Got My Mind Set On You

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28 Novembre, 22h02

Une bruine britannique enrobe un hôtel de standing, près de la gare de l'Est. Saison maussade, météo maussade, quartier maussade. Seule la lumière issue du rez-de-chaussée de l'établissement égaye l'endroit, et encore le terme est-il flatteur. La bâtiment détonne, au milieu des rues moroses et sales qui l'enserrent. La métaphore de la fleur croissant sur un tas de fumier, chère aux romanciers du XIXe, est plus que jamais d'actualité.

Un homme, en blazer gris, un parapluie pendu à son avant-bras, est accoudé au comptoir ébène et s'entretient avec le réceptionniste. L'employé a tiqué en découvrant le passeport du client. Ensuite, il a souri, a fait abstraction de la réserve exigible dans le cadre de sa profession pour lui demander :

— George Harrison. C'est votre vrai nom ou c'est un pseudo ?

L'homme ne se formalise pas.

— Mon vrai nom ; j'ai l'habitude qu'on me fasse la remarque.

— C'est une très belle homonymie, en tous cas.

— Je ne vous le fais pas dire.

Le préposé fait défiler la liste des réservations, relève la tête, aimable.

— Voici votre carte, Mr Harrison, la 201.

George enregistre avec satisfaction la désignation de Mister, salue son interlocuteur, avant de se diriger vers l'ascenseur, devant lequel un garçon d'étage fait le pied de grue.

Chambre 202.

On s'active dans la salle d'eau.

A bout de deux minutes, une silhouette pointue s'en extrait. Le poncho noir rejoint le lit. Une mallette est déposée sur la couette. À l'intérieur : un médiator de guitare, un billet d'avion pour Liverpool, et le disque vynil d'"Abbey road". Le capuchon examine une dernière fois la pochette : quatre-vingts ans (1) que George marche sur ce passage protégé avec ses trois camarades et il n'a toujours pas réussi à finir de traverser la route. Eh bien, c'est pour ce soir.

Le groom vient d'accompagner son client à la 201 et de lui ouvrir la porte. On peut juger de l'épaisseur du pourboire à la sonorité criarde du remerciement. L'huis se referme sur Mister Harrison.

Au loin, on entend le mugissement d'une voiture de police . Un gyrophare bleu illumine le décor de son intensité crue, projetant sur les murs des ombres fantasmagoriques et changeantes. La vocifération de la sirène se propage, glisse dans l'artère. Le GPS annonce l'hôtel à mille sept cent mètres. Le véhicule bicolore dérape, fait crisser ses pneus.

Angel enfile ses gants, se met à siffloter "My sweet Lord"...


                                                                                 FIN



(1) L'action du "Palais des souvenirs" se situe autour des années 2050

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