Un héros
Texte écrit dans le cadre de la première année de formation «Artisanat de l’écriture»
Thème libre
Contraintes : 6500 signes espaces compris maximum
Dès l’instant où Victoire mis un pied dans le tentaculaire vaisseau fantôme une odeur de fer et de rance l’a saisit. À tel point qu’elle manqua de vomir sur Ridley. La jeune femme plaqua une main contre sa bouche en gémissant.
— C’est quoi cette odeur putain.
— Je ne sens rien.
— Et tu as bien de la chance.
La mâchoire de métal de son androïde sembla se contracter. Victoire leva les yeux au ciel, depuis quelques semaines, c’était sa nouvelle lubie : il s’était réinstallé les fonctions d’expressions faciales. Elles dataient de l’époque ou il était encore un androïde de compagnie. C’était étrange au début : elle avait l’impression de retrouver le Ridley que sa mère lui avait offert lors de son 15 ème anniversaire. Il était censé combler l’absence de sa génitrice. Victoire soupira et chassa d’un geste imaginaire les souvenirs. Elle n’avait plus rien de la gamine esseulée dans le labo de sa mère. C’était une soldate de la Confédération Interspatiale maintenant. Tandis qu’il commençait à marcher dans les couloirs aux néons grésillants Victoire se tourna vers son compagnon.
— Bon, tu me fais un rappel du plan Rid’ ?
— Parce que tu ne le connais pas ?!
— Si si, mais peut-être que j’ai été distraite lors du briefing ?
— Ou peut-être que tu te reposes trop sur ma mémoire interne ? rétorqua le robot.
— La tienne est infaillible et a une capacité de stockage extensible. La mienne est faillible. Je ne peux pas retenir tous les détails d’une mission mineure. Ridley se figea et se redressa de toute sa stature pour se placer devant la soldate.
— Une mission mineure ?! Tu te moques de moi ? Détruire ce générateur d’énergie nous apporterait un avantage tactique énorme, ce serait même décisif pour gagner la guerre. La flotte ennemie est déjà probablement en route pour le récupérer !
La femme fit la moue et écarta d’un geste lent Ridley pour reprendre la marche à travers le dédale. Le plan indiquait qu’ils en avaient encore pour une dizaine de minutes.
— Pourquoi tu prends tout aussi sérieusement Ridley ?
— Parce que tu ne le fais pas.
— Mais si je suis sérieuse, je te charrie quand j’insinue ne pas connaître le plan.
— Tu mens.
— Absolument pas. On entre, on pose la bombe-électromagnétique sur le générateur, on l’active et on se casse.
— Tu oublies la vérification.
— Et heureusement que tu es là pour me le rappeler ! On en revient au point un.
— Tu es irritante Victoire.
Cette dernière se contenta de tirer la langue pour clore la discussion et accéléra le pas. Elle avait beau le cacher, elle n’en menait pas large. Elle avait remarqué les différentes traces de sang et l’odeur ne la rassurait pas. Qu’avait-il pu se passer ici ? L’état-major avait simplement expliqué qu’une opération sur le vaisseau avait eu lieu, mais personne n’était revenu. Depuis, l’engin dérivait dans l’espace. Leurs pas les conduisirent sur un énième embranchement, mais cette fois-ci, un cadavre bloquait la porte. La soldate déglutie, c’était Tommy. Elle avait fait ses classes avec lui. Victoire détourna la tête.
— Tu peux dégager l’accès Rid’ s’il te plait ?
L’androïde prit délicatement le corps par les épaules mais son bassin se détacha. Il avait été coupé en deux. Victoire inspira, elle avait entendu le craquement et laissa Ridley faire. Elle s’engouffra dans la salle dès qu’elle pu échapper au visage blanc de son ami, mais ce ne fut que pour se confronter à une autre vision macabre. Une véritable boucherie avait eu lieu ici. Les corps s’amassaient de part et d’autre de la salle dans un amas grotesque. Impossible de reconnaître l’allié de l’ennemi. Du sang, des entrailles et la puanteur qui prenait enfin sens. Le repas de Victoire termina au sol. Ridley vint immédiatement se placer à ses côtés et lui caresser le dos.
— Ferme les yeux.
Ridley la porta jusqu’à la salle suivante. Sous ses airs bougons, il avait toujours pris soin d’elle. Il était son unique ami à vrai dire. Cette amitié avec Ridley l’avait toujours mis à part. Personne n’est si fusionnel avec un robot. L’androïde reposa la jeune femme au sol. Ils étaient enfin arrivés au générateur. Ridley sortit la bombe et s’approcha de leur cible puis commença à s’activer. Victoire s’adossa contre le métal froid de la porte. Dos au carnage, la tête entre les mains.
— Tu aimerais toujours être un humain même après cette boucherie ?
— Oui.
— Je suis désolée Ridley.
— Je sais.
— C’est de ma faute si je ne t’avais pas faire croire que tu l’étais pendant tout ce temps, tu ne …
— C’est pas le moment des jérémiades Victoire, coupa Ridley, on a un problème.
— Quoi ?
— La bombe est hors service. Le champs de défense du vaisseau était encore fonctionnel finalement.
— T’es sûr ?
— Oui à 100%
— Bordel ! Comment on fait ? Si on ne fait pas exploser cette merde Tommy et les autres seront morts pour rien !
— Je sais.
Ridley se releva et se tourna vers la jeune femme puis lentement pris ses mains entre les siennes.
— On va utiliser mon cœur énergétique comme étincelle pour tout faire exploser.
— Quoi ?! Non ! Il y a bien une autre solution !
— Oui, rentrer prendre une autre bombe et désactiver les défenses.
— Allez faisons ça.
— Victoire, regarde ton communicateur s’il te plaît.
Encore sonnée de la vision cauchemardesque elle n’avait pas prêté attention aux messages d’alertes envoyés : la flotte ennemie allait arriver d’une minute à l’autre pour récupérer leur générateur. Victoire sentit sa gorge se nouer et les larmes lui mordre les joues. Ils n’avaient pas le temps. Elle finit par passer ses bras autour de Ridley et pleurer à chaudes larmes. Ils savaient.
— Tu vas faire demi-tour, entrer dans le vaisseau, et me faire le plaisir d’écouter aux prochains briefings d’accord, parce que je ne serai plus là.
— Ne dis pas ça, je t’en prie. Viens, on rentre ensemble, on quitte l’armée, on fuit à l’autre bout de la galaxie, loin de cette guerre, loin de cette boucherie, loin de tout.
— Tu le dis toi même, si on ne fait pas exploser cette merde, Tommy et les autres seront morts pour rien. Et moi, je veux que tu vives. Je veux que tu savoures le ciel et les rayons du soleil, comme lorsque nous vivions à Babylone.
Ridley se détacha de Victoire et sourit, à cet instant Victoire regretta l’avoir charrié sur l’ajout de ces expressions faciales tout ce temps. Lentement, il l’aida à se relever, tremblante elle fit un pas vers la porte et se figea. Elle se tourna une énième fois vers Ridley.
— Le temps presse Victoire.
— Tu n’es pas obligée de faire ça...
— C’est ce qu’un humain aurait fait déclara le robot.
— Non, un héros.
Les yeux bouffis de tristesse et le cœur plombé d’un millier de balles elle passa la porte, laissant derrière elle, son ami, son confident, son héros.
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