Écorchés
Fini de jouer pour cette femme.... L'heure est proche. Elle suit le fleuve, perdue, comme une ombre dépourvue de toute énergie, de toute volonté. Le vermeil du ciel reflète fièrement ses motifs sur l'onde. Pourquoi cette scène n'émeut-elle en rien cette triste personne ? Elle reste indifférente, et les gouttent cessent doucement de perler sous ses yeux. Sous cette détresse se terre une colère noire...
Comment ? Pourquoi ? Toutes ces questions l'empêchent de reprendre ses moyens. Le crime odieux de cet homme n'est rien de moins qu'une ignominie pour elle. Elle s'immobilise quelques secondes, puis se tourne vers les demeures qui longent le fleuve. L'une d'entre elles interrompt ses réflexions. Une modeste propriété, munie d'un coin de verdure, peu entretenu. Les fleurs sont brûlées, plus rien ne semble pouvoir pousser. Un sourire se forme chez l'inconnue. Elle se remémore leur vie, celle qu'ils vécurent ensemble. Les rires de leurs fils, les mélodies des rossignols, l'odeur du grill... Un bonheur que l'on ne se figure qu'en utopie, qu'en idylle. Et ce bonheur n'est plus de ce monde.
Une nuit de trop. Une nuit, entre un homme et une femme. Entre son homme et cette femme. Un pilier, un héros, un rêve. Une confidente, une meilleure, une sœur. Et tous les deux...
Cette tromperie perfide... Elle voulut vérifier cette vérité une dernière fois. Et ce fut confirmé. Dit de leurs bouches. En cette soirée d'été... Une femme généreuse vit rouge. Une colère profonde, violente, destructrice... Et irrépressible.
Un bruit strident interrompt ces souvenirs récents. Très récents, même. De quelques heures, pour être honnête. Ce genre de précision n'importe plus. Plus rien n'importe pour elle. Le bruit s'intensifie, elle comprend vite pourquoi. Juste un sourire, plus prononcé, les yeux rivés vers les murs de cette demeure. Leçon méritée pour eux, et retenue. Elle en est sûre. De nouvelles gouttes perlent sous ses yeux éreintés, puis coulent lentement. Tout est dit... Tout est fini.
Une courte conclusion s'impose. Ils l'ont trompée, ils l'ont blessée, ils lui ont brisé le cœur. Piétiné, découpé, incinéré... Ils méritent de subir le même sort, non ? Elle s'en est occupée.
Elle se remémore leurs têtes. Leur effroi. Leurs cris. Un opinel énorme et orné, qui incise d'un simple geste. Il est entré en eux si simplement... Ils ont eu le temps de le sentir. Ouverts, mutilés, dépecés... Des bêtes exécutées sur le sol gris d'une cuisine récemment repeinte en rouge. Puis... Oui. Dissimuler les preuves. Un peu d'essence dispersée, du feu... Tout ce dont on peut rêver pour une cuisson d'écorchés.
Une femme brisée se tient non loin d'un incendie, près du fleuve. Le vermeil du coucher de soleil illumine une robe rougie, et les volutes de fumée s'envolent du toit.
D'un plongeon, cette femme coule, bercée entre ses peines et ses remords.
Tout est fini.
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