Léa,

J'espère que tu vas bien après avoir découvert une telle chose. Il est vrai que j'aurais bien aimé te téléphoner pour que tu puisses tout m'expliquer de vive voix. De nombreux détails me paraissent obscurs. Je ne comprends pas plus que toi quel aurait été son intérêt à vous duper, ni comment en quatre mois il s'est débrouillé pour qu'aucune de vous ne se rende compte de la vérité. En relisant une de tes anciennes lettres dans mon porte-vue, je reviens sur un détail de ta lettre du quatre novembre. Tu m'y dis qu'en voyant la silhouette de Robin, Amélie fait une drôle de mine, et qu'après elle est distante. Elle doit déjà se douter de quelque chose. Si c'est le cas, je ne comprends pas pourquoi dans la lettre qu'elle m'a adressé, elle vante toutes ses qualités.

Je te conseille de te rapprocher d'Amélie, de lui dire que tu as bloqué Robin sans préciser la raison, en sous-entendant seulement qu'il était étrange à ton égard. Si elle a déjà des doutes envers Nils, elle risque de rapidement découvrir la vérité tout en te mettant hors de cause. Ainsi elle ne risque pas de t'accuser à tort. Je m'empresse de lui écrire pour savoir si elle le suspecte déjà.

Le six décembre nos voisins sont venus déjeuner. Il neigeait, on avait mis les décorations de Noël la veille, l'ambiance était donc très agréable. En sachant qu'on avait des invités, ma soeur a insisté pour sortir de son lit et se faire présentable, et nous avons tous accueillis les Carreau, comme une famille ordinaire. Le garçon nous a toisé d'un air méfiant, tandis que sa grande soeur préférait observer les ornements de Noël. Les adultes étaient extrêmements bavards, alors que nous les plus jeunes restions chacun dans notre coin. Pour une fois j'ai pris place à côté de ma soeur pour éviter de me retrouver collé à un de nos voisins.

A un moment donné, mon père lança à Mme Carreau: " Vos enfants ont-ils fait du théâtre? Non? Lilou adore, elle rêve de devenir comédienne, même si avec son état un peu fragile ce serait... compliqué. Elle a tellement d'ambition, vous savez! " "Au moins, un de vos enfants en est pourvu!" a rétorqué Mme Carreau, sans méchanceté. Néanmoins ça m'a énervé, et j'ai dit: "Moi aussi j'adore le théâtre. J'en ai fait quatre ans." Mes parents, comme à leur habitude, ont levé les yeux au ciel et changé de sujet. Mais l'adolescente assise en face de moi à gauche a tourné la tête avec intérêt. Les minutes suivantes nous en avons un peu discuté, avec par moments ma soeur qui intervenait pour faire son intéressante.

Après le déjeuner,les adultes se sont pris un petit café, pendant que Lilou allait se recoucher, et que le jeune garçon sortait une petite console de jeux de son sweat. Je me suis levé pour retourner dans ma chambre, et l'adolescente m'a demandé si je pouvais lui faire visiter. J'ai fini par accepter et nous avons parcouru la maison. A la cave, elle m'a demandé (au fait, je ne t'ai pas dit elle s'appelle Valia):

– Tu t'entends bien avec ta soeur?

– Pourquoi cette question?

– Vous ne vous parliez pas, et tu semblais énervé quand elle parlait du théâtre.

Je ne savais pas comment lui répondre de manière objective. Surtout, je ne comprenais pas pourquoi notre voisine (qui reste une parfaite inconnue), tenait à ce que je me confie à elle comme à une psy. Alors j'ai éludé:

– C'est compliqué.

Heureusement, elle n'a pas insisté. Mais l'heure qui suivit, elle semblait ne pas me quitter de yeux à chaque fois que mes parents me parlaient, comme pour analyser mes réactions.

En tout cas courage Léa, reste loin de ce Robin/Nils, et j'envoie tout de suite une lettre à Amélie.

Rémi