Hors des sentiers battus 8/
Il attendit. À elle de se prononcer.De son côté, il profita de ce laps de temps pour estimer les avantages et inconvénients à abandonner sa noble famille. Les avantages sociaux lui manqueraient, à n'en pas douter et cela lui ôterait l'unique prestige dont il bénéficiat jusque-là. Mais il y gagnerait une liberté certaine, dans ses actions et ses pensées.
Concentré, il ne comprit pas pourquoi l'ambiance dans la chambre changea si brusquement. Sans qu'il ne le voie venir, il surprit Bathilde émue aux larmes qui balbutia enfin :
- 'fin merde... fais pas ça...
- Pourquoi tu pleures ?
Elle rougit, ses yeux rosirent et elle renifla longuement, laissant deviner toute la morve accumulée. Incertain sur ce qu'il devait faire, l'Allumé se leva avec hésitation, et l'approcha avec douceur jusqu'à se mettre à genou devant elle, sans oser faire plus. D'un côté, son instinct lui hurlait de la prendre dans ses bras. Sa mémoire le clouait au sol, lui martelant qu'elle n'appréciait aucun contact. Comment était-il censé la rassurer sans l'enlacer ? Que lui dire ?
Un hoquet la prit. Son futur conjoint céda à l'impulsion de lui poser la main sur le genou. Bathilde hoqueta de plus belle, renifla encore, se vouta. N'y tenant plus, Adelin se redressa et l'enlaça pour de bon. Ceci dut aider son aimée, elle calma sa respiration.
- 'tain... j'crois... j'crois b'en qu't'es l'premier... qu'est honnête et vraiment amoureux...
- ... Je ne saurais te dire. Mais oui, je suis honnête avec toi. Parce que je t'aime.
La voir pleurer de plus belle le rendit perplexe, aussi dans le doute raffermit-il sa prise. Ils restèrent ainsi un temps indéfinissable, et Adelin ne saisit pas aussitôt que, pour la première fois... il prenait la femme de son cœur dans ses bras. Ce constat le combla de joie, assez pour s'imaginer le monde illuminé de feu qu'ils pourraient admirer depuis la fenêtre. Cela suffit même, pendant un temps, à lui faire oublier la détresse de son aimée.
Tous deux frémirent quand quelqu'un entra dans la masure. En un rien de temps, Bathilde geignit :
- Thomas...
Pendant un temps fugace, le besoin de lui embrasser le cou fut viscéral. Mais la crainte de la réaction de Thomas, malgré leurs accords de non-agression lui passa l'envie. Au moment où il voulut la libérer de son étreinte et reprendre sa place habituelle, la chaleur d'une main le figea. Trop de bonheur, cela le tétanisait, attisait son envie de feu.
Thomas frappa à la porte de la chambre et attendit un peu, avant d'ouvrir avec inquiétude. La scène le statufia. Adelin le scruta avec une angoisse exponentielle, tandis que le sens de la scène imprégnait l'esprit de Brise-Mains.
- Qu-qu-qu...
Le couple se sépara, et tous deux lui laissèrent le temps de parler.
- Qu'est-ce qu-qu-qui se... se... se p... pa... paaasse ?
- Je crains que ta cousine n'aie pas l'habitude des hommes sincères.
Ladite cousine acquiesça.
- Je te détaille ça ce soir... gémit-elle avant de renifler.
L'offre acceptée en silence, Adelin prit congé. Ce n'est qu'une fois en vue de son domaine, qu'il songea qu'elle ne lui avait pas répondu. Dans un soupir, il digéra ce flou, et se força à se concentrer sur le lendemain. Un nouveau début de semaine, des journées presque complètes et déjà plusieurs clients fidélisés, même si la plupart venaient bénéficier du conseil gratuit. À terme, il ne doutait pas de les convaincre de quêter des informations plus poussées, et par extension payantes. Le jour où ils se rendraient compte que cette dépense constituerait un investissement sûr, ses propres revenus deviendraient confortables et quitter la noblesse constituerait une action moins risquée pour sa carrière.
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