Le soleil commence à se lever. Quatre heures que nous grimpons maintenant. Nous avançons dans une brume épaisse avec de la neige jusqu'aux cuisses.

Nous marquons une courte pause pour manger une barre énergétique. Nous sommes au beau milieu de nul part. Les barbes de Thomas et Steve sont gelées. La mienne aussi doit être totalement cartonnée.

• Je vois du bleu ! dit Thomas.

On regarde le ciel: la brume est peut être en train de se dissiper.

Une heure plus tard, Thomas a vu juste: Le relief se dessine et devant nous la Montagne apparaît dans toute sa masse. Quel monument. Les têtes regardent à gauche et à droite, nous retrouvons nos repères avec joie.

A cinq cent mètres devant nous, je peux voir de nombreuses fissures verticales dans le flan de la Montagne. Une en particulier, très marquée, forme une longue rigole qui monte à pic sur plus de 500 mètres. Je reconnais le Couloir de Kantor, le seul et unique passage vers le sommet.

Le Couloir de Kantor est un passage d’un mètre de large, incliné à 70°, qui monte droit sur 500 mètres puis vire à gauche. La première partie se déroule en général sans encombre, les alpinistes la grimpent à l’aide de cordes fixes et de piolets, ils peuvent si besoin s’aider des parois qui les entourent.

Mais lorsque le Couloir vire à gauche, on a tout au long du passage, en amont de soi, de grands blocs de glace qui parfois se décrochent, et en aval, une pente gelé qui finit dans une crevasse. Statistiquement, c’est ici que la moitié des accidents mortels surviennent depuis que les hommes ont commencé à gravir la Montagne.