Vertikal[1][2] { The sweep }
<R3T> Nihiline commence à faiblir. Ou plutôt c’est l’armure qui faiblit, les rouages font un sale bruit. Le golem a du mal à suivre le rythme que Nihl lui impose, sa course se fait plus saccadée, il dévie. Il faut qu’on se pose quelque part, et vite. Je sens l’éther s’échauffer sous sa carcasse, les articulations fument et les mécaniques protestent de plus en plus. Tiens encore quelques mètres mon gros, la tempête devrait bientôt...
La tempête s’est arrêtée. D’un seul coup, comme ça, plus une brise, plus rien. Les nuages de poussière se sont tous dissipés. Il y a eu un dernier frémissement puis le sol est redevenu totalement immobile. Ne reste que les pas de notre Kabuto. Ses sons résonnent contre les murs, explosent le silence. Ses pieds dérapent sur quelques mètres avant de stopper complètement.
— Pourquoi tu t’arrêtes ?
— Je ne sais pas trop… J’ai l’impression de déranger, de faire trop de bruit.
— Sérieux ?
Douce et timide Nihiline, la seule chose que tu pourras déranger ici ce sont les grains de sable. Mais je la comprends, j’ai l’impression que le moindre de mes gestes déclenche un vacarme épouvantable. J’essaie de calmer mon cœur, trop bruyant lui aussi. L’air est lourd, désagréable. Un frisson me remonte l’échine. C’est mes mains qui tremblent comme ça ? Pas seulement, c’est l’armure tout entière, elle non plus n’est pas rassurée. Quelque chose arrive, quelque chose de hargneux. Je le sens dans mes os, ça va cogner sévère.
La princesse s’est enfin redressée dans la paume d’acier. Les mains tendues devant elle, elle murmure quelque chose que je n’entends pas. Aussitôt, de très légères vagues d’éther émanent du bout de ses doigts, à peine perceptibles, elles se précipitent dans le tunnel et rebondissent contre les parois.
— On ne peut pas s’arrêter ici, j’ai détecté un resouffle qui arrive sur nous, il faut qu’on s’en aille !
En entendant ce mot, je sens l’éther faire un sursaut dans l’armure. Un resouffle, Nihiline sait ce que ça signifie : on est mal, très mal.
— Nihl, prépare-toi à encaisser !
Le golem acquiesce, Sara s’énerve.
— Tu veux bloquer un resouffle ? Avec cette carcasse ?
La douleur lui fronce les sourcils, fait goutter la sueur sur son front. D’une main tremblante, elle essuie le sang qui lui coule dans l’œil. J’en profite pour placer mes quelques mots.
— Avec le Kabuto dans cette condition, on ne pourra jamais distancer un resouffle. Autant se préparer à encaisser sec dès maintenant, ici, plutôt que de se laisser découper là-bas.
— Tu es…
Je n’entends pas la suite, elle s’est effondrée dans la paume du géant. Elle est en plus mauvais état que ce que je pensais. Je ne comprends toujours pas comment elle n’a pas senti que ça allait gicler aussi sévère si près du soufflant. Elle m’avait dit qu’elle maîtrisait, qu’elle avait calculé le coup, qu’elle savait. Ça je suis prête à l’admettre, pour ce qui est de savoir, elle est plutôt douée. Mais pour ce qui est de sentir, là par contre. Le nez collé dans ses tableaux, elle en oublie de vraiment regarder. Elle n’a pas vu que le défèr-lent n’à pas trop aimé se faire caler dans des cases trop petites pour lui.
— Princesse, t’as essayé un truc et tu t’es loupée. Alors, laisse tomber ! Maintenant, ferme les yeux et serre les dents. On s’en occupe, et on le fait à ma manière. Nihl, ukegan !
— Ukegan ? En français, ça veut dire quoi ? Quelque chose du genre « on s’en va », c’est bien ça ?
Avec un grincement, les jambes en acier du géant se plantent au sol. Des roues crantées font sortir de leurs gaines d’épaisses barres en métal qui viennent bloquer les articulations de la machine. Le Kabuto se prépare à encaisser.
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