LE PASSIF
Triste est la mémoire oubliée des vivants
De ce qui fut notoire avant le grand néant...
Passive est la toile où l’arachnide a tissé
Des destins et leur vol : tout espoir est nié !
Et le cadavre est blanc de se savoir si vieux,
Il hoquette et éructe en comptant ses aïeux :
Narcisse est épuisé, il se sait impuissant
Mais refuse obstiné un réel agissant.
Il se sait masculin et se hait féminin...
Plus rien ne l’intéresse au rayon des gens vains :
Il est anéanti par un ordre établi
Par un spectre châtré, par un père amolli !
Il se hait masculin, dénie le féminin,
Transgressant sans début ce qui tordra sa fin !
Il est "elle", à jamais, pour toujours, sans retour :
Il est noyé au loin, sans secours, à rebours !
Si triste est sa mémoire, à l’envers du présent,
Que sa vie n’est plus rien que dérive et grand vent :
Il espérait aussi des échos moins futiles
Mais ses correspondants étaient par trop fragiles…
Dans sa vie transgressive était inscrit le crime
De qui s’approcherait se croyant légitime :
Ainsi furent tués les auto-proclamés,
Assassinés sans bruit, pour avoir trop bavé !
Passive est la béance où tout est à combler :
Le Verbe est proclamé mais le présent, bafoué !
Comment s’appartenir quand tout est à fournir ?
Je ne désire rien que de me réunir !
Désir, ô mon désir, qu’espères-tu tenir ?
Un fétiche ? Un présent ? Ou un rôle à remplir ?
Désir, ô mon désir, que crois-tu accomplir ?
La présence où mourir ou l’absence où dormir ?
Je ne sais plus quoi dire et ma voie est l’impasse
Où l’existant trépasse à l’orée, en surface,
Quand l’angoisse terrasse et que la mort menace !
Tu vois je ne suis rien qu’un fragment de l’espace…
J’attendais la lisière et j’attendais l’entrée :
Je n’ai eu que retards, je n’ai eu qu’arriérés !
Ma place était prisée : ma place est occupée…
Ma place est à l’envers, ma place est détournée.
Et l‘araignée s’active à reprendre, immobile,
Le destin indocile où se dit son exil !
C’est la mère en la mer : le domicile hostile…
C’est l’amer sans douceurs, en proie aux périls.
Et tu croyais vraiment que j’allais t’étourdir
Dans ces rêves indécents où se dit ton soupir ?
Le réveil a sonné et c’est enfin ton heure
De savoir ce qui est et de ce qui demeure.
Tu n’imaginais pas que j’enfreindrai ta règle
Mais tu n’es que la mouche et mon vol est d’un aigle !
Je survole en pleurant ce qui tue un enfant :
Les mots doux mensongers de la pute au volant !
Tu t’es vantée sans frein de savoir les destins :
Supercherie sans tain d’un miroir masculin !
Putain démaquillée, tu n’as plus aucun il :
Je veux te voir crever pour devenir subtil !
Ma mémoire est hantée par ton songe infertile :
Je ne suis pas d’hier : je me sais ustensile !
Tu auras beau clamer ton innocence vraie…
Je saurais l’offensive, étant enfin sujet !
Ton objet est bien mort et tu vois les ténèbres :
Tes yeux enfin ouverts, ton oraison funèbre !
Je ne suis le sujet que d’un royaume absent...
Je suis l’enfant du temps : ma vie est un moment.
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