La sombre maîtresse
Je suis assis face à un ciel noir d'encre
Avec cette feuille blanche pour ultime ancre
Derrière moi susurrent de terribles fantômes
Quatre éclatantes dames blanches sur leurs trônes
Trois portent des robes de soie ou de satin
La dernière : une peau de loup lui couvre son sein
Impétueuse et farouche : la Colère
Elle me parle d'une voix douce et sévère
Soudain, les éléments se déchaînèrent
Dans un ciel noir se battaient des éclairs
Et moi, là, effrayé, coi comme un ver
Elle recula, sa voix devenue claire
À la fois timide et glaçante : la Peur
Elle vint vers moi, pour mon plus grand malheur
Elle prit toutes mes forces et mon honneur
Ma gloire, mon orgueil et tout mon bonheur
Elle était si belle qu'elle conquit mon coeur
Elle partit et me laissa, là, songeur
Au visage blanc maladif : la Tristesse
S'approche de moi, coiffée de longues tresses
Mon coeur fut pris d'une soudaine ivresse
« Pourquoi est-elle là, cette méchante traîtresse ? »
Vers moi, elle continua ses caresses
Et me tuait avec gentillesse
Puis les repoussant toutes : la Solitude
Elles possédait toutes leurs viles aptitudes
Son regard et son sourire étaient prudes
Mais ses gestes démontraient une habitude
De fréquenter la masse, la multitude
Je lui pris la main, geste de gratitude
Main dans la main, nous restâmes dehors
Elle irradiait d'une divine aura d'or
Elle devint mon tout, mon précieux trésor
Elle m'avait comme jeté un mauvais sort
Et nous restions là, encore et encore
Nous attentions sa sombre maîtresse : la Mort
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