Chapitre 7
Une fois au camps, nous retrouvâmes Garrick, à qui nous explicâmes la situation.
- Je dois en parler au doyen, décida-t-il. De toute évidence, cet homme connaît l'existence des loups-garous. Vous n'avez pas penser qu'il pouvait être médium ? Nous sommes peut-être en grand danger.
Bouche bée, je me retournai vers Luke : pourquoi ne pas se l'être dit plus tôt ? Mr. Wigles avait tout du médium : connaissance du monde mystique, cours de relaxation...
- Il va falloir le tuer, déclara Luke. Et ce, le plus rapidement possible.
- C'est juste. Si il crée des dryades, nous n'aurons plus qu'une solution : trouver un nouveau territoire.
- Mais, les médiums sont rares. tempérai-je. Nous n'allons pas tuer quelqu'un sans être sûrs qu'il est une menace.
- Quelles autres preuves veut-tu ? demanda Garrick en fronçant les sourcils. Un aveu écrit ?
- Laisse-moi une journée, de quoi m'assurer qu'il est dangereux, suppliai-je.
- Très bien, m'accorda l'Alpha.
- Luke, tu veux bien m'accompagner ?
- Non, coupa Garrick. Avec Robin qui a lancé une expédition de chasse, il ne resterait pas assez de loup pour monter la garde. Luke est notre meilleur élément défensif, il reste ici. Mais, tu n'a qu'à emmener Lyam.
- Compris. A demain.
Je partis chercher Lyam, dans sa toute nouvelle caravane. Le souffle court, je pris soudain conscience que je venais de tenir tête à l'Alpha, et ce devant témoin. Étais-je définitivement stupide ? J'espérai que Garrick ne m'en voudrai pas trop, mais je savais que j'aurais passé des heures à culpabiliser si l'homme était mort sans avoir eu la certitude qu'il était médium. Bien sûr, il avait tiré sur Lyam, mais n'importe quel chasseur n'en aurait-il pas fait autant ? Et il avait peut-être agi sous le coup de la peur. Quoi de plus normal après avoir vu un loup-garou, espèce réputé pour sa violence ?
En plein dans mes pensées, je ne vis pas Lyam qui sortait de chez lui, et lui rentrait dedans.
- Quelle rencontre fracassante !... sourit-il en me ratrapant par les épaules. Peut-on parler de coup de foudre ?
- Ne fais pas l'imbécile, soufflai-je, sans pourtant me dégager. J'ai besoin de toi.
Il recula et s'exclama :
- On part en mission ?
- C'est ça. On va aller prendre des cours de yoga.
- Pas très palpitant, soupira-t-il.
- Le professeur est peut-être un invoqueur de dryade.
- Sérieux ? C'est pas commun... On y va ?
Fatiguée d'être restée debout toute la matinée, j'empruntai la voiture de Dylan, et nous arrivâmes en quelques minutes au lieu qu'avait indiqué l'homme à Luke. Une devanture simple, très naturelle, laissait voir une petite salle couverte de tapis bleus ciels. J'ouvris la porte, et une petite femme ronde et joviale vint à notre rencontre.
- Bonjour, bienvenue à l'Institut Spirituel ! Je peux vous aider ?
- Bonjour ! souris-je. Mon ami et mon avions entendu dire que l'on pouvait prendre des cours de yoga ici.
- Vous seriez intéressés ? Nous pouvons aussi vous donner un entretien, pour vous guider dans l'ouverture de soi et dans la stabilisation de ses énergies.
- A vrai dire, réfléchit Lyam, je me demande comment se passe une séance.
- Eh bien, expliqua la femme, notre professeur, Mr. Wigles, vous aide. C'est un peu comme de l'hypnose. Et la plupart de nos clients sont extrêments satisfaits !
- Serait-il possible de rencontrer ce Mr. Wigles ? tentai-je, sachant pertinemment qu'il se trouvait chez lui.
- Malheureusement, c'est son jour de congé. Je ne suis là que pour prendre les réservations. Mais vous pouvez repasser demain !
- Merci pour vos conseils, répondit gentiment Lyam. Bonne journée !
Nous ressortîmes, et je lui lançai :
- Bon, ce n'était pas très concluant.
- Je ne sais pas. En fait, j'ignore comment fait un médium pour invoquer l'esprit d'un arbre.
- C'est psychique. Il paraît qu'il s'assoit près de l'arbre choisi, et qu'il l'appelle par la pensée. Pour s'incarner, l'esprit puise dans l'énergie vitale du médium, qui s'est auparavent fais une réserve en tuant d'autres être vivants.
- En tuant ? s'écria-t-il.
- Il aspire toute l'énergie d'une plante, ou d'un animal. C'est assez glauque.
- Tu m'étonne. Je ne comprend toujours pas pourquoi dans les films, c'est toujours les loups les méchants.
- Il faut quand même que tu sache que certaines meutes sont moins agréables que nous... lui appris-je. Les plus "conservatrices" sont persudadées que c'est dans la nature du loup de tuer. C'est ce genre d'être qui m'a transformé.
- Je leur ferai la peau, alors, plaisanta-t-il. Mais, pour en revenir à mon agresseur, pourquoi ne pas aller lui parler. Si j'ai bien compris ce que tu m'a dit dans la voiture, on veut simplement savoir si c'est un médium, ce qui ne fait plus tellement de doutes. Mais imagine qu'on le convint de rester neutre ? supposa Lyam. Et de s'excuser de m'avoir tirer dessus, au passage...
Je réfléchis à sa proposition : tuer un humain me répugnaigt. Pourtant, j'avais déjà accompli cette tâche auparavent, ce n'était pas la première fois qu'une personne menaçait l'équilibre de la meute. Mais une question, que je ne me posait pas avant, m'empêchait d'agir. De quel droit ? La vie d'un loup valait-elle plus que celle d'un humain ? En quoi mes amis méritait plus de vivre que mes ennemis ? J'imaginais la jeune fille blonde, avec son parfum fruité, découvrir dans le journal une photo du corps de son père retrouvé dans les bois. Étais-je en droit de la rendre orpheline, ayant moi-même tant souffert de la perte de mes parents ?
- Tu as raison, décidai-je. La Règle dit clairement de ne pas tuer d'humain. Garrick ne pourra pas y redire.
Avec une énergie nouvelle, nous retournâmes au pied de l'immeuble 16. Une vieille dame rentrai justement avec son cadie de courses. Lyam retint la porte à temps, et nous pûmes ainsi entrer. Nous montâmes précipitamment les escaliers.
- Quel étage ? soufflai-je
- Quatrième, répondit Lyam, pas un brin essouflé.
Une fois arrivés, je frappai, et ce fut la jeune fille qui vitn ouvrir.
- Bonjour, salua-t-elle, hésitante.
- Est ce que je peux parler à ton père ? demandai-je avec mon air le plus rassurant.
- Papa ? cria-t-elle. Il y a des gens qui veulent te parler !
Un homme, la bonne quarantaine, cheveux blonds platines et barbe faussement négligée, arriva dans le cadre de la porte.
- Qui êtes vous ? Vous savez qu'il est bientôt 19h ?
Je regardai ma montre : en effet, il était tard.
- Mr. Wigles, commença Lyam, sachez que nous ne vous voulons aucun mal. Seulement, j'aimerai savoir pourquoi m'avez-vous tiré dessus ? Ce n'était pas très agréable...
La frayeur tira d'un coup les traits de l'homme. Tremblant, il fouilla maladroitement dans un tiroir et sortit un pistolet, qu'il pointa sur moi.
- Vous êtes des loups-garous, balbutia-t-il. Je vais vous tuer.
- Malheureusement, si vous faisiez ça, vous auriez sur le dos le reste de notre meute. Qui, contrairement à nous, ne tentera pas de discuter.
- Qu'est ce que vous me voulez ? cria-t-il.
- Je ne tolèrerai pas que vous vous en preniez à mes frère, grondai-je. Il n'y aura pas de deuxième chance. Et nous nous doutons que vous êtes médium. Mon Alpha souhaite vous tuer, mais j'ai jusqu'à demain soir pour lui prouver que vous n'êtes pas un danger. Vous comprenez ?
- Nous sommes de votre côté, ajouta Lyam en avançant d'un pas.
- Menteurs ! cracha le médium. Un esprit des arbre m'a avertit, il y a un an, que les loups-garous étaient les bêtes les plus dangereuses du monde mystique. Que si je vous laissait faire, vous tueriez chaque habitant de cette ville !
- Ne nous insultez pas, rétorquai-je, nous savons nous contrôler.
Rien à faire : les mots n'avaient aucune prise sur notre adversaire. Ses mains ne tremblaient plus, et il tenait maintenant son arme fermement.
- Mais si une seule dryade apparaît dans le coin, nous saurons que c'est de votre faute. Mais, nous ne vous obligeons à rien, ajoutai-je en prenant une expression menaçante. Peut-être même avez vous envie de découvrir de quelle couleur serait la fourrure de votre fille.
Comprenant le sous-entendu, il palit, et rugit :
- Vous ne toucherez pas à Josephine !
- Alors, baissez votre arme, ordonnai-je en tendant lentement le bras.
Le coup de feu partit sans prévenir. Heuresement, la colère l'avait empêché de viser juste, et la balle efleura simplement mon épaule. Ignorant la douleur, je me jetai en avant, et lui infligeai une clé de poignée. Nous tombâmes à la renverse, et je vis du coin de l'oeil Lyam et la fille de l'homme se précipiter vers nous. Un bras de fer mortel se jouait entre nous : nos deux doigts sur la gachette, c'était au premier qui réussirait à viser l'autre. Un coup de pied dans l'estomac me fit pourtant soudainement contracter la main, et je sentis le coup partir. Comme si la scène se passait au ralenti, je vis la balle s'envoler, fendre l'air et traverser la gorge de la fille. Abasourdie, je la vis tomber à la renverse dans une gerbe de sang, sans un cri, sans un bruit.
Le médium me repoussa violemment, abandonnant le pistolet et se rua vers sa fille. Ses yeux étaient déjà recouverts d'un voile laiteux, rien ne la sauverait. Prenant conscience de la situation, je rangeai l'arme à feu dans la poche de mon blouson et je tirai Lyam par le bras. Il nous fallait quitter les lieux au plus vite. Une fois dehors, je vomis mes tripes contre le mur de l'immeuble. J'avais tué une enfant, et mis en l'air toutes chances de passez un accord avec le médium. Lyam, silencieux, me tendis une bouteille d'eau, et nous repartîmes en voiture. La nuit était déjà tombée, et les phares du véhicule formaient d'inquiétantes ombres sur la route.
- J'ai besoin d'une pause, dis-je brusquement en garant la voiture sur le bas-côté.
- Tala... commença Lyam.
- Arrête, le coupai-je. Je l'ai tué ! Et bientôt, le médium aussi va mourir ! Si j'avais suivi les ordres de Garrick, on en serait pas là.
Je jetai un coup d'oeil à Lyam. Le visage enfouis entre ses mains, il sanglotais imperceptiblement. Inquiète, j'en oubliai ma propre tristesse, et posai une main réconfortante sur son épaule.
- C'est de ma faute, dis-je d'une voix douce. Pas la tienne.
- C'était mon idée, gronda-t-il en relevant le visage.
Il pleurait maintenant à chaude larmes, et je sentis moi aussi mes yeux se mouiller. Ne sachant quoi dire, je restai là, à le regarder en silence.
- Des gens meurent tout les jours, lâchai-je enfin.
- Ce n'est pas une raison. Ce n'est pas pour ça que l'on devrait rester insensibles ! tempêta-t-il.
- Nous étions en danger. N'importe qui aurait pu se prendre cette balle perdue. Je n'ai pas voulu lui tirer dessus. Simplement, la situation a mal tourner.
- Tu as tué quelqu'un, chuchota-t-il, et te ne ressent rien. Cette fille avait une vie, et ça en te fait rien de la lui avoir ôté ?
- Arrête, répétai-je. Simplement, moi, je me controle. Je ne chiale pas, je ne crie pas, je ne rejette pas ma culpabilité. Si tu continue à me parler ainsi, tu verra, l'étendue de ma colère ! Si tu veux vraiment que je te la montre, très bien ! criai-je. Moi aussi, je peux te traiter de monstre, moi aussi, je peux être immature et faire porter le poids de mes émotions aux autres !
Je respirai un bon coup, et reprit calmement :
- Je m'en veux. Tu t'en veut. Mais ça ne changera pas le passé. Alors, on essaye d'oublier, et on continue à vivre.
Lyam se redressa, et ferma les yeux. Comprenant qu'il préférait ne pas répondre, je rallumai le contact, et redémarrai. Dans le noir total, seulement entrecoupé du tracé blanc de la route, nous sûmes en silence que nous pensions à la même chose.
Une petite fille blonde, parfumé à la fraise, avec une voix claire. Sûrement gentille, bonne élève, et surtout, morte.
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