Un même cabanon

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Un dernier sifflement et les claquements cessent. Le train est à l’arrêt. Moi aussi. Où suis-je ? Une gare bien moins ferreuse que la parisienne. Bien plus usée. Il faut que je bouge. Je descends, puis suis la marche des automates, où vont-ils tous ? Travailler, se reposer, ou bien retrouver quelqu’un ? Retrouver quelqu’un… Je me souviens. Je ne suis pas perdu, je sais où je suis et pourquoi. Gare de pont sous Gallardon. Il faut que je la retrouve, ma Lily qui s’est envolé avec tout mes lys. Il suffit de trouver la sortie, et de suivre le chemin que je prenais avec elle autrefois. Ensuite je n’aurais plus qu’à me rendre au cabanon de sa mère, là où ses côtes sont étendues. Non, là où Hélène… ? Je ne sais plus. Si, c’était un rêve, absurde. Mais pas Lily, elle, est réelle. Tout comme cette gare que je reconnais, cette porte de sortie si familière. Je sers le mouchoir brodé des deux « L » enlacés dans ma poche et enfin, me mets en route.

C’est le printemps, tout est verdoyant, la brise légère effleure mon visage. Je me sens bien. Je suis loin de la folie des Hommes, loin des responsabilités, des culpabilités. Je me rapproche d’elle, peut-être y aura-t-il un piano dans le cabanon de sa mère ? C’est peu probable mais je l’espère, cette pensée me fait sourire.

Le cabanon est là, une vieille dame se tient juste à côté, elle étend son linge.

  • Bonjour madame excu-
  • Bonjour Gabriel, et bien, après tout ce temps tu n’as pas changé, à quelques poils près.

Je suis sans voix. La sienne, elle, est celle des personnes âgées, à la fois fébriles et joyeuses.

  • Hélène, tu ne me reconnais pas, alors que tu viens à ma porte mon petit Gabi ? Hum ?
  • Je… je suis confus.
  • Elle n’est plus ici, Gabriel, tu le sais, on te l’a expliqué plein de fois.
  • Je ne comprends pas Hélène, excusez-moi je ne vais pas vous déranger davantage, veuillez m’excuser.
  • Elle s’est envolée, tu l’as bien vu. Avec les lys que tu lui as offerts, d’ailleurs pourrais-tu aller m’en cueillir pour moi aussi ?
  • Je dois partir.
  • Partir où ? À Paris, pour éclabousser des toiles, pour passer ta folie sur des femmes, c’est bien ça ? Claire, Marion, enfin peu importe dans le fond, n’est-ce pas ?
  • Comment…

Je ne comprends plus rien. Comment peut-elle savoir, qui est-elle ? Pourquoi je n’ai pas encore remarqué qu’elle était en train d’étendre des côtes, encore une fois. Et tous ce sang...

  • Il faut des lys pour Lily, Gabriel. Des lys pour Lily, tu écoutes ? Des Ly-Lys pour Lily !

J’ai peur, j’ai mal, je saigne. Une nouvelle tempête se lève, la pluie s’écroule sur moi.

Où sont mes côtes ?! Où est Lily ?

  • Hélène, je vais vous en apporter promis, à vous et Lily, mais arrêtez ! Je vous en supplie.
  • Des ly-lys pour Lily, des ly-lys pour Lily !

Un seul refrain, un seul cauchemar. Toujours le même schéma : la tempête devient folle, Hélène aussi. Des lys sortent avec vigueur du sol, elles s’enroulent autour de moi, me serrent, m’étouffent. Je m’y raccroche avec effroi, je ne veux pas partir, m’envoler, comme Hélène, qui déjà, n’est plus là. Je suis seul. Perdu.

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