Mystérieuse âme-soeur.

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Mystérieuse âme-sœur.

Si vous trouvez les loups irascibles,

C’est que vous n'avez jamais rencontré de louves !

Proverbe métamorphe.

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ANASTASIA

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— Mais que fais-tu, sorcière de mes deux ? Est-ce que je t'ai demandé de me pourrir la vie ? Est-ce la providence divine ou je ne sais quelle puissance extra-sensorielle qui t'y contraint ?

Courroux, il y avait vraisemblablement. Il fallait dire que je l’avais un peu provoquée, mais comment réagir quand je la voyais impunément tenter d’esquiver les corvées en poussant un enfant à les faire à sa place ? J’avais agi à l’instinct pour protéger ce petit qui aurait tout fait pour avoir l’admiration d’une louve dominante… Ce n’était pas parce qu’elle était une nomade, qu’elle ne venait dans nos contrées que pour la fête du Loup, qu’elle pouvait se garder des devoirs qui incombaient à tout résident de cette maison !

Et puis il n’y avait pas de quoi en faire tout un foin, j’avais juste renversé sur sa tête une bassine pleine de l’eau saumâtre qui avait servie pour la vaisselle qu’elle aurait dû faire ! Ce n’était que justice, l’arroseur était arrosé !

Et puis, c’était quoi cette histoire de « je ne sais quelle puissance extra-sensorielle » ? Était-ce là une insulte déguisée à destination d'Hécate ? Heureusement que nous ne nous trouvions pas dans la dimension sorcière, autrement cette insulte ne serait pas restée impunie ! Les éléments pouvaient se déchaîner quand l'honneur d'une des fondatrices de notre monde était remis en question. En plus d’être d’une arrogance sans bornes, Cindy était également imprudente à l’excès. Mais bon … on ne l’appelait pas « Cindy cervelle d’huitre » ou « Cinderella, la sans cervelle » pour rien !

— Les voies de la magie sont impénétrables, répliquai-je en haussant les épaules, imperturbable.

Cindy cracha de fureur, continuant à proférer à mon encontre et à celles de mes divinités nombres de noms d'oiseaux et autres compliments, serrant les poings tout en se refusant pourtant à sortir les griffes. J'étais immunisée contre les colères lupines. Elles étaient si nombreuses qu'elles perdaient à mes yeux en crédibilité. Pour une humaine ce n'était pas très malin de provoquer les foudres d'une louve, mais je n'en étais pas une et les sorciers étaient capables pour certains de vraiment provoquer la foudre... alors qu'était-ce-que la colère d'une louve pour moi qui avais vu tant d'éléments se déchaîner sous des colères sorcières bien plus destructrices ? J’en avais fait bien trop souvent les frais pour prendre ombrage de quelques insultes.

Elle rougissait maintenant de fureur en refermant la bouche, luttant pour retenir les insanités qui s'y déversaient il y avait un instant encore sans discontinuer. Cendrillon ne manquait apparemment pas de mots fleuris à son vocabulaire !

— Les griffes de ma louve peuvent pénétrer n'importe quoi, lâcha-t-elle finalement, toujours très énervée.

Cependant les loups, quel que soit leur âge, avaient l'interdiction formelle de s'en prendre à des non-loups. Elle ne s'aventurerait donc pas à s'en prendre à moi physiquement, malgré le désir qu'elle semblait en éprouver. D'autant plus que j'étais comme la fille de l'alpha, alors les foudres de ce dernier seraient très certainement bien plus féroces encore que les siennes. En revanche, moi je n'étais soumise à aucune restriction d'aucun genre sur ma magie, en vertu de la faiblesse de mon corps physique.... Elle savait donc qu’elle n’aurait jamais « réparation » dans ces circonstances. De plus, j’avais certes fait usage de magie à son encontre, mais elle avait d’abord elle-même contrevenue aux lois de la meute… Dans un ultime défi, je levai les mains et fis apparaître un nuage de fumée. C’était plus de la poudre aux yeux que de la magie offensive, mais elle n'avait pas à le savoir.

Elle détourna de moi son regard courroucé et recula d'un pas devant la menace. Avec une moue furibonde, elle tourna les talons et s'en fut sans plus attendre. Je chassai la fumée malodorante d'un mouvement de la main en toussant, l'inhalant par inadvertance.

— Quelle sorcière de pacotille, marmonnai-je. Inapte à produire de la magie à grande échelle et pourtant capable de s'empoisonner avec son propre sort insignifiant...

Nous nous étions entendus avec Tobias pour prétendre que les visions n'étaient pas mon principal pouvoir et que j'avais quelques autres tours maléfiques dans mon sac. Même si ces tours se restreignaient en vérité à quelques sorts d’illusion et potions de défense. Ce mensonge était cependant, une façon supplémentaire de me protéger de ces loups qui parfois aux alentours des pleines lunes s'en prenaient les uns aux autres pour prouver leur dominance. Même si je ne faisais pas véritablement partie de leur hiérarchie, ne me transformant pas en louve, cela n'empêchait malheureusement pas certains de me jalouser. Sachant que la magie de la lune les rendait particulièrement irascibles, il valait mieux prévenir que guérir. Nous avions donc pris ce parti. Il avait ses défauts, mais il n'avait jamais failli à me protéger.

Même si je n’étais capable que de peu de magie, cette magie seule représentait déjà une menace tangible pour des loups qui ne savaient que peu de choses sur les sorciers, notre monde ayant maintenu une ombre de mystère sur les diverses cultures. Des légendes effrayantes circulaient depuis des siècles à propos des différentes races surnaturelles, qui me servaient bien à présent. On entretenait par exemple, la légende de sorcières féroces qui les nuits de pleines lunes s'en prendraient aux petits métas, surtout à ceux qui n'avaient pas obéis à leurs parents ou qui avaient sortis les griffes au point de blesser quelqu'un. Il paraissait même que certains sorciers transformaient également les enfants en proies pour la chasse mensuelle, quand les petits garnements se transformaient sans la permission parentale ! En gros, l'équivalant des croque-mitaines humains.

Chaque peuple avait besoin de ses monstres sous le lit et dans le placard. Nous étions ceux des loups et ces derniers étaient les nôtres. C’était facilité par le fait que nos espèces étaient en toutes choses opposées, eux ayant la force brute et nous la magie pour défendre nos corps beaucoup plus fragiles. En effet, le corolaire sorcier des légendes métamorphes, prétendait que les métas étaient ceux qui croqueraient la nuit les enfants désobéissants et qui ne pratiquaient pas quotidiennement leur magie, par exemple. Si les légendes étaient faites aussi bien pour faire peur aux enfants que pour les dissuader une fois adultes de s'en prendre à d'autres espèces, elles entretenaient également les méfiances mutuelles et un climat général d'intolérance.

Cette intolérance ne menait cependant que très rarement à un conflit et ce malgré la nature irascible et susceptible de la plupart des espèces de la Communauté et ce grâce à notre arbitre international. La diplomatie n’avait apparemment jamais vraiment fait partie du caractère des surnats et nous avions bien besoin d’un groupe qui compense tous les manquements des autres en ce qui concernait la pacification. Le clan sorcier sinistra était celui qu'on venait chercher pour éviter une guerre ou pour y mettre fin pacifiquement - ou par la force d'ailleurs... On faisait appel à eux, indissociablement du fait qu’on soit loup, elfe ou encore vampire.

Dans ma bien trop courte vie à l’échelle surnaturelle, je ne les avais jamais vu, mais comme tous j'en avais cependant beaucoup entendu parler et j'en savais d'autant plus sur eux que ce clan comptait parmi ses membres la plus célèbre voyante de notre monde : Flavie d'Hécatombe. Elle était née dans les vertes contrées elfiques d'une mère elfe et d'un père sorcier et malgré son statut similaire au mien de « demi-sang » elle s’était illustrée en tant que voyante dans le monde entier et au-delà même de la dimension humaine. Tobias m'avait aidé à maitriser ma magie par le biais d'un livre qu'elle avait écrit sur les voyantes dans mon genre : Amour et voyance, comment ne pas s'y perdre ?Elle était comme moi. Elle voyait les âmes-sœurs. Elle était la compagne d'un des plus grands sorciers possédant la magie de l'esprit. Ce dernier était celui qui avait mis fin à un des épisodes les plus tragique et récent de notre histoire : celui d'un terrible génocide, celui des elfes des ténèbres orchestré par les elfes des Lumières, illustrant par-là très bien le statut assumé de juge et arbitre de son clan. Après le Dezastru en terre humaine, il avait fallu que la deuxième plus grande dimension de notre univers s’y mette également. Que l’espèce qui avait perpétré le premier soit celle qui mette fin au deuxième avait était une grande surprise pour la Communauté et une véritable prise de conscience, puisque depuis le Grand Conseil avait été créé ainsi que nombre de nouvelles institutions qui avaient pour prétention de maintenir la paix entre les différentes races et espèces.

La Communauté ne pourrait jamais assez remercier les sinistra pour ce qu’ils avaient réalisés et ce qu’ils continuaient de faire sous l’égide d’un tout nouveau chef de clan : Maxime. Ils représentaient la jeunesse, la nouveauté, mais également la puissance et la solidité, malgré le fait que la plupart d’entre eux ne dépassent pas le demi-siècle d’existence.

Je n’y avais pas pensé, mais imaginons que celui que je ne cessais de voir dans mes visions soit membre de ce clan ? Ce ne serait pas si étonnant que cela, considérant sa magie… Encore une fois, mes pensées s'égaraient dans « sa » direction, alors que je n’avais aucune envie d’y penser ! S'il n’était pas en train de devenir une obsession, je vendrais bien volontiers mon âme au diable !

— Eh, petite sorcière, pas trop secouée par la princesse nomade ?

Je sursautai. Plongée dans mes pensées, je n’avais pas vu Isaak arriver, mais je l’accueilli avec un grand sourire.

— Oh, Cindy ? Pas le moins du monde ! m'amusai-je sans mentir.

Je craignais bien plus mon avenir que cette femelle métamorphe colérique. J’imaginai qu’il avait dû la croiser fulminante dans les couloirs et cela ne fit que renforcer mon hilarité.

Il m’adressa un clin d'œil rieur.

— Je n'en doutais pas, ma sorcière guerrière.

Je gloussai. Guerrière ? C'était le moins qu'on puisse dire ! J'avais failli m'étouffer avec mon propre sort en l'inhalant par inadvertance !

Malgré ses habituelles paroles légères, il semblait étrangement nerveux. Il faisait tourner entre ses doigts sa chevalière qui portait les initiales : TIV, qui signifiaient Te ipsum vincere : vainc-toi toi-même, en Français. La devise de la famille. Cela symbolisait le combat mensuel que les métas devaient vivre pour maitriser leur bête intérieure lors des pleines lunes. Ses mouvements nerveux s’arrêtèrent quand il vit que je regardais fixement ses mains, mais il était trop tard. J’avais vu. Une telle fébrilité m'intriguait, je n'avais jamais vu Isaak être nerveux. Et sa nervosité était d’autant plus flagrante que d’ordinaire il était toujours si calme !

— Qu'y-a-t-il, Isaak ? Tu sais... que tu peux tout me dire ?

Je lui devais tant. Il avait fait tellement de choses pour moi par le passé. M’avait tellement aidé. Quand j’étais arrivée dans la meute, il avait été là pour moi. Même s’il avait quatre ans de plus que moi, il avait été très gentil avec moi, patient même. Il m’avait aidé à me calmer quand je voyais un passé ou un avenir tragique, m’avait serrée contre lui quand les larmes et sanglots avaient enflés en moi, avait crié après mes parents et ma tante, même s’ils ne pouvaient pas l’entendre. Il avait écouté toutes mes confidences sans jamais montrer de pitié. Et maintenant, c’était à mon tour d’être là pour lui. Lui qui avait toujours été si fort. Troisième enfant d’une solide fratrie. Dernier garçon à arriver après deux mâles très dominants et bien plus âgés. Même si moi-même, j’avais des soucis en tête, j’étais là pour lui. Notre relation n’était pas à sens unique. Il n’avait pas à toujours à être l’épaule sur laquelle je pouvais me reposer, je pouvais très bien être à présent l’oreille auprès de laquelle il pouvait s’épancher. J’ouvrai grandes les écoutilles pour lui.

Il releva à nouveau les yeux vers moi et le regard de chien battu qu’il arbora me perfora le cœur.

— J'ai rencontré mon âme-sœur, lança-t-il avec une apparente désinvolture contredite par le sanglot étouffé dans lequel avait été prononcé ces mots.

J'écarquillai les yeux et tendis la main vers lui. Il l’attrapa et me serra contre lui, si fort que je crus qu’il allait me briser les os, mais ne protestai pas. Je passai les mains dans son dos pour caresser sa peau dont je pouvais sentir la chaleur malgré la couche de vêtement qui la recouvrait.

— Par la Déesse, Iz ! Qu’y a-t-il de mal là-dedans ?

Il secoua la tête et je sentis son menton effleurer le sommet de ma tête. Il soupira et laissa tomber sa tête dans mon cou. Son souffle chaud entra en contact avec la peau fine de ma nuque et je ne pus retenir un frisson. Je sentis son torse remuer lentement au rythme de ses profondes et contrôlées respirations.

Comme il restait muet, je tirai doucement sa tête en arrière en saisissant de mon poing une touffe de ses doux cheveux blonds.

— Comment peux-tu savoir qu’il s’agit de ton âme-sœur ?

Ses yeux indigo plongèrent dans les miens et je le sentis plier légèrement.

— Mon âme-sœur me l’a dit et je sais pertinemment que ce n’est pas un mensonge.

Les loups ne pouvaient sentir leur âme-sœur. Alors cela devait être l’autre qui l’avait reconnu en tant que tel ou alors l’intervention d’une voyante pouvait y avoir été pour quelque chose…

Il fit un pas en arrière et secoua la tête en baissant les épaules, comme pour se protéger. Il me fit mal au cœur. Ce loup si fort, cet homme si joyeux à l'accoutumé avait juste l'air totalement défait. Ses yeux normalement si vifs regardaient à présent dans le vague et les muscles de ses bras se contractaient de façon diffuse. Je revins à ses yeux et les vis passer momentanément à un gris argenté. Il luttait également contre son loup.

Il pouvait s’agir de n’importe qui, vampire aussi bien qu’elfe.

Lui et Tobias revenaient à peine de leur réunion au sommet des nations à Paris, il avait dû la rencontrer à cette occasion. Tobias s’y était rendu en tant que représentant lupin de la communauté

française. Bien que nous vivions en Alaska, la meute à laquelle nous appartenions était une délégation française, sorte d'ambassade aux États-Unis. Si Tobias était l'alpha de cette meute d'Alaska, il n'y était pas né et restait un alpha français. En vérité, il était un de ces rares alphas à être à la tête de deux meutes. Il partageait donc son temps entre la France et l’Alaska.

— Qui est-ce, alors ?

Que la Déesse en soit témoin, Isaak rougit. J'aurais pu rire, s'il ne semblait pas si gêné.

— Tu sais quoi, Ana ? Laisse tomber.

Je secouai la tête, tentée d’insister, mais son air attristé me dissuada de poursuivre. Son air douloureux me donna presque envie de lui confier mes propres déboires... presque. Un autre jour peut-être ?

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