Claire est nue.
Allongée sur le lit, les jambes écartées, elle m’observe.

Mon regard ne sait plus ou se porter ! Je suis tellement étonné, surpris, abasourdi.

J’ai d’abord été consterné.

Pourquoi ce cadeau ?

Elle a un beau corps. Certes les années et les grossesses lui ont donné un peu plus de rondeurs, mais ce corps épanoui n’en est que plus beau.

Pourquoi ?

Dans sa main droite, elle tient le gode qu’elle fait glisser de son ventre vers son pubis.
Son assurance n’est que factice. Ses gestes sont maladroits.

Elle me fixe. Interrogative.

C’est la première fois qu’elle utilise un jouet.

Elle guide l’objet sur son sexe. Au passage, ses lèvres intimes s’écartent.
Je perçois de l’humidité naissante et le gode renvoie des reflets brillants qui me transpercent le cœur.

Elle ferme les yeux.
Elle y prend du plaisir.
Elle semble.

Je ne comprends pas. Mon esprit se brouille.

De sa main libre, elle caresse son clitoris.

Je vois ses lèvres s’écarter de plus en plus généreusement et elle s’offre impudique aux caresses froides du phallus artificiel.

Je hais cet objet qui me vole ma place.
Usurpateur.

Elle le présente à l’entrée de son vagin.
Le gland la pénètre.

Elle gémit en rejetant la tête en arrière.

C’est plus que je ne peux en supporter. J’ai l’impression que mon cœur se brise en mille morceaux.

Des éclats qui me saignent.

Je quitte la chambre.
Je suis submergé par des sentiments contradictoires.

Je ne peux plus la satisfaire !
Elle en souffre.
A 41 ans, son corps a encore besoin de ressentir les frissons de l’amour.

Claire me rejoint dans le salon. Elle a enfilé une nuisette.
Toujours le gode à la main, elle s’assoit près de moi dans le canapé.
— Pierre, tu ne vas pas te morfondre en permanence. Je le fais pour toi.

Malgré tout mon Amour pour elle je ne peux plus la satisfaire.
A 43 ans mon corps a abandonné la partie.
— Je suis bon à rien.

Pourtant Claire me soutient, tente de me redonner confiance. Mais rien n’y fait.
Ne plus pouvoir lui faire l’amour comme avant me vrille l’âme au plus profond.

— Tu préférerais que je prenne un amant !
Je sais qu’elle n’aurait aucune difficulté pour trouver.

Depuis 6 mois je n’ai plus ni prostate ni vessie. La maladie m’a rattrapé. Implacable.
Trop jeune !
Trop injuste !

Ma queue n’est plus qu’un bout de chair pendante et inutile et je ne supporte pas cette invalidité qui anéantit ma virilité.
Je deviens aigri, agressif, jaloux.
Claire me prend une main et la porte sur un de ses seins. Ce contact me calme.

Depuis mon retour de l’hôpital elle fait l’impossible pour me maintenir à flot malgré mes humeurs changeantes.
Je me rends compte de mon irritabilité, mais j’ai les plus grandes difficultés à maîtriser mes fréquents coups de blues.

Mes amis aussi tentent régulièrement de me remonter le moral :
« Tu as deux mains, dix doigts, une langue. 13 raisons pour continuer d’y croire »

Ils essayent de prendre mon problème à la rigolade mais ils ne peuvent pas se mettre à ma place.
Vivre ce handicap.
Jamais plus je ne pourrai faire jouir Claire !

Ces mêmes amis charitables me disent :
« il n’y a pas que le sexe dans la vie ! »
J’ai envie de leur crier « Non, bien sur, il y a le cul aussi »

La tendresse, la tendresse !
La tendresse est aussi une belle aventure pour un couple. Mais si on peut l’épicer, n’est-ce pas encore mieux ?
Aucun ne me contredit.

« Et as-tu essayé les toys ? »

Les toys !
Jamais Claire n’a voulu en utiliser par le passé. Malgré mes sollicitations répétées.

Aujourd’hui, pour mon anniversaire, Claire m’en a offert un, le sourire jusqu’aux oreilles.
— Bon anniversaire mon Chéri.
Ce gode qui me fait si mal. Il matérialise mon invalidité.