Un arbre solitaire
Rappelle-toi de cette clairière, au centre
D'une forêt, seul espace où le soleil entre
Au milieu de ce monde trônait un arbre
Grand, vert, gracieux, sublime simulacre
Puis vint cette sombre journée où deux armées
Nuées étincelantes ravageant les prés
Coupèrent des arbres et découvrirent ce lieu
Paradis oublié par les guerres et les dieux
De chaque côté, des arbres furent coupés
Pour construire des catapultes et des béliers
Ils tranchèrent de sinistres cicatrices
Pour se protéger des flèches destructrices
Couvrant le chant des oiseaux, un cor retentit
Chargèrent des hommes dans un concert de cris
Les premières lignes s'entrechoquèrent
Les armes tranchèrent et les larmes volèrent
Au plus fort du tumulte, on ne distinguait
Aucun ami ni ennemi, seuls les regrets
De fouler de leur honneur un sol si glorieux
Et de mourir sans contempler le bleu des cieux
Morts entre chiens et loups, leurs sangs se mélangeaient
En cette heure de gloire ils se confondaient
Une mer de sang sans marée s'installa, laissant
Des mères sans maris, des fermes sans paysans
Au centre de ce carnage, reste l'arbre
Souillé par leur sang, mais il siège droit et fier
Le vent sifflant renvoyait le cri des défunts
Le ciel pleurait sur le champ d'hommes morts en vain
Rappelle-toi de cet arbre centenaire
Car cet arbre garde ses souvenirs en terre
Il partage tout avec les blancs asticots
Un jour, il aura aussi le droit à la faux
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