Visite matinale.
J’entends frapper, disons gratter légèrement à la porte.
Surpris par cette marque de discrétion, j’ouvre largement le portail de ma magnifique résidence.
Elle se tient devant moi, jeune, belle mais fort maigre et timide.
Elle me demande :
« Vous acceptez de m’accueillir ?
— Vous semblez étonnée ?
— Toutes mes amies ont trouvé porte close, répond timidement la jeune fille.
— Cela veut dire que vous avez pris le temps de vous renseigner avant de venir, cela vous ressemble tant !
— Mais vous avez éconduit l’amour, la liberté, la colère, sans ménagement, pourquoi m’ouvrir à moi ?
— Parce que seule la Raison a le droit d’entrer ici, dis-je en riant ? »
La belle me regarde, interloquée, plongeant un regard impitoyable au plus profond de mon âme.
Elle reprend lentement :
« Habituellement tout le monde m’éconduit, on me reproche de ne pas être assez « sexy ».
— Je sais : « La voix de la Raison est faible mais elle finit toujours par se faire entendre »
— Vous citez Freud, s’étonne la jeune fille. Plus personne ne veut parler de lui !
— Je sais, mais il faut beaucoup de Raison pour soigner la déraison.
— Je suis heureuse, répond la belle en rougissant, c’est la première parole raisonnable que j’entends depuis que je fais du porte à porte !
— Je suis un amoureux sincère ! »
Soudain la jeune fille m’embrasse sur la bouche avec passion, un frisson de plaisir me parcourt.
« Pour aimer la Raison, il faut beaucoup de folie : cela méritait une récompense. »
Sur ces paroles, elle s’éclipse en riant, me laissant interloqué et joyeux.
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