Suis-je seulement?
Je suis. Au-delà de vos sens, je suis. Je me sens être même lorsque vous fermez les yeux. Je me sens être même lorsque tous vos sens s’effacent pour faire place au Grand Rien. Je suis, car j’existe, indépendamment de vous.
Mais est-ce exact ?
Je ferme les yeux et vous disparaissez. Je les réouvre, vous êtes là. Êtes-vous seulement toujours les mêmes ? Vous semblez être les mêmes. Et pourtant vous êtes plus vieux. D’un battement de paupière plus vieux. Vous êtes donc différents, plus ceux que vous étiez plus tôt et pas encore ceux que vous serez bientôt. Voilà, ceux-là. Vous sentez-vous avoir vieilli cette fois ?
Et vous qui clignez des yeux en me regardant, me voyez-vous disparaître ? Me voyez-vous m’effacer de vos consciences pour ressusciter l’instant d’après ? Je ne souffre pas pourtant. Et cependant je n’ai plus été, n’est-ce pas ? Le temps de vos propres battements de paupières, j’ai disparu. Et me revoilà, vieilli d’un instant. Toujours moi, et néanmoins plus moi.
Est-ce cela, le fait d’être ? Une succession sans fin de morts et de renaissances dans le regard du monde ?
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