LE PASSIF

2 minutes de lecture

Triste est la mémoire oubliée des vivants

De ce qui fut notoire avant le grand néant...

Passive est la toile où l’arachnide a tissé

Des destins et leur vol : tout espoir est nié !

Et le cadavre est blanc de se savoir si vieux,

Il hoquette et éructe en comptant ses aïeux :

Narcisse est épuisé, il se sait impuissant

Mais refuse obstiné un réel agissant.

Il se sait masculin et se hait féminin...

Plus rien ne l’intéresse au rayon des gens vains :

Il est anéanti par un ordre établi

Par un spectre châtré, par un père amolli !

Il se hait masculin, dénie le féminin,

Transgressant sans début ce qui tordra sa fin !

Il est "elle", à jamais, pour toujours, sans retour :

Il est noyé au loin, sans secours, à rebours !

Si triste est sa mémoire, à l’envers du présent,

Que sa vie n’est plus rien que dérive et grand vent :

Il espérait aussi des échos moins futiles

Mais ses correspondants étaient par trop fragiles…

Dans sa vie transgressive était inscrit le crime

De qui s’approcherait se croyant légitime :

Ainsi furent tués les auto-proclamés,

Assassinés sans bruit, pour avoir trop bavé !

Passive est la béance où tout est à combler :

Le Verbe est proclamé mais le présent, bafoué !

Comment s’appartenir quand tout est à fournir ?

Je ne désire rien que de me réunir !

Désir, ô mon désir, qu’espères-tu tenir ?

Un fétiche ? Un présent ? Ou un rôle à remplir ?

Désir, ô mon désir, que crois-tu accomplir ?

La présence où mourir ou l’absence où dormir ?

Je ne sais plus quoi dire et ma voie est l’impasse

Où l’existant trépasse à l’orée, en surface,

Quand l’angoisse terrasse et que la mort menace !

Tu vois je ne suis rien qu’un fragment de l’espace…

J’attendais la lisière et j’attendais l’entrée :

Je n’ai eu que retards, je n’ai eu qu’arriérés !

Ma place était prisée : ma place est occupée…

Ma place est à l’envers, ma place est détournée.

Et l‘araignée s’active à reprendre, immobile,

Le destin indocile où se dit son exil !

C’est la mère en la mer : le domicile hostile…

C’est l’amer sans douceurs, en proie aux périls.

Et tu croyais vraiment que j’allais t’étourdir

Dans ces rêves indécents où se dit ton soupir ?

Le réveil a sonné et c’est enfin ton heure

De savoir ce qui est et de ce qui demeure.

Tu n’imaginais pas que j’enfreindrai ta règle

Mais tu n’es que la mouche et mon vol est d’un aigle !

Je survole en pleurant ce qui tue un enfant :

Les mots doux mensongers de la pute au volant !

Tu t’es vantée sans frein de savoir les destins :

Supercherie sans tain d’un miroir masculin !

Putain démaquillée, tu n’as plus aucun il :

Je veux te voir crever pour devenir subtil !

Ma mémoire est hantée par ton songe infertile :

Je ne suis pas d’hier : je me sais ustensile !

Tu auras beau clamer ton innocence vraie…

Je saurais l’offensive, étant enfin sujet !

Ton objet est bien mort et tu vois les ténèbres :

Tes yeux enfin ouverts, ton oraison funèbre !

Je ne suis le sujet que d’un royaume absent...

Je suis l’enfant du temps : ma vie est un moment.

Annotations

Vous aimez lire JOAN LONCAN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0