assurance.
- Bel ange roux… Attention, je pourrais me sentir flattée… lui sussurais-je, un brin provocatrice. Bonjour, bel apollon…
Le regard de Rey s’enflamme pendant que Trist et moi partons dans un fou rire. Trist le regarde, dans un moment où je me sens exclue comme si une bulle s'était formée autour d’eux que personne ne peut éclater. Ses yeux sont la douceur incarnée : il agrippe Rey par le cou et l’embrasse passionnément malgré toutes les personnes présentes dans ce centre commercial.
Whaou.
- Mon cœur n’appartient qu’à toi et à toi seul, tu le sais ça non ?
- Mmmh… Je le sais mais…
- Tu es jaloux !! s’écrit-on en cœur.
Je ne ressens plus rien pour lui.
Telle a été ma pensée en cet instant T. C’est une révélation. Je suis soulagée et en même temps un peu nostalgique. J’ai été amoureuse de Rey durant presque cinq ans… Même si aujourd’hui, j’ai réussi à accepter qu’il appartienne à un autre, mon coeur saigne quand même un peu. Mais… Je suis heureuse pour lui. Il le mérite.
Nous éclatons de rire devant un Rey aux joues légèrement rougies et un peu gêné. Trist prend une chaise pendant que je vais chercher un menu pour eux deux. Lorsque je reviens, je les entends…
- Tu as mal ? demande Rey, une pointe d’inquiétude dans la voix.
- Ça peut aller… Faut dire que tu n’es pas allé de main morte hier soir !
Je sens le rouge me monter aux joues.
Il parle… de sexe ?
Je m’assois, faisant mine de rien, les yeux baissés. Soudain, je perçois comme… des rires moqueurs. Je lève la tête : ils sont là, me regardant, un demi sourire aux lèvres. Rey n’en peut plus et se met la main devant la bouche. C’est contagieux… Je ne peux m’empêcher de pouffer. Puis nous lâchons tout. Nous en pleurons même.
- Dit donc, soeurette… marmonne Trist, une fois la crise passée.
Soeurette ?!
- Tu ne croyais tout de même pas que nous parlions de… sexe ? poursuit-il.
- Disons que c’était… très suggestif ! répliquai-je, au bord de reprendre ma crise de fou rire.
- Désolé de te décevoir mais… je parlais de ma charge aux squats d’hier soir ! Je t'avais dit que je ne me cacherai pas mais quand même !
- Quoique… murmure Rey, si bas que je doute d’avoir entendu.
Ah non… j'ai bien entendu !
Trist lui donne un coup de coude dans les côtes avant de rougir violemment. Il est vraiment trop beau !
- Alors ? La fac ? me demande Bibou.
Je leur raconte mes déboires… Le premier jour quand je me suis perdue… La chambre que je partage avec une gothique vraiment extravagante… Mes profs… Les amphithéâtres énormes… La bibliothèque… Mes peurs de rentrer seule la nuit… Mes craintes de l’échec…
- La fac est mal fréquentée ? s’inquiète Tristan.
- Pas spécialement mais il y a quand même des crétins partout…
- Au moindre souci, appelle-nous soeurette. N’hésite surtout pas !
- Je ne te savais pas si protecteur !
- Si tu savais ! se plaint alors Bibou.
Tristan le frappe avant de me sourit tendrement. J’apprends que finalement les Renaud ne l’ont pas adopté : il s’est tout simplement émancipé. Vu qu’il n’a plus de parents proches, donc de responsable légal, c’était la solution la plus adaptée si sa relation avec Rey est considérée. Ce dernier s’excuse pour aller aux toilettes.
- Alors ? me demande Trist, une fois Bibou hors de portée.
- Alors quoi ? répliquai-je, malicieuse.
Il rit.
- Si tu veux savoir si j’ai encore des sentiments pour lui… Rassure-toi. C’est terminé. J’en ai eu la confirmation… avouais-je en regardant ma montre, il y a deux heures !
- Vraiment ?
- Son regard est doux et réellement teinté d’inquiétude. C’est vraiment trop adorable : il veut ménager mes sentiments… Lui. Mon rival. Enfin… Ancien rival.
- Oui. Vraiment. Je suis enfin guérie !
- Je… Je suis rassuré.
- Rassuré ?
- J’avais réellement peur de te blesser à nouveau, tu sais…
- Ne t’inquiète pas… Petit frère… Rey est tout à toi… Je dois d’ailleurs t’avouer que j’ai quelqu’un dans le collimateur…
- Qui est dans ton collimateur ? m’interrompt Bibou.
- Un pauvre malheureux…
Je le frappe à l’épaule et Tristan fait mine d’avoir mal…
L’après-midi passe à une vitesse incroyable. Nous l’avons passé à parler, rire, se rappeler… Il est déjà l’heure de se quitter. Je repars vers ma fac, le coeur léger et en même temps un peu lourd. On s’est promis de se revoir bientôt…
Bientôt… Tout un concept ma foi… Cinq années sont passées. Cinq ans sans que nous ayons pu nous revoir. Bien sûr nous avons gardé le contact, s’appelant régulièrement… Mes études et mes différents stages m’ont permis de voyager et de voir du monde. Aujourd’hui… Je rentre au pays. Je reviens dans ma ville. Et je vais leur faire la surprise.
Ma m’a appris qu’ils avaient emménagé ensemble dans un petit appartement en ville. Tristan a obtenu son diplôme et travaille en collaboration avec Hannah pendant que Rey est resté avec Mme Villepin. Cette dernière prévoit même de laisser son entreprise à Bibou, vu qu’elle est proche de la retraite. Tout se passe au mieux pour eux.
Et pour moi aussi. J’ai une grande nouvelle à leur annoncer !
Ma m’a prêté le double de leurs clés. J’entre et j’ai comme l’impression d’être une voleuse… Je rigole doucement et me mets aux fourneaux, histoire de parachever ma surprise. Avec le temps, je suis devenue bonne cuisinière…
J’entends sa moto…
Quelques secondes plus tard, le pêne de la serrure s’enclenche. Tristan entre en premier et ouvre grand les yeux.
Mon dieu…
Il est beau à en couper le souffle : la musculation lui réussit bien. Ses yeux noisettes sont toujours aussi doux et prévenants. Il ouvre grand ses bras et je cours m’y plonger.
Mon dieu que ça fait du bien !
Je me serre un peu plus contre lui histoire de cacher…
- Soeurette ? Mais qu’est-ce que tu fais là ?
- Liliou ? fait Rey, Liliou… Je… mais qu’est-ce que c’est que ça ?
Ils ont parlé en même temps. C’est vrai que la dernière fois que je les ai eu au téléphone je me trouvais de l’autre côté de l’océan. Je me recule un pour qu’ils puissent me voir en entier.
- Mon cher… Ça s’appelle une grossesse !
- Un bébé ? Soeurette ? Tu vas être maman ? Mais… C’est génial !
L’enthousiasme de Tristan me fait chaud au cœur. Et voilà que l’interrogatoire commence. Qui est le père ? Où est-il ? Sera-t-il présent pour le bébé… ou sinon… La menace est à peine cachée… Je ne sais lequel des deux Lucas doit avoir le plus peur… Si je suis là aujourd’hui c’est surtout pour les préparer à rencontrer mon copain, le père de mon enfant : je les connais, ils sont très protecteurs envers moi.
Je leur raconte tout : comment nous nous sommes rencontrés, l’évolution de notre relation qui est passée d’une amitié profonde à un amour tendre et partagé. Et enfin… la prochaine venue de ma princesse. Lucas doit bientôt me rejoindre : dès que sa thèse sera validée, il sautera dans le premier avion.
- Et puis… Je suis revenue pour une chose… Une demande un peu spéciale…
Rey… Trist… Je… J’aurai quelque chose à vous demander…
- Nous t’écoutons…
- Vous savez qu’avec ma famille, les liens se sont distendus… Surtout à cause de toi Rey ! - il me regarde alors d’un air penaud avant de me tirer la langue - Dites… Vous voulez bien… être les parrains de ma fille ? Je sais qu’avec vous… elle sera doublement en sécurité ! Et triplement chouchoutée d’ailleurs…
Je les regarde : ils sont sincèrement surpris de ma requête mais un sourire doux se dessine sur leurs visages.
- Mmmmh… À une condition… marmonne Trist.
- Laquelle ? fais-je, dubitative.
- Que tu sois… mon témoin, fait-il, une lueur de malice dans ses prunelles noisette fixées sur Rey.
Ses yeux s’arrondissent. Je peux lire tous les sentiments qui y défilent : surprise, joie puis euphorie. Je suis moi-même heureuse d’assister à cette scène.
- Tu acceptes ? Enfin ?
- Oui, mon démon angélique. J’accepte. Je te dis oui.
Ils vont se marier !
Rey soulève Trist dans ses bras avant de l’embrasser fougueusement. Je me racle la gorge exagérément pour leur rappeler ma présence. Ils s’éloignent l’un de l’autre, les joues rougies, et Rey sort de sa poche un petit écrin contenant un anneau de platine, qu’il passe à l’annulaire gauche de Trist.
Mon petit chat est tout fier et vient poser sa main sur mon ventre arrondi.
- Nous attendrons ta venue ma petite princesse… Dépêche-toi ! murmure-t-il.
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