Objets inanimés
Pendant longtemps j’ai pensé que les objets inanimés n’avaient pas d’âme.
Accorder une âme aux animaux ne me gène pas : seul un esprit obtus peut refuser cette évidence, nous sommes et nous restons des animaux.
Progressivement je suis de plus en plus enclin à accorder une âme aux plantes, elles sont sensibles à la douleur, elles possèdent la proprioception.
Certes, pour les plantes, la question est discutable mais ce point de vue se défend.
Accorder une âme aux objets inanimés : quelle foutaise !
Le poète peut accorder une forme de sensibilité à un vieux cahier d’écolier retrouvé dans un grenier.
C’est là le privilège du poète : nous faire accepter l’invraisemblable.
Mais, même en poésie, il existe des limites.
Non, un vulgaire objet technique ne peut, ni ne doit posséder d’âme : non, c’est non !
Une machine à calculer, un ordinateur, un rasoir électrique, un portable, un téléviseur n’ont pas d’âme et n’auront jamais d’âme : un point c’est tout !
Mais une expérience récente et déconcertante m’a prouvé que je me nourrissais de préjugés stupides.
Un objet inanimé m’a prouvé, de façon irréfutable, qu’il possédait une âme !
Laissez-moi vous conter cette étonnante aventure.
Je ne regarde que très rarement la télévision.
Cet objet inanimé m’a toujours semblé être le contraire de la pensée, de la sensibilité et de la poésie.
Parfois, en vacances, je me surprends à dépasser ma méfiance instinctive.
Je dois confesser que parfois ce relâchement dépasse les limites de l’acceptable.
Pour vous parler franchement, j’ai honte, oui j’ai honte de ce que j’ai pu faire.
Lectrice, lecteur, si vous avez l’âme trop sensible, arrêtez votre lecture ici, car vous allez atteindre les tréfonds de la bassesse humaine.
Je me suis laissé aller à regarder les informations, puis les jeux télévisés.
Et j’ai osé, oui j’ai osé descendre encore plus bas.
Buvons le calice jusqu’à la lie, oui , je l’avoue, j’ai commencé à regarder Cyril Hanouna.
Lectrice, lecteur, je sais j’ai commis l’irréparable, mais c’est au plus profond du péché que se trouve la rédemption.
J’ai donc franchi le Rubicon et là s’est produit un miracle.
L’objet inanimé a subi ce supplice quelques minutes.
Puis il s’est mis à hoqueter, à gémir et il s’est éteint.
J’ai essayé de le faire renaître, mais je n’ai pas pu le réanimer.
Oui, lectrice, lecteur, une seule interprétation s’impose : le malheureux objet s’était suicidé.
Il n’a pas pu supporter autant de bêtise et de vulgarité.
La télé a donc choisi le geste ultime : mettre fin à ses jours.
J’ai totalement changé d’avis.
Oui les objets inanimés ont une âme : Lamartine avait totalement raison.
Et si vous avez vécu une expérience similaire, j’attends avec impatience votre récit !
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